Le processus de renouvellement de passeports demeure pénible pour les voyageurs

Des personnes qui ont effectué leur demande de passeport en mars dernier encombrent le système bien malgré elles. Elles appellent par centaines sur la ligne 1 800, effectuent des demandes de transfert de dossier, prennent des rendez-vous en ligne, et ce, même si elles ont rempli leur formulaire il y a plusieurs mois déjà.

« La ministre dit qu’il faut nous assurer d’avoir un passeport valide en réservant un voyage, mais en mars dernier, le site web du gouvernement indiquait que les passeports étaient délivrés en 20 jours ouvrables. Je me suis fiée à cette information », se désole Christine Tina Paliotti.

« S’ils envisageaient un déferlement de demandes, pourquoi ils n’ont pas modifié les délais ? », se questionne celle qui a pris un rendez-vous le 17 mars dernier dans un bureau de Service Canada en vue du voyage de sa fille en Thaïlande, le 23 juin. Son reçu lui indiquait que le passeport serait livré autour du 3 mai.

Sans nouvelles du document de voyage vers la mi-mai, Mme Paliotti a multiplié les démarches pour sauver les vacances de sa fille. Comme beaucoup d’autres personnes dans sa situation, elle a passé des heures à composer le numéro de la ligne d’assistance de Passeport Canada, elle a effectué une demande pour transférer son dossier de Gatineau vers Laval, elle a contacté sa députée fédérale, elle a fait la queue devant un bureau.

« Le jour de son départ, vers 17 h, elle a reçu un appel pour lui demander quand elle partait. Mais son départ était le matin et on l’avait écrit sur le formulaire ! C’était trop tard ! », raconte la mère de famille, stupéfaite. Sa fille a payé 5000 $ pour le voyage qu’elle n’a pas fait.

« Leur façon de fonctionner n’est pas logique du tout ! Il y a des gens qui attendent depuis des mois et d’autres qui se présentent à un bureau à la dernière minute et qui réussissent à avoir leur passeport à temps », indique-t-elle.

Il n’y a rien de logique là-dedans. C’est très injuste.

Christine Tina Paliotti

Des centaines d’appels

Hélène T. a aussi effectué une demande de renouvellement de passeport, le 1er avril, pour ses deux adolescents en vue d’un voyage familial au Mexique, le 4 juillet prochain. La semaine dernière, elle a appelé Service Canada pour savoir où en étaient ses demandes faites 12 semaines plus tôt.

« Chaque fois, pour avoir la ligne, j’ai dû appeler une centaine de fois. À tous les coups, ça m’a pris une heure pour avoir la ligne et ensuite, 45 à 50 minutes pour réussir à parler à quelqu’un », explique celle qui préfère garder l’anonymat pour ne pas nuire à ses efforts pour obtenir les passeports de ses enfants.

Au téléphone, un employé lui a proposé de transférer sa demande de Gatineau vers le Complexe Guy-Favreau, où elle pourrait récupérer les passeports quand ils seraient prêts. Depuis, elle est sans nouvelles des documents de voyage.

« Les choses doivent être améliorées. Ce n’est pas un système efficace. Ce n’est pas normal que la personne au bout du fil ne soit pas capable de me dire l’état de ma demande de transfert. Est-ce que ledit transfert a été accepté ou non ? », se demande Hélène T.

Emploi et Développement social Canada ainsi qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada n’ont pas été en mesure de nous dire, lundi, combien de demandes de passeport effectuées en mars sont toujours en attente d’être traitées… ni quand ces demandes seront traitées.

Rappelons que seules les personnes qui avaient une « raison justifiant un voyage urgent » ont pu renouveler leur passeport pendant au moins 15 mois durant la pandémie. Ottawa a limité la délivrance de documents de voyage « pour appuyer les efforts de confinement et protéger le personnel ».

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

En milieu de journée lundi, le site du gouvernement indiquait que l’attente au Complexe Guy-Favreau était de quatre heures trente.

