Le 2 juin dernier, Romana Didulo a fait une forte impression pendant un passage en Gaspésie. Deux des véhicules récréatifs du « convoi royal » qu’elle dirigeait ont été saisis en raison d’irrégularités d’immatriculation et de permis de conduire. La conspirationniste canadienne, adepte de QAnon et « reine » autoproclamée du Canada a toutefois déclaré sur son compte Telegram « n’avoir enfreint aucune loi ». Mais peut-on réellement se proclamer reine ou roi ?

La réponse est relativement simple : « On ne peut pas se proclamer reine parce que le Canada est une monarchie constitutionnelle. On ne devient pas roi ou reine parce qu’on s’est proclamé [tel]. On devient roi ou reine parce qu’on est la personne désignée par une série de règles de succession royale », affirme Amélie Binette, étudiante au doctorat à la faculté de droit de l’Université Laval.

Ces règles s’inscrivent dans de « vieilles lois [de l’Empire britannique] et dans la common law constitutionnelle », souligne-t-elle.

Les règles de succession royale peuvent toutefois être modifiées, mais il faudrait passer par une loi du Parlement, précise Mme Binette. « Au Canada, c’est en passant par la Constitution formelle. »

On ne peut pas se lever un bon matin et se dire : “Moi, je veux faire partie de la succession royale.” Ce sont des règles héréditaires.

Amélie Binette, étudiante au doctorat à la faculté de droit de l’Université Laval

« Une citoyenne comme une autre »

Si s’ériger en monarque du Canada ne change rien dans les faits, cela peut avoir des conséquences légales si des actions criminelles sont perpétrées. Après avoir provoqué un tollé pendant la pandémie en raison de ses prises de position dangereuses vis-à-vis du personnel médical, Romana Didulo a invité ses abonnés à arrêter de payer leurs factures d’électricité et d’eau, services qualifiés de « gratuits ».

Certains de ses abonnés ont sauté le pas et se sont retrouvés sans eau et sans électricité.

« Elle n’est pas exemptée du droit criminel, c’est une citoyenne comme une autre […]. À partir du moment où elle utilise une fausse identité pour avoir surtout des avantages financiers, on frise la fraude », insiste Amélie Binette.

La constitutionnaliste souligne que la reine Élisabeth II, elle, dispose d’une immunité criminelle. Ce principe comporte toutefois des exceptions et « tend à s’affaiblir avec les années ». Personne n’est exempté des règles du Code de la route, comme en témoigne l’incident survenu en Gaspésie, d’abord rapporté par les médias de Québecor.

« Sécurité en danger »

MRichard Généreux, avocat fiscaliste, explique quant à lui que les factures sont généralement liées à un contrat et que ne pas respecter un contrat peut entraîner des conséquences.

« Généralement, les services seront coupés puisqu’il y aura une exécution du contrat. Les entreprises vont arrêter de rendre les services et vont pouvoir entreprendre des procédures de recouvrement des sommes dues devant les tribunaux », indique-t-il.

Si les tribunaux ne sont pas impliqués, une note peut être ajoutée au dossier de crédit des citoyens qui refusent de payer leurs factures. Cela peut influencer leur cote de crédit et leur capacité d’emprunt, selon l’avocat fiscaliste.

Il ajoute que la loi sur la faillite du Canada permet toutefois aux personnes qui seraient dans l’incapacité financière de payer leurs factures de déclarer faillite. Cette loi permet aussi de faire « une proposition concordataire, de consommateur ou une proposition générale pour payer une partie des factures ».

Me Généreux avance aussi que l’invitation à cesser de payer ses factures pourrait porter « atteinte à la sécurité de certaines personnes ».

« S’ils ne peuvent pas avoir d’électricité ou des services essentiels comme l’eau, leur sécurité est en danger », conclut-il.

Et ce, même si la « reine » leur a dit le contraire.