Des centaines de ménages sont toujours en quête d’un logement au Québec, deux semaines après le 1er juillet. Et d’autres pourraient bien s’ajouter au lot, comme celui de Michele Rock, qui risque de se retrouver dans la rue d’ici quelques jours, sans soutien des services d’urgence de la Ville de Montréal.

« Je me sens désespérée là-dedans, abandonnée, confie Michele Rock au bout du fil. Je demande beaucoup d’aide, et je ne dis pas ça méchamment, mais je n’en ai pas. »

La dame de 56 ans habite dans un logement de Tétreaultville, dans l’est de Montréal, en compagnie de son conjoint et de leur fils de 23 ans. Prestataires de l’aide financière de dernier recours (aide sociale), ils ont perdu leur cause au tribunal administratif du logement pour cause de non-paiement de loyer. La famille habite dans une coopérative d’habitation subventionnée en partie par l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM).

Selon Mme Rock, elle a bien payé son loyer, mais elle a été informée tardivement du recalcul de sa part de loyer après que son conjoint ait réaménagé chez elle, menant à une rétroaction de cette différence sur quelques mois. Autrement, elle affirme avoir toujours payé son loyer depuis les cinq ans qu’elle y habite.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Michele Rock, entourée de son conjoint (à gauche) et de son fils (à droite).

La famille devait quitter les lieux au plus tard le 13 juillet, comme en témoigne une lettre d’un huissier que La Presse a pu consulter, mais elle a négocié une prolongation jusqu’au 20 juillet. Et selon Mme Rock, aucun des services d’urgence de la Ville de Montréal n’a répondu à ses demandes d’aide.

J’ai tout fait. J’ai fait le 311, tous les numéros qu’ils m’ont donnés. Le 211, et tous les numéros qu’ils m’ont donnés. La dame de l’OMHM m’a dit que j’étais barrée de partout, même des logements ordinaires.

Michele Rock

L’OMHM est notamment responsable de soutenir, pour la Ville de Montréal, les ménages « vulnérables et à revenu modeste qui sont sans logis ou sur le point de l’être et qui n’ont pas trouvé de solution de logement, notamment dans le contexte d’une évacuation, d’un problème de salubrité ou d’un sinistre », selon le site web de l’OMHM.

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L’avis d’expulsion reçu par Mme Rock

Ne laisser personne derrière

Certains critères s’appliquent pour que la Ville de Montréal vienne en aide aux ménages dans le besoin : habiter dans l’île de Montréal depuis 12 mois, avoir un revenu modeste, avoir perdu ou être sur le point de perdre son appartement, et être autonome pour résider en logement.

« Cela étant dit, l’objectif le plus important demeure de ne laisser personne derrière, souligne par courriel Camille Bégin, relationniste pour la Ville de Montréal. Les dossiers sont évalués au cas par cas, avec bienveillance et flexibilité. Des exceptions peuvent s’appliquer. »

Les services d’urgence de la Ville de Montréal comprennent de l’accompagnement au relogement, de même que de l’hébergement et de l’entreposage temporaires, renchérit Mme Bégin.

Le 311 est normalement la porte d’entrée pour obtenir de l’aide.

À l’OMHM, Valérie Rhême, chargée des communications, affirme qu’il y a certes des critères d’admissibilité pour obtenir du soutien de l’Office. « [Mais] normalement, on ne laisse pas tomber les gens qui sont sur le point de se retrouver à la rue. »

En attendant, Michele Rock tente de faire des boîtes tout en prenant soin de son conjoint – qui subit un traitement d’hémodialyse et se déplace en quadriporteur – et de son fils qui a des problèmes de santé mentale. En dernier recours, elle a décidé de se tourner vers les médias.

« Je ne veux pas me ramasser dans la rue avec mon conjoint très malade et avec mon gars qui ne va pas bien », déplore-t-elle.

Des centaines de familles toujours sans logis

Environ 600 ménages étaient toujours accompagnés par les services d’urgence des municipalités du Québec cette semaine, selon Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU).

À Montréal, en date du 12 juillet, 37 ménages étaient hébergés temporairement, précise Camille Bégin. Un nombre qui a presque quadruplé depuis le 29 juin où 10 ménages étaient hébergés. De plus, 132 familles étaient accompagnées par les services d’urgence de la Ville.

Comme on l’anticipait, ça sera long avant que la situation ne se résorbe. Ça a augmenté dans certaines municipalités, dont Montréal, et diminué un petit peu dans d’autres.

Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain

Des logements trop chers pour la capacité de payer des locataires à faible ou modeste revenu, trop petits pour les familles, ou simplement inexistants en raison du faible taux d’inoccupation : le problème « ne se réglera pas tout seul », soutient Mme Laflamme.

Et pour les familles comme celle de Michele Rock, qui ont des dossiers pour non-paiement de loyer, « c’est particulièrement difficile », ajoute la porte-parole.

En savoir plus
  • 107
    Nombre de ménages soutenus par la Ville de Montréal en date du 29 juin 2022
    Ville de Montréal
    135
    Nombre de ménages soutenus par la Ville de Montréal en date du 14 juillet 2022
    Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU)