L’impact de la pandémie sur Montréal se fera sentir longtemps. L’Institut de la statistique du Québec (ISQ) anticipe que la croissance démographique de la métropole sera moindre au moins jusqu’en 2041. Toutes les régions du Québec devraient pendant ce temps voir leur population augmenter nettement plus rapidement.

Montréal et Laval vers le bas

Dans de nouvelles projections 2021-2041, l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) révèle que Montréal et Laval voient « leur population projetée être révisée à la baisse », contrairement aux 15 autres régions du Québec. « Cette année, le solde migratoire inter-régional a été très bas pour l’île de Montréal. L’année d’avant, il y avait eu un mouvement vers la banlieue, donc la couronne nord avait été assez favorisée, mais dans la dernière année, même la couronne a eu des soldes assez bas. L’ensemble de la région métropolitaine est révisé à la baisse », observe le démographe de l’Institut, Frédéric Fleury-Payeur. Son groupe anticipe à peine 3 % de croissance en 20 ans pour l’île de Montréal, un chiffre nettement plus bas que le scénario de 2021, ce qui signifie que Montréal perdrait près de 180 000 résidants en 20 ans. À Laval, on parlerait tout de même de 12 % – une croissance qui demeure moins grande que par le passé –, tandis que pour la région métropolitaine, ce serait environ 10 % d’ici deux décennies, l’équivalent de la moyenne provinciale.

Les régions gagnent au change

C’est une tout autre réalité pour plusieurs régions situées près des grands centres qui, elles, voient un renversement de leurs tendances vers le haut. Citons les Laurentides, avec une hausse prévue de 21 % sur 20 ans, ou encore Lanaudière (+ 16 %), la Montérégie (+ 16 %), voire l’Estrie (+ 17 %). En mai, huit maires des Laurentides avaient fait une sortie groupée pour réclamer plus d’investissements provinciaux pour faire face à l’importante croissance de la population en vue. « On a toujours été sous-financés ici. Mais là, ça va prendre un peu plus d’agilité dans les budgets pour les attribuer au bon moment, au bon endroit, selon l’accroissement réel de la population. Sinon, il va y avoir un manque réel de services. Et on ne pourra pas se rattraper », affirme le maire de Brébeuf et préfet de la MRC des Laurentides, Marc L’Heureux. Les régions plus éloignées, comme la Côte-Nord, projettent quant à elles des décroissances, avec - 10 % dans ce cas-ci.

Vieillissement et main-d’œuvre

Partout dans la province, le vieillissement inévitable de la population se poursuit. Mais il demeure encore plus marqué dans certaines régions, montrent les données de l’ISQ, ce qui risque d’avoir un impact prononcé sur la main-d’œuvre disponible dans les prochaines années. En Abitibi-Témiscamingue, par exemple, la population âgée de 20 à 64 ans devrait décliner de 10 %, dans le Bas-Saint-Laurent, de 11 %, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, de 12 %, en Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, de 14 % et sur la Côte-Nord, de 22 %. « Le vieillissement est une tendance tellement lourde qu’il n’y a pas de grands changements majeurs possibles à l’horizon. La seule façon de le changer serait d’avoir subitement beaucoup d’enfants ou beaucoup de jeunes immigrants, ce qui n’est pas du tout dans nos projections », affirme M. Fleury-Payeur.

Une « régionalisation » plus prononcée de l’immigration

L’ISQ prédit aussi une « régionalisation » de l’immigration encore plus prononcée au cours des prochaines années. Autrement dit, cela signifie que de plus en plus de nouveaux arrivants choisiront de s’installer en dehors des grands centres urbains, même si ceux-ci demeureront néanmoins le choix de la plupart d’entre eux, surtout Montréal. Dans son rapport, l’organisme note que cette tendance à la régionalisation pourrait s’atténuer progressivement dans les prochaines années, mais se « stabiliser complètement à partir de 2031 ». « Qu’on se comprenne : la grande majorité des immigrants se dirigent encore vers Montréal. Mais on voit une tendance vers les régions, il y en a plus », souffle le démographe Fleury-Payeur, en évoquant que les nombreux programmes gouvernementaux pour stimuler l’immigration en région, ces dernières années, y sont probablement pour quelque chose.

Télétravail et nouvelles réalités

Derrière les régions qui pourraient voir leur population augmenter se cache une nouvelle réalité : le télétravail, responsable en bonne partie du changement des préférences résidentielles des Québécois. « Si, dans bien des régions où les taux sont rehaussés, ce sont des télétravailleurs qui sont surtout plus nombreux, il y aura des questions à se poser. Est-ce que ce seront des travailleurs qui apporteront une main-d’œuvre dans la région, ou qui demanderont juste des services ? », illustre encore le démographe à ce sujet. Au cabinet de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, on indique que « l’heure est à la lutte à l’étalement urbain ». « Si cette tendance s’avère véridique, c’est tout le Québec qui souffrira des conséquences économiques et environnementales de ce phénomène. Pour arriver à renverser efficacement cette tendance, nous avons aussi besoin de l’appui des deux autres paliers de gouvernement », affirme l’attachée de presse Marikym Gaudreault.