Qu’est-ce que la 5G ?

Il s’agit d’un nouveau mode de transmission cellulaire, basé sur des fréquences existantes et de nouvelles en développement, notamment les 3,5 GHz au Canada et, à plus long terme, sur des ondes dites « millimétriques » à partir de 24 GHz. Outre les fréquences, la 5G repose sur des innovations technologiques accélérant la transmission de données.

Quels sont les avantages de la 5G ?

Tous, ou presque, sont liés à ce qu’on appelle « l’internet des objets ». Son principal avantage, notamment pour les industries, est son délai de latence très réduit, de 1 milliseconde par rapport à 50 millisecondes pour la 4G. C’est le temps nécessaire aux données pour passer d’un point à un autre.

À terme, les vitesses de transmission pourront atteindre jusqu’à 20 gigabits par seconde, des performances qui n’ont été atteintes qu’en laboratoire pour l’instant.

Enfin, la 5G permettra de gérer jusqu’à 1 million de dispositifs par kilomètre carré, contre 2000 à l’heure actuelle.

Dans quels domaines s’attend-on à ce qu’elle soit utile ?

Vu ses capacités, elle permettra la connexion de milliards d’appareils avec une consommation d’énergie diminuée et une transmission accrue et plus rapide de données. La voiture autonome, la télémédecine, la réalité virtuelle sans fil et les installations industrielles, la ville intelligente, notamment, en profiteront. À terme, pour les consommateurs, la 5G devrait engendrer des applications plus puissantes et des forfaits de données plus généreux, comme on le voit depuis près d’un an.

Est-elle déjà offerte au Canada ?

Oui… et non. Les principaux fournisseurs de services sans fil offrent depuis 2020 des réseaux dits « 5G », mais utilisent encore les infrastructures de l’ancienne technologie couplées à certaines innovations technologiques, notamment « l’informatique de proximité » qui permet de gérer les communications plus près de l’utilisateur. On obtient ainsi des vitesses accrues, entre 300 et 600 Mb/s, et une latence légèrement améliorée. Bell a été un des premiers fournisseurs à offrir une expérience pour le consommateur basée sur la 5G avec Vision 5G RDS, où on peut choisir entre plusieurs angles de caméras. Pratiquement tous les nouveaux téléphones cellulaires vendus en 2022 au Canada sont compatibles avec cette 5G, que certains experts appellent toutefois « 4G+ ».

Quelle est la différence entre « 4G+ » et « 5G » ?

La 5G disponible pour le commun des mortels est encore loin des promesses de la « vraie » 5G. Celle-ci est déjà accessible dans des environnements contrôlés, dans le cadre de projets pilotes des fournisseurs ou en laboratoire. Ce n’est qu’en juin 2021 qu’Ottawa a mis aux enchères les fréquences réellement 5G, celles autour de 3,5 GHz.

Huawei est-elle bien présente au Canada ?

Oui. L’entreprise chinoise a ouvert ses premiers bureaux au pays en 2008 et emploie aujourd’hui quelque 1500 personnes. Elle a notamment mis sur pied une chaire de recherche industrielle sur le sans-fil à Polytechnique Montréal en 2017 et s’est associée au gouvernement de l’Ontario pour créer un laboratoire doté d’un budget de 300 millions sur cinq ans à partir de 2016.

Par ailleurs, deux des plus importants fournisseurs au Canada, Bell et Telus, ont recouru à de l’équipement de Huawei pour leurs infrastructures de réseau, de fibre optique et 4G. Selon un porte-parole de Huawei cité par le Globe and Mail l’an dernier, le Canada représente 1 % du chiffre d’affaires de l’entreprise.

À l’échelle mondiale, selon le groupe Dell’Oro, Huawei avait une part de marché de 31 % dans les infrastructures 5G en 2020, tandis que ZTE est à 10 %. Ericsson et Nokia sont à égalité à 15 %, tandis que Samsung est à 3 %.

Le bannissement de Huawei et de ZTE va-t-il nuire au déploiement de la 5G au Canada ?

