Lutte contre la violence armée, plus grande place faite à la diversité, valorisation du travail des policiers, sortie de la pandémie : la nouvelle directrice par intérim du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Sophie Roy, fera face à de nombreux défis dans les prochains mois. Première femme à occuper ce poste, elle entend opérer une « transition saine » pour sa succession, qui arrivera à l’automne.

« Je suis très reconnaissante de pouvoir vivre cette expérience. Et d’être la première femme, ça me remplit de fierté. C’est aussi très significatif pour tous mes collègues. Ça démontre que le SPVM est ouvert aux rêves de tout le monde », lâche la principale intéressée, en entrevue avec La Presse.

Elle entend privilégier une « culture de collaboration » au sein du corps policier, où elle a accumulé plus de 34 années d’expérience, ayant notamment été directrice adjointe des enquêtes criminelles. « La sécurité publique, il faut partager cette responsabilité-là. Et c’est comme ça qu’on bâtit des ponts, en apprenant à se connaître, à se comprendre, à échanger, à démystifier nos responsabilités collectives », dit-elle.

Ce chantier sera d’autant plus essentiel dans le contexte de hausse de la violence armée, juge Sophie Roy. « La pointe de l’iceberg, c’est le coup de feu, mais il faut voir aussi ce qui le sous-tend. Ça peut remonter à plusieurs années pour plusieurs suspects. C’est au niveau social qu’il faut se demander ce qu’on peut faire pour combattre la criminalité émergente, par exemple », soutient la femme d’expérience.

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Sophie Roy, directrice par intérim du SPVM

Il n’y a pas un policier qui ne se sent pas concerné par la hausse de la violence.

Sophie Roy, directrice par intérim du SPVM

Pour elle, « la priorité » est de s’attaquer à la circulation des armes à feu dans la métropole. « Évidemment, on ne peut pas travailler seule cette problématique-là. C’est pour ça qu’on participe à des équipes provinciales comme [l’opération] Centaure. Et on va continuer », jure-t-elle.

La nouvelle directrice y croit : c’est bien possible de faire baisser le nombre de fusillades à Montréal. « Évidemment, les enquêtes, c’est long et c’est complexe. Venant des enquêtes, j’ai été à même de le constater. Mais il faut donner le temps. Et notre travail porte fruit », assure-t-elle.

Plus de liens, plus de confiance

En deux ans, la pandémie de COVID-19 a durement précarisé les communautés vulnérables et une bonne partie de la population, poursuit Sophie Roy. « Tout le réseau a été moins accessible. Nos policiers aussi ont dû s’adapter. Ç’a été extrêmement demandant. Et eux aussi ont vécu la pandémie, avec un facteur d’isolement. Ça a ajouté une pression supplémentaire. »

Comme son prédécesseur Sylvain Caron, qui a tiré sa révérence en avril, elle reconnaît que la « réalité montréalaise » peut parfois être difficile pour un patrouilleur.

La pression sociale, les médias sociaux, la perception des gens ou le jugement populaire extrêmement rapide, c’est un enjeu. Moi, je pense qu’il faut donner la chance au processus, éviter le jugement trop rapide, et valoriser le travail des policiers. Ils réalisent des milliers d’interventions de façon professionnelle auprès de clientèles vulnérables. Ils voient des choses que le citoyen ne voit pas au quotidien.

Sophie Roy, directrice par intérim du SPVM

Elle avoue toutefois que bien des ponts restent à bâtir pour redonner confiance à toute la population dans le système policier. « Quand je suis arrivée dans l’après-crise de Montréal, comme cheffe d’unité au [poste de quartier] 39, il fallait rebâtir ces ponts tant à l’externe qu’à l’interne. Et ça se travaille tous les jours. C’est un combat de tous les instants », illustre-t-elle.

À la Ville de Montréal, on accueille très bien l’arrivée de Mme Roy. « Elle comprend et connaît très bien les complexités des enjeux de sécurité publique, ce qui fait d’elle un véritable atout pour Montréal », a indiqué mardi le responsable de la sécurité publique au comité exécutif, Alain Vaillancourt.

Par intérim, mais « bien en selle »

Le processus de sélection du prochain chef ou de la prochaine cheffe du SPVM a été lancé en mars, avec un affichage public. Ce printemps, un comité de sélection fera un choix parmi tous les candidats, qui peuvent postuler de partout au Québec et au Canada. Cette décision devra être entérinée par le comité exécutif de la Ville et le gouvernement du Québec. L’identité de cette personne sera connue d’ici l’automne.

Sophie Roy a déjà indiqué qu’elle ne se présentera pas. D’ici là, elle veut toutefois être « bien en selle ». « Je ne vois pas mon mandat comme un mandat de quelques mois. L’intérim, oui, c’est un titre, mais il faut que je sois bien en selle, que j’encourage et que je soutienne mon personnel. On va persévérer, on va continuer », lance-t-elle.

Quant à sa collaboration avec la mairesse Valérie Plante – qui a déjà eu des tensions avec Sylvain Caron par le passé –, la nouvelle directrice intérimaire ne s’en fait pas trop. « J’ai toujours favorisé de bonnes relations, parce que ça sert la sécurité publique. Je n’ai pas d’enjeux au niveau des relations à venir », conclut-elle. À ses yeux, la nomination récente de l’ex-grand patron de la Sûreté du Québec Martin Prud’homme comme directeur général adjoint de la Ville annonce une « excellente collaboration ».

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    Nombre de membres du SPVM issus de minorités visibles ou d’une communauté autochtone, dont 649 sont patrouilleurs. L’an dernier, le SPVM rapporte avoir embauché 59 policières et policiers provenant de la diversité. « Il faut garder toute notre ouverture. Et il faut absolument poursuivre ces démarches-là », glisse Sophie Roy.
    SOURCE : SPVM