Les rendez-vous en ligne se font rares

Faire la queue tout de suite pour tenter d’obtenir un rendez-vous ? Attendre 48 heures avant le voyage du mois d’août pour obtenir un passeport d’urgence ? Geneviève Grégoire jongle avec ces questions depuis quelques jours. Elle a tenté en vain d’obtenir une plage horaire par l’entremise du site internet du gouvernement fédéral pour faire une demande de passeport pour son fils.

Elle espérait obtenir une plage horaire à la mi-juillet. « On aurait quand même le temps, mais là il n’y en a pas, de plages de rendez-vous, constate-t-elle. Donc, je ne vois pas quand les files d’attente et le camping vont se terminer si tout ce qu’ils font, c’est donner les passeports pour les voyages dans les 12 ou 24 prochaines heures. »

La famille doit décoller de l’aéroport le 12 août pour ensuite embarquer dans un bateau de croisière. Geneviève Grégoire s’est rendu compte jeudi que le passeport de son fils arrivait à échéance le 31 juillet. « On est complètement passés à côté », reconnaît-elle.

Elle se demande maintenant quelle est la meilleure marche à suivre. Le voyage qui a coûté des milliers de dollars est non remboursable. Le site du gouvernement indique qu’il y a deux semaines d’attente plus le délai postal pour les gens dont le voyage est prévu entre 3 et 45 jours et qui soumettent une demande dans un des bureaux de traitement des passeports.

Je vais en ligne et le site nous donne sept possibilités [de bureau des passeports] quand on fait le plus grand rayon possible qui est de 250 kilomètres. J’y vais tous les jours, mais j’ai peu d’espoir…

Geneviève Grégoire

« Notre autre plan de match, c’était d’aller au Nouveau-Brunswick, mais encore faut-il s’organiser », ajoute-t-elle.

L’arriéré est tel que le gouvernement donne la priorité depuis la semaine dernière aux voyageurs qui ont besoin d’un passeport dans les 48 heures. Les gens dont le déplacement international est dans trois jours ou plus peuvent tout de même recevoir un rendez-vous ultérieur… à condition de faire la queue.

En milieu de journée lundi, le site du gouvernement indiquait que l’attente au Complexe Guy-Favreau était de quatre heures trente.

Au bureau de la ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Karina Gould, on reconnaît que les rendez-vous en ligne sont rares et qu’il est plus avantageux de se déplacer. Des employés font le tri, selon l’urgence de chaque cas, et remettent des coupons de rendez-vous. La ministre, qui avait une annonce sur les services de garde lundi à Winnipeg, au Manitoba, n’a pas abordé la question des passeports.

Surveiller les fonctionnaires

Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé au cours du week-end un nouveau « groupe d’intervention pour améliorer les services gouvernementaux ». Il est composé de 13 ministres, soit le tiers de son cabinet. La première réunion a eu lieu lundi en fin d’après-midi.

Au bureau du premier ministre, on indique que les travaux du groupe seront axés sur le temps de traitement des demandes de services comme les passeports, des demandes d’immigration et des délais d’attente dans les aéroports. Une source du bureau de la ministre Gould a indiqué qu’il s’agit d’un genre de comité de surveillance pour faire comprendre aux fonctionnaires qu’ils doivent se mettre à la tâche pour régler ces problèmes.

Le Parti conservateur a raillé cette initiative. « Plus de bureaucratie, plus de réunions et plus de ministres libéraux incompétents ne sont pas ce dont nous avons besoin pour résoudre cette crise », a dénoncé son chef adjoint, Luc Berthold, par communiqué.

Plutôt que de se concentrer sur la résolution de la crise, les fonctionnaires qui travaillent fort devront maintenant détourner leur attention pour aider un groupe de travail composé de ministres libéraux à étudier le problème.

Luc Berthold, chef adjoint du Parti conservateur

« Les Canadiens ont besoin de travailleurs de première ligne pour traiter les demandes et réduire l’arriéré, et non d’un projet de recherche estival pour un ministre libéral, » conclut-il.

Le groupe de travail est présidé par la ministre des Femmes et de l’Égalité des genres et de la Jeunesse, Marci Ien, et le ministre des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller. La ministre Gould en fait partie, tout comme le ministre de l’Immigration, Sean Fraser, et le ministre des Transports, Omar Alghabra.