La Fédération des producteurs de lait du Québec (FPLQ) assure qu’elle arrive, depuis lundi, à replacer le lait qui devait être transformé à l’usine Agropur de Granby, paralysée par une grève. Deux millions de litres ont été jetés aux égouts depuis le début du conflit de travail, la semaine dernière.

« À court terme, la situation est sous contrôle, affirme Daniel Gobeil, président de la FPLQ, mais on demande aux deux parties, à Agropur et au syndicat, d’être imaginatifs pour trouver des solutions pour maintenir un service minimal de transformation. »

L’usine de Granby, l’une des plus importantes de la province, reçoit 800 000 litres de lait par jour. Elle transforme ainsi 10 % du lait québécois en fromage.

Or, mercredi dernier, les 250 travailleurs de la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) ont déclenché une grève générale illimitée. Ils reprochent à leur employeur de vouloir faire passer les quarts de travail de 8 à 12 heures par jour. Les employés perdraient plusieurs fins de semaine de congé, et le début de leur quart varierait d’un jour à l’autre, selon le syndicat. À terme, ces changements entraîneraient la perte de 30 emplois, déplore Bernard Cournoyer, conseiller syndical à la CSD.

L’employeur a 158 demandes qui touchent 32 des 33 articles de la convention collective. C’est comme s’ils voulaient prendre la convention collective qui est mature de 45 ans pour la jeter aux poubelles.

Bernard Cournoyer, conseiller syndical à la Centrale des syndicats démocratiques

Le conseiller syndical souhaite que le conflit se règle rapidement, quoi qu’il indique que la grève se poursuivra tant et aussi longtemps que la question des quarts de travail sera sur la table. « Il y a une pénurie de main-d’œuvre partout et du roulement de personnel. Mais nous ici, on réussit à assurer les opérations 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et il faudrait changer nos horaires pour une question de quoi ? De coûts ? Si vous regardez les finances d’Agropur, vous verrez qu’ils ne sont pas dans le trouble », ajoute M. Cournoyer.

Agropur affirme ne pas vouloir commenter les négociations sur la place publique. Mylène Dupéré, vice-présidente aux communications corporatives, souligne toutefois que la coopérative souhaite se doter d’une plus grande agilité pour recevoir les surplus de lait des producteurs. Certaines semaines, les vaches produisent plus que d’autres, explique-t-elle.

« Nous avons des plans d’avenir pour l’usine de Granby […], et ça nous aiderait d’avoir plus de flexibilité, plus d’agilité pour recevoir le lait quand les producteurs nous indiquent qu’ils ont des surplus », a soutenu Mme Dupéré.

Elle a aussi dit souhaiter que le conflit se règle rapidement afin d’éviter que du lait soit encore jeté.

Un impact sur les prix ?

Maurice Doyon, professeur et directeur du département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de l’Université Laval, ne croit pas que la grève chez Agropur aura un impact sur les prix du lait et du fromage, surtout que d’autres usines réussissent à transformer la matière première.

Avec la concentration des usines de transformation, il risque d’y avoir d’autres épisodes de gaspillage alimentaire dans l’avenir, soutient M. Doyon.

« Les activités de transformation se concentrent avec le temps. Olymel et Exceldor, par exemple, transforment à eux deux 95 % du poulet au Québec. Quand il y a eu une grève chez Exceldor, l’année dernière, l’impact a été immédiat », rappelle M. Doyon. Plus d’un million de poulets avaient en effet été euthanasiés pendant la grève à l’usine de Saint-Anselme, en juin 2021.

« Les consommateurs sont à la recherche du meilleur prix possible, et les transformateurs veulent réduire leurs coûts le plus possible, poursuit le professeur. Ça incite les usines à chercher des économies de taille. Mais ça a aussi comme effet d’augmenter notre vulnérabilité dès qu’il y a une grève, un incendie ou une contamination. »