Sans doute moins qu’on ne s’y attendait. Jusqu’en 2020, Huawei était le choix principal retenu par Bell et Telus, tandis que Rogers avait retenu les services d’Ericsson. Vidéotron, quant à elle, avait opté pour Samsung en 2019. En février 2020, Bell a annoncé son intention de choisir Nokia comme « premier fournisseur », suivi de Telus en novembre 2020 qui a annoncé qu’elle ne recourrait plus aux services de Huawei pour sa 5G.

Quant à ZTE, sa présence est notable dans les infrastructures 5G en Chine et dans certains pays asiatiques, mais reste marginale au Canada.

Il reste une question en suspens : la décision d’Ottawa semble rétroactive, et Bell et Telus devront alors changer leurs plus vieilles infrastructures auxquelles Huawei a contribué. Les deux entreprises ont pris contact avec le gouvernement fédéral en 2021 pour obtenir une compensation dans ce cas.

Est-ce que les produits de Huawei et de ZTE vont continuer à être vendus et à fonctionner au Canada ?

Oui, à moins que les deux entreprises chinoises décident elles-mêmes de se retirer du marché des consommateurs. La décision d’Ottawa ne concerne que leur participation « dans les systèmes de télécommunication ». Il serait par ailleurs techniquement impossible d’empêcher la connexion d’appareils individuels Huawei ou ZTE aux réseaux canadiens. Ceux-ci, à titre d’exemple, sont tout à fait fonctionnels aux États-Unis malgré les embargos, pourvu qu’ils soient compatibles avec les fréquences utilisées, différentes d’une zone géographique à l’autre.

Pourquoi craindre Huawei ?

Ancien agent au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), Michel Juneau-Katsuya compare le projet de déploiement de la 5G au Canada à la construction d’un « Autobahn », large autoroute allemande sans limite de vitesse.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Michel Juneau-Katsuya, ancien agent au Service canadien du renseignement de sécurité du Canada

Or, « si quelqu’un se positionne là-dessus pour contrôler tous les véhicules, regarder ce qu’il s’y passe, ce qu’il y a dans le coffre, nous aurions un gros problème de sécurité nationale », lance-t-il, en entrevue, pour exposer le danger que représentait Huawei pour le Canada.

« Huawei, ce n’est pas une entreprise ordinaire. Elle a grandi en volant de la propriété intellectuelle […] et est en concubinage avec le gouvernement chinois. Et le gouvernement chinois actuel, très autocratique, ne se gênera pas pour dicter aux entreprises stratégiques [comme Huawei] de travailler avec lui », explique-t-il.

Selon Michel Juneau-Katsuya, le Canada aurait dû depuis longtemps suivre l’exemple des autres pays membres de l’alliance Five Eyes, soit les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui ont tous frappé Huawei d’un interdit.

Espionnage industriel

Dans le contexte de l’après-guerre froide, « où on est passé d’une confrontation militaire à une confrontation économique » entre les pays, l’espionnage industriel dans le but de voler des technologies aux entreprises étrangères est devenu une manne pour certains États, rappelle Michel Juneau-Katsuya.

Dans l’histoire de l’humanité moderne, la Chine est de loin l’appareil offensif de renseignement le plus spectaculaire qu’on a vu.

Michel Juneau-Katsuya, ancien agent du SCRS et expert en sécurité nationale

Selon ses données, l’espionnage industriel coûterait chaque année de 100 à 120 milliards de dollars au Canada, pays qu’il considère comme étant dans le peloton de tête en matière d’innovation technologique.

Qui plus est, Huawei peut très bien espionner les personnes qui possèdent ses appareils cellulaires, indique l’expert, une approche loin d’être inoffensive. « Monsieur et madame Tout-le-Monde, c’est eux qui travaillent dans les entreprises, chez Bombardier, au gouvernement canadien, etc. Ils deviennent la porte ou la fenêtre d’en arrière qu’on a oublié de barrer, c’est grâce à eux qu’on va peut-être éventuellement gagner l’accès », fait-il valoir.