Si vos enfants sont incapables de se rendre à l’école à vélo de façon sécuritaire, votre ville a été aménagée en fonction de priorités du passé, et le temps est venu de « prendre les devants », propose l’auteur Stein van Oosteren, qui sera en conférence à Montréal jeudi.

Un projet d’aménager une piste cyclable dans une rue commerciale est proposé. Dans les médias, des commerçants s’y opposent, assurant que cela va faire fuir les clients et « tuer » la rue. La piste est réalisée, la rue devient moins bruyante, plus conviviale, plus d’un million de cyclistes l’empruntent la première année et 37 nouveaux commerces y élisent domicile.

C’est ce qui s’est passé rue Saint-Denis, à Montréal. Un cycle qui se répète pratiquement en copier-coller chaque fois qu’il est question de faire de la place aux cyclistes ou aux piétons en ville, note Stein van Oosteren, auteur du livre Pourquoi pas le vélo ? et porte-parole du Collectif Vélo Île-de-France, partenaire du récent boom des pistes cyclables dans la région parisienne.

L’environnement qui nous entoure est le reflet des priorités du passé. Ce que je veux faire, c’est aider les gens à imaginer leur espace autrement.

Stein van Oosteren, auteur du livre Pourquoi pas le vélo ?

Établi à Paris et originaire des Pays-Bas, Stein van Oosteren rappelle que la révolution automobile du milieu du siècle dernier n’a pas épargné des villes comme Amsterdam où, comme ailleurs, la voie publique a été consacrée aux automobilistes.

En 1967, la Ville d’Amsterdam a même embauché David Jokinen, un ingénieur américain de la circulation, pour qu’il dessine l’avenir d’Amsterdam. Intitulé « Donner une chance à la ville », son plan prévoyait la création de six autoroutes dont l’aménagement entraînerait la destruction de plusieurs quartiers historiques.

« À un vote près »

Après des débats enflammés, 22 conseillers municipaux ont voté contre le projet, alors que 21 ont voté pour. « À un vote près, Amsterdam serait aujourd’hui défiguré, comme c’est malheureusement arrivé ailleurs », dit-il.

Il a fallu le choc pétrolier des années 1970, suivi d’un ras-le-bol citoyen sur la dangerosité des voies publiques pour les enfants se déplaçant à vélo, pour convaincre les élus de remettre le vélo au cœur de la ville.

Aujourd’hui, trois enfants néerlandais sur quatre vont à l’école à vélo, tout ça parce que l’infrastructure permet de le faire de façon agréable et sécuritaire.

PHOTO CHRISTOPHE VOISIN, FOURNIE PAR L’ASSOCIATION FAR À VÉLO

Stein van Oosteren, auteur du livre Pourquoi pas le vélo ? et porte-parole du Collectif Vélo Île-de-France

Avec les autres membres du Collectif Vélo Île-de-France, M. van Oosteren a pu réinventer les déplacements à vélo à Paris ces dernières années. Le confinement de la COVID-19 a agi comme catalyseur pour ce projet, avec l’apparition de plusieurs « coronapistes » protégées de la circulation automobile et permettant de se déplacer à vélo de façon sécuritaire. Ce réseau a depuis été pérennisé et est en train d’être étendu.

Les Parisiens ont adopté en masse la pratique du vélo au quotidien. Selon la Ville de Paris, la fréquentation des pistes cyclables a augmenté de 47 % entre 2019 et 2020, et encore de 22 % entre 2020 et 2021.

Réseau cyclable séparé : la clé

C’est que les obstacles aux déplacements à vélo souvent nommés tombent lorsqu’une infrastructure sécuritaire est implantée, note M. van Oosteren. À Oulu, une ville de Finlande située près du cercle arctique, plus de 1000 des 1200 enfants d’une école utilisent leur vélo pour se rendre en classe même en hiver, par -20 °C.

Les enfants d’Oulu n’ont pas une « culture » différente, dit-il. « Ce qu’ils ont, c’est un réseau de pistes cyclables sécuritaires entretenues à l’année, parce que dans les années 1960, le maire a implanté un réseau cyclable séparé, en plus de canaliser le gros du trafic automobile autour de la ville. Créer une ville pour le vélo, c’est créer une ville pour la vie. C’est ce que les enfants veulent. Une ville avec beaucoup de vélos ressemble à une fête. Il faut que la ville devienne une fête. »

Pour changer les choses, il faut d’abord s’organiser, dit M. van Oosteren, qui appelle les citoyens à unir leurs efforts pour réclamer des rues apaisées où la pratique du vélo au quotidien est sécuritaire.

« Il faut voter pour des politiciens qui défendent ces idées, mais ce n’est pas tout : il faut aussi les soutenir pour qu’ils puissent en parler plus. Les politiciens sont par nature conservateurs, ils suivent ce que disent les gens. Mais pour les gros changements, ce n’est pas possible. Il faut vraiment prendre les devants. »

Pourquoi pas le vélo ?

Stein van Oosteren présentera sa conférence Pourquoi pas le vélo ? le jeudi 2 juin 2022 à partir de 17 h 30 à la Maison du développement durable (places limitées) ou en formule virtuelle, sur la plateforme Zoom.

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En savoir plus
  • 340 millions $
    C’est la somme que consacrera la Ville de Paris (250 millions d’euros) à l’aménagement de pistes cyclables dans son plan 2021-2026. Paris veut construire une ville « 100 % cyclable », qui permettra de rejoindre en vélo de façon sécuritaire tout point de la ville.
    source : Ville de Paris