Après un recul en 2020 sous le coup de la pandémie, l’espérance de vie au Québec repart à la hausse. Les Québécois vivent actuellement en moyenne jusqu’à 83 ans, montrent de nouvelles données parues mercredi. Cela représente six ans de plus qu’aux États-Unis, où le relâchement précoce des mesures sanitaires, mais surtout l’inégalité dans l’accès aux soins de santé, pèse lourd dans la balance.

L’état des lieux

En date de 2021, les hommes peuvent espérer vivre en moyenne 81,1 ans au Québec et les femmes, 84,9 ans, note l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) dans un rapport paru mercredi. Pour la province, il s’agit d’une hausse par rapport à 2020, où l’espérance de vie avait reculé en raison de la pandémie. Les Québécois avaient vu leur espérance de vie passer de 82,9 ans en 2019 à 82,3 ans en 2020. L’année 2021 marque ainsi un retour à la situation prépandémique avec une espérance de vie de 83 ans. L’ISQ constate par ailleurs que le Québec se distingue à l’international, notant que, contrairement à ce qui s’observe ici, « l’espérance de vie de 2021 n’est pas revenue au niveau de 2019 dans la majorité des pays » où des données sont disponibles.

Écart marqué avec les États-Unis

La comparaison avec les États-Unis demeure la plus marquante, l’écart avec la province en matière d’espérance de vie s’étant « creusé davantage » pendant la pandémie. Il atteint maintenant pas moins de 6 ans. C’est nettement plus qu’il y a 20 ans, où l’écart était de 2 ans seulement. L’écart était de 4 ans tout juste avant la pandémie. « Dans certains endroits, comme chez nos voisins américains, la situation s’est détériorée en 2021 encore plus qu’en 2020. Dans le monde, la norme est vraiment une stagnation par rapport à 2020, ou une baisse », explique le démographe Frédéric Fleury-Payeur en entrevue avec La Presse. Il signale que « plusieurs facteurs » ont pu avantager le Québec, dont ses mesures sanitaires, les comportements de la population, la transmission communautaire, mais aussi les mouvements de voyageurs et la densité de population. Aux États-Unis, « ce sont surtout les inégalités sociales, en particulier pour l’accès aux soins de santé, qui peuvent expliquer cette mortalité plus élevée », affirme l’enseignante à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM) Roxane Borgès Da Silva. « Comme les soins coûtent très cher, une personne qui attrape la maladie n’a pas toujours accès aux soins intensifs, par exemple. Une bonne partie de la population s’endette pour sa santé, et ça joue pour beaucoup », note-t-elle.

Amélioration possible ?

Si la majorité des régions dans le monde ont observé « une surmortalité et des baisses d’espérance de vie » depuis le début de la pandémie, quelques pays ont réussi à mieux s’en tirer. « Pour une évolution semblable à celle du Québec, on peut penser à la Suisse ou, mieux, à la Norvège, qui a connu à peine de la surmortalité et qui se retrouve nettement au-dessus de son espérance de vie de 2019 », explique le démographe Frédéric Fleury-Payeur. Il ajoute que des pays comme le Japon et Singapour « font office de meilleures pratiques en matière d’espérance de vie dans le monde ». « Quand on regarde leurs chiffres, on se dit que c’est sûr qu’il y a encore de la place pour augmenter l’espérance de vie au Québec. Il y a beaucoup de travaux et d’études qui se penchent sur cette question-là en ce moment, pour voir notamment comment ces endroits réussissent à diminuer leur surmortalité au plus bas, à chaque tranche d’âge », dit l’expert.

Surmortalité globale de 4,5 %

Si la cinquième vague de COVID-19 s’est bel et bien traduite par une forte surmortalité au début de 2022 au Québec, son incidence semble avoir été de courte durée. Entre le début de la pandémie, en mars 2020, et le 12 mars 2022, la province a enregistré 4,5 % de morts de plus que prévu, révèle le rapport de l’Institut de la statistique. Cela représente « environ 6400 décès de plus qu’attendu, toutes causes confondues ». « La vague Omicron nous a fait rehausser légèrement, mais sur deux ans, on voit que ça n’a pas eu d’effet énorme sur le bilan global. Et c’est très lié à l’espérance de vie qui est en hausse », rappelle M. Fleury-Payeur. Il ajoute que la surmortalité « est inférieure au nombre de décès liés à la COVID-19 qui ont été rapportés pour la même période », ce qui peut s’expliquer par « l’effet de moisson », soit le devancement de certains décès, surtout dans les CHSLD et les résidences privées pour aînés (RPA). Encore une fois, une comparaison avec les États-Unis, qui affichent une surmortalité de 18 % depuis deux ans, montre un important écart.

Une situation « mieux contrôlée »

En conférence de presse mercredi, le directeur national de santé publique par intérim, le DLuc Boileau, a indiqué que personne ne peut se réjouir qu’« un peu plus de 15 000 personnes nous [aient] quittés au Québec à cause de la COVID-19 ». « Par contre, ce qu’on a réussi à montrer, c’est que cette mortalité-là a été mieux contrôlée qu’ailleurs. Ça n’efface pas l’excédent qu’on a eu, surtout au début, mais globalement, notre surmortalité a été moindre. […] On est dans un peloton de très bonne performance, je dirais », a-t-il lancé aux journalistes, en se disant aussi « très heureux » que l’espérance de vie soit en hausse partout dans la province, une excellente nouvelle pour l’avenir, selon lui.

En savoir plus
  • Entre 14 et 24 millions
    Nombre estimé de « décès excédentaires à l’échelle mondiale » engendrés par la pandémie de COVID-19
    SOURCE : Institut de la statistique du Québec