Deux ans après la mort d’un cycliste montréalais victime d’emportiérage, la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) tarde à appliquer une recommandation toute simple du coroner qui demande d’apprendre aux nouveaux conducteurs l’ouverture de la portière « à la hollandaise ».

Jean-Pierre Lefebvre, 63 ans, roulait à vélo le 6 juillet 2020. Un automobiliste qui ne l’avait pas vu a ouvert sa portière sur le cycliste, qui est tombé puis s’est cogné la tête au sol. Il est mort à son arrivée à l’hôpital.

Dans son rapport, la coroner Geneviève Thériault recommande notamment d’apprendre aux nouveaux automobilistes québécois à ouvrir leur portière avec leur main opposée – « à la hollandaise » –, ce qui pourrait sauver des vies.

Pour un conducteur, il s’agit simplement d’ouvrir la portière avec la main droite.

« Mes recherches m’ont permis d’apprendre que pour éviter l’emportiérage, il est conseillé à l’automobiliste de bien vérifier son angle mort, de regarder dans son rétroviseur et d’ouvrir la portière avec la main opposée à la portière (de cette façon le conducteur doit se tourner sur son axe, ce qui facilite la vérification de l’angle mort) », écrit MThériault.

La technique hollandaise

Cette technique toute simple est enseignée depuis des décennies aux Pays-Bas. Elle l’est aussi dans plusieurs pays d’Europe. Le concept a aussi été ajouté dans le Code de la route du Royaume-Uni cette année.

Or, la coroner écrit dans son rapport qu’elle a vérifié auprès de la SAAQ. Même si les nouveaux conducteurs sont sensibilisés à l’emportiérage des cyclistes, « la technique d’ouvrir la portière avec la main opposée n’est ni enseignée ni notée ».

Il serait bénéfique, selon moi, d’enseigner l’ouverture de la portière avec la main opposée.

Me Geneviève Thériault, coroner

Le rapport de la coroner Thériault a été publié il y a près d’un an. Mais la SAAQ n’a toujours pas entamé de réflexion sur l’enseignement de cette technique aux nouveaux conducteurs.

« Présentement, la technique de la “portière hollandaise” consistant à ouvrir la portière avec la main opposée n’est pas spécifiquement enseignée », reconnaît une porte-parole de la SAAQ dans un courriel.

Elle précise : « Une analyse sera réalisée de concert avec nos experts en sécurité routière au moment opportun. »

« C’est la pointe de l’iceberg »

L’emportiérage est pourtant un véritable fléau, selon Vélo Québec. « L’emportiérage est quelque chose de vraiment préoccupant. Quand tu regardes à Montréal, les camions sont impliqués dans un tiers des morts de cyclistes, mais on a aussi beaucoup, beaucoup de cas d’emportiérage », indique Magali Bebronne, directrice des programmes chez Vélo Québec.

Le SPVM est le seul corps de police qui documente le nombre d’évènements où un cycliste est frappé par une portière. Depuis 2013, 1127 rapports d’évènement ont été rédigés par des policiers montréalais en lien avec un emportiérage, selon les statistiques les plus récentes.

Ça, c’est la pointe de l’iceberg, car il y a plein d’emportiérages qui ne sont pas déclarés.

Magali Bebronne, directrice des programmes chez Vélo Québec

Vélo Québec espère que la SAAQ se rangera à la suggestion de la coroner et apprendra aux nouveaux automobilistes à ouvrir leur portière avec la main opposée.

« Il faudrait commencer maintenant à enseigner les bons comportements aux prochaines générations parce qu’ils seront sur la route pendant les 40, 50 prochaines années et des cyclistes, il va y en avoir de plus en plus », dit-elle.

Elle ajoute que Vélo Québec, dans son programme d’éducation cycliste au primaire, sensibilise les enfants de 10 et 11 ans à l’emportiérage.

« On essaie d’inculquer le bon comportement, de rouler à au moins un mètre des véhicules stationnés, dit-elle. Nous, on fait notre bout de chemin pour éduquer les prochaines générations, ce serait bien que la même chose soit faite pour les automobilistes. »