(Ottawa) Le Canada s’est joint à plus de 100 pays alliés dans le monde, mardi, pour forcer le Conseil de sécurité des Nations unies, paralysé, à subir un examen public plus approfondi, tandis que le gouvernement ukrainien a félicité une sénatrice canadienne pour avoir déposé un projet de loi, plus sévère, sur les sanctions contre Moscou.

L’ambassadeur du Canada à l’ONU, Bob Rae, a qualifié d’antidémocratique le droit de veto accordé aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité, alors que l’Assemblée générale votait mardi pour soumettre l’organe le plus puissant du monde à un examen plus approfondi.

L’Assemblée générale a adopté mardi une résolution qui obligerait l’un des cinq membres permanents du Conseil qui disposent d’un droit de veto – la Russie, les États-Unis, la Chine, la France et le Royaume-Uni – à comparaître devant les représentants des 193 pays pour justifier sa décision d’y recourir.

Cette résolution ne supprime pas ce controversé droit de veto au Conseil de sécurité. Mais comme la Russie menace de continuer à l’utiliser pour empêcher toute action visant à lui barrer la route dans sa guerre en Ukraine, M. Rae estime que le vote historique de l’Assemblée générale souligne que le monde surveillera plus attentivement les gestes posés par les membres permanents du Conseil.

Ce droit de veto « est aussi anachronique qu’antidémocratique », a déclaré M. Rae en expliquant le soutien du Canada à la résolution de l’Assemblée générale.

Réaffecter les avoirs gelés

Pendant ce temps, à Ottawa, le Sénat s’apprêtait à adopter un projet de loi, plus sévère, qui pourrait conduire à la confiscation de milliards de dollars d’actifs russes déjà gelés. L’ambassade d’Ukraine au Canada a exhorté les députés à adopter rapidement en Chambre ce projet de loi.

Le projet de loi de la sénatrice Ratna Omidvar permettrait d’utiliser des avoirs russes gelés par le biais de sanctions pour soutenir les victimes des attaques russes – une mesure assez inusitée dans le paysage financier international.

« Nous pensons qu’il est tout à fait juste que les actifs de l’État russe ou les biens mal acquis des oligarques russes fassent partie des réparations de l’État agresseur à la victime de cette agression », indique le communiqué de l’ambassade.

« En adoptant le projet de loi S-217, le Canada fera preuve de leadership et pourrait donner l’exemple à suivre et montrer que le régime russe kleptocratique corrompu paiera tout le prix de ses crimes contre l’Ukraine. »

La Russie devra s’expliquer

Aux Nations unies, la résolution sans précédent adoptée mardi signifie que la Russie, par exemple, devra s’expliquer devant les nations réunies si elle décide d’opposer son veto au Conseil de sécurité. La résolution prévoit que l’Assemblée générale « tienne un débat sur la situation » qui a donné lieu à tout veto au Conseil dans les 10 jours ouvrables, et que le pays qui l’a invoqué soit parmi les premiers à parler.

Des représentants de la Russie et de la Biélorussie se sont prononcés contre cette résolution, mais leur opposition a été contrée par les émissaires de dizaines de pays qui avaient parrainé la motion – un groupe, dirigé par le petit Liechtenstein, qui comprenait aussi le Canada.

De la salle de l’assemblée, M. Rae a vertement condamné le système défaillant des Nations unies qui a permis ce qu’il a qualifié d’« acte d’agression honteux et illégal » de la Russie contre l’Ukraine.

L’ambassadeur du Canada a déclaré que la récente impasse dans le dossier de l’Ukraine s’est produite au moment où le monde avait justement le plus besoin du Conseil de sécurité.

« Nous assistons à la destruction de villes. Nous assistons au meurtre de femmes et d’enfants. Nous assistons à la destruction de toute une infrastructure d’un pays – et nous voyons aussi un pays qui résiste. Le Conseil de sécurité n’est peut-être pas capable d’agir. Ça ne nous enlève pas, à nous, la capacité d’agir », a déclaré M. Rae.

L’ambassadeur du Canada et les diplomates du monde discutaient à New York alors que les bombes russes continuaient de pilonner la ville portuaire ukrainienne de Marioupol, dont de larges pans ont été réduits en décombres dans une guerre qui a tué des milliers de civils ukrainiens et forcé des millions de personnes à fuir leur maison.

« Le recours au veto et la menace de l’utiliser dans des situations où des crimes atroces sont perpétrés en Syrie et en Birmanie, et à Marioupol, par exemple, ou dans des situations où un membre permanent du Conseil de sécurité a lancé une guerre d’agression contre un autre État membre de l’ONU, comme le fait actuellement la Fédération de Russie en Ukraine, sont non seulement honteux, mais aussi contraires aux obligations découlant de la Charte des Nations unies et du droit international », a estimé M. Rae.