La police d'Ottawa veut éviter de répéter les erreurs du « convoi de la liberté » de l'hiver

La police a arrêté quatre personnes au centre-ville d’Ottawa jeudi lors d’un rassemblement contre la vaccination obligatoire et contre le gouvernement Trudeau.

Un policier aurait été étranglé lors d’un rassemblement au Monument commémoratif de guerre du Canada à Ottawa. « L’enquête initiale révèle qu’une interaction avec des agents est devenue conflictuelle et qu’un agent a été étranglé », a indiqué la police d’Ottawa sur Twitter. L’état de santé du policier n’a pas été divulgué.

À la suite de l’agression, d’autres agents sont intervenus. Au total, quatre personnes ont été arrêtées. L’évènement se serait produit non loin des rues Wellington et Elgin, à proximité du parlement d’Ottawa et du Château Laurier.

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Un policier reçoit les premiers soins au centre-ville d'Ottawa, jeudi

La police a lancé un avertissement sur son compte Twitter. « Les manifestations axées sur les véhicules ne seront pas autorisées dans le centre-ville et seront arrêtées sur les autoroutes ou les routes si elles présentent un risque pour la sécurité publique. […] La police ne tolérera pas les comportements illégaux ou agressifs et nous avons des stratégies pour faire face aux individus ou aux groupes qui enfreignent la loi. »

Au même moment toutefois, la plupart des gens dans la foule ont continué à se déplacer joyeusement et paisiblement. Les touristes et les familles se promenaient également sur les lieux, semblant perplexes alors qu’ils prenaient des photos du Monument commémoratif de guerre du Canada.

Contre la vaccination obligatoire

Plus tôt dans la soirée, James Topp, réserviste des Forces armées canadiennes, était arrivé au Monument commémoratif de guerre acclamé par une foule nombreuse. Le militaire a été accusé en février de deux chefs de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, pour des propos tenus alors qu’il portait son uniforme. Il mène depuis quatre mois une marche vers la capitale, depuis Vancouver.

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James Topp, réserviste des Forces armées canadiennes, a été accueilli par une foule à Ottawa, jeudi en début de soirée, après avoir marché plus de 4000 kilomètres à partir de Vancouver.

Il estime que le gouvernement fédéral est allé trop loin en imposant la vaccination obligatoire dans la fonction publique et dans les transports. Cette obligation a été levée le 14 juin, mais elle demeure en place dans les Forces armées. Selon le gouvernement fédéral, 773 fonctionnaires ont révélé ne pas avoir été vaccinés, ce qui représente 0,3 % de l’ensemble de la fonction publique.

« La marche était une façon d’attirer l’attention de nos élus pour leur faire comprendre le dommage causé non seulement aux fonctionnaires fédéraux, mais aussi dans le secteur privé, explique-t-il. Il y a des gens qui ont perdu leur emploi ou qui n’ont plus de chèque de paie. »

Il réclame que l’obligation vaccinale ne soit pas simplement levée, mais abrogée, que les gens qui ont été suspendus puissent retourner au travail et qu’on leur verse une indemnisation.

Poilievre se joint à la marche

Le candidat à la direction du Parti conservateur Pierre Poilievre a marché à son côté jeudi. « Je crois qu’il milite pour le droit de choisir, a-t-il affirmé à un journaliste de CTV. Les gens devraient avoir le droit de prendre leurs propres décisions concernant leur propre corps. »

Le Réseau canadien anti-haine associe M. Topp à des groupes de la droite radicale. M. Topp, lui, affirme avoir été inspiré par le « convoi de la liberté », mais prend ses distances par rapport aux organisateurs. « Je ne prévois pas d’occuper la ville », dit-il.

Le réserviste a pourtant rencontré un groupe de députés conservateurs la semaine dernière en compagnie de l’un des anciens conseillers de Donald Trump et d’un bénévole du « convoi de la liberté », Tom Marazzo.

M. Topp doit prendre la parole ce vendredi midi lors d’un pique-nique organisé dans un parc situé à quelques kilomètres du parlement. Une marche est ensuite prévue en milieu d’après-midi. La police confirme que certains manifestants ont exprimé sur les réseaux sociaux leur intention de s’installer au centre-ville jusqu’à la fête du Travail.

La police d’Ottawa veut éviter de répéter les mêmes erreurs

Critiquée pour son laxisme l’hiver dernier, la police ne veut pas laisser de camions s’incruster une deuxième fois. « On a appris de ce qui s’est passé aux mois de janvier et février », reconnaît l’inspecteur Frank D’Aoust, en entrevue.

Des remorqueuses sont stationnées depuis mercredi soir sur le tronçon de la rue Wellington toujours accessible aux véhicules. Depuis le « convoi de la liberté », les 500 mètres de la Cité parlementaire sont uniquement praticables à pied ou à vélo, sauf pour les véhicules d’urgence.

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Barricades installées sur la rue Wellington, mercredi

« On s’assure d’avoir les effectifs suffisants avant que le convoi arrive en ville pour prendre la situation en main, ajoute-t-il. Malheureusement, en janvier et février nous n’étions pas prêts à ce qui allait se passer. »

Au plus fort de la crise, l’ex-chef de la police d’Ottawa, Peter Sloly, avait réclamé 1800 policiers supplémentaires pour déloger les centaines de camions et leurs klaxons rugissants qui s’étaient immobilisés dans les rues du centre-ville de la capitale fédérale. Il avait démissionné une semaine plus tard.

Le gouvernement fédéral avait par la suite invoqué la Loi sur les mesures d’urgence. Quelques jours plus tard, une vaste opération policière échelonnée sur trois jours avait permis de déloger les manifestants.

La Sûreté du Québec y avait participé et elle sera de nouveau présente à Ottawa ce vendredi. L’inspecteur D’Aoust n’a pas voulu révéler le nombre total d’agents qui seront en service, mais il a indiqué qu’Ottawa avait obtenu l’aide d’autres corps policiers pour gonfler ses effectifs. Le Service de police de la Ville de Montréal prêtera également main-forte, tout comme la Gendarmerie royale du Canada, la Police provinciale de l’Ontario et d’autres corps de police municipaux ontariens.

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Une clôture de métal a été installée sur le terrain de la Cour suprême du Canada en prévision de la manifestation.

La Ville a instauré une « zone de contrôle » au centre-ville de la capitale fédérale où les véhicules stationnés illégalement ne sont pas tolérés. Les amendes ont été haussées à 1000 $. Selon la dernière mise à jour en fin d’après-midi jeudi, les agents municipaux avaient remis 234 constats d’infraction de stationnement et remorqué 59 véhicules qui se trouvaient dans cette zone de contrôle. Les gens sont invités à utiliser les transports en commun, gratuits pour l’occasion. La police a procédé à quatre arrestations vendredi soir, ce qui porte le nombre total à cinq depuis jeudi.

Le Service de protection parlementaire a également adopté des mesures de sécurité renforcées. Les visiteurs doivent passer au détecteur de métal s’ils veulent s’approcher de l’édifice du Centre, ne serait-ce que pour prendre une photo. Tous les sacs sont fouillés et une longue liste d’articles interdits est affichée sur la clôture de fer forgé entourant le parlement. Aucune tente, aucune table, aucun équipement de cuisson ne sont permis.

Avec Alice Girard-Bossé, La Presse et La Presse Canadienne