Plus de la moitié des journalistes et autres travailleurs des médias répondants disent avoir été victimes de cyberharcèlement, selon une étude de la Fédération nationale des communications et de la culture (FNCC – CSN) et l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

« Le phénomène est non seulement omniprésent dans les médias québécois, il ne va qu’en s’amplifiant », a déploré Annick Charette, présidente de la FNCC-CSN, en conférence de presse jeudi.

Pas moins de 50,8 % des 264 répondants – majoritairement des journalistes, mais aussi des chroniqueurs et animateurs – disent avoir vécu du cyberharcèlement lié à leur travail. Presque un sur cinq (17,8 %) affirme avoir reçu des menaces visant leur intégrité physique, et 7,2 % ont même reçu des menaces de mort.

« Je connais peu de métiers où l’on subit de telles menaces », a déclaré le professeur Stéphane Villeneuve, l’un des chercheurs ayant mené l’étude.

Le cyberharcèlement est défini comme « un acte commis en ligne qui est agressif, volontaire et dommageable, […] généralement répétitif ». Les gestes les plus fréquents rapportés consistaient en la remise en question de la qualité du travail ou des qualifications, et des propos offensants ou ridiculisants.

Les chercheurs notent dans l’étude qu’il y a « un risque que les victimes de cyberharcèlement soient surreprésentées » dans les résultats, puisque les questionnaires étaient remplis sur une base volontaire. L’échantillonnage était donc « non probabiliste », mais les résultats reflètent ceux d’autres enquêtes rigoureuses, précise-t-on.

Beaucoup de répondants ont aussi indiqué que le cyberharcèlement avait des effets sur leur travail et dans leur vie, causant du stress, de la colère, accaparant leur attention, et les poussant même à éviter des sujets controversés, par exemple.

Parmi les témoignages recueillis, on trouve des insultes, des avances sexuelles non désirées, des menaces de gestes violents, et des accusations à répétition de reportages tendancieux.

La majorité des répondants ont néanmoins noté que leur employeur n’a mis en place aucune mesure visant à prévenir le cyberharcèlement (71,4 %) ou à les soutenir lorsqu’ils en sont victimes (65,2 %).

La FNCC-CSN – qui représente notamment les travailleurs de La Presse, de Radio-Canada, du journal Le Devoir et de nombreux autres médias – n’a pas souhaité préciser quels employeurs faisaient mieux sur ce plan.

Les conditions de travail des journalistes « se dégradent de façon vertigineuse depuis quelques années », a déploré Mme Charette, et « le cyberharcèlement en est une composante ».

Les chercheurs recommandent aux entreprises médiatiques d’« implanter, communiquer et appliquer une politique et des protocoles clairs en matière de cyberharcèlement », au gouvernement d’« inclure explicitement le cyberharcèlement dans la Loi des normes du travail » et de sensibiliser la population à ce sujet, entre autres mesures.

« Ça fait déjà partie des réflexions qu’on a, et c’est abordé dans deux cours dans le programme », a déclaré Patrick White, responsable du programme de baccalauréat en journalisme à l’UQAM. Un « guide sur la santé mentale en journalisme » a également été distribué aux étudiants l’automne dernier, a-t-il ajouté.

Aussi appelé à réagir, le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MTESS) du Québec n’avait pas répondu aux questions de La Presse au moment de publier ce texte.