(Québec) Le décret autorisant la Ville de Québec à aller de l’avant avec son projet de tramway ne prévoira finalement aucune condition, a confirmé le gouvernement Legault mercredi.

« Il n’y a pas de clause d’acceptabilité dans les décrets », a confirmé le ministre des Transports, François Bonnardel.

Le document réglementaire autorisera Québec à lancer des appels de propositions pour la fourniture du matériel roulant et la construction des infrastructures du réseau. La Ville aura également droit à une somme additionnelle de 124 millions pour effectuer des travaux préparatoires.

C’est tout un revirement pour le gouvernement Legault. La veille, le ministre de l’Énergie et député de Charlesbourg, Jonatan Julien, demandait qu’une majorité de citoyens appuient le projet, et François Legault en faisait une condition. « Est-ce que quelqu’un peut être contre ça, s’assurer qu’un projet aussi important de la Ville de Québec soit appuyé par la population ? », a-t-il dit.

ILLUSTRATION FOURNIE PAR LA VILLE DE QUÉBEC

Cette étape plutôt technique du projet de transport collectif s’était retrouvée au centre d’une joute politique entre le maire de Québec, Bruno Marchand, et le gouvernement Legault. Il y a deux semaines, la CAQ demandait l’abandon d’un tronçon de 500 mètres de rue partagée sur le boulevard René-Lévesque, au cœur de la ville. « Le concept de rue partagée m’inquiète beaucoup. La vision régionale, le maire de la Ville de Québec semble l’avoir oubliée », disait le ministre des Transports. Il en faisait une condition pour financer le tramway. Le ministre François Bonnardel affirmait à ce moment que trois nouvelles conditions seraient inscrites dans le décret : une vision régionale, le retrait du concept de rue partagée et la question du financement avec le fédéral.

Recul

Mais c’est surtout une déclaration de son collègue du Conseil des ministres Éric Caire qui a retenu l’attention : « Le maire de Québec dit qu’il ne veut pas faire une guerre à l’automobile, alors qu’il le prouve et qu’il arrête de polluer l’existence des conducteurs avec des projets comme ça », avait-il affirmé avant de se rétracter.

Cette semaine, le premier ministre François Legault avait jeté du lest en affirmant que le maire Bruno Marchand n’aurait qu’à démontrer l’acceptabilité sociale du projet. Le recul a été complété mercredi avec un décret sans condition. La ministre responsable de la Capitale-Nationale, Geneviève Guilbault, a même lancé des fleurs à M. Marchand. « Je le vois aller, puis je trouve qu’il est bon, puis je trouve qu’il se démène, puis je trouve qu’il fait ce qu’il a à faire. Il fait ce qu’il a dit qu’il ferait, et je souhaite que ça réussisse », a-t-elle dit.

Il ne faut surtout pas y voir une défaite du caucus caquiste de Québec, qui a toujours été critique à l’endroit du projet lancé par l’administration de Régis Labeaume, dit Mme Guilbault. « Il y a des gens qui ne veulent pas de tramway. Ils nous appellent, ils nous écrivent. Il y a des gens qui veulent un tramway. Ça fait qu’on essaie, nous, de naviguer dans tout ça, de tenir compte de tous les points de vue. Puis la clé, la solution à cette dynamique-là, c’est d’augmenter l’acceptabilité, d’augmenter les appuis au tramway, et pour ça, la maire est déjà au travail, puis il n’y a personne qui peut contester l’énergie qu’il met là-dedans. Donc, moi, j’ai confiance qu’il va réussir », a affirmé la députée de Louis-Hébert.

Marchand aux anges

Le maire de Québec Bruno Marchand s’est dit très heureux de ce dénouement. « Que le maire de Québec gagne, on s’en fout, ce n’est pas ce qui est important. [L’important], c’est qu’on avance dans ce projet », a-t-il dit en point de presse. Il a souligné qu’il continuerait de travailler pour améliorer l’acceptabilité sociale du projet.

M. Marchand y voit un triomphe de l’autonomie municipale. « Ce n’est pas au gouvernement du Québec de choisir des éléments comme la voie partagée. Ça réitère la compétence des villes dans l’aménagement de notre territoire », a-t-il souligné. Il souligne que le projet pourra se réaliser dans les délais prévus, avec une date de livraison en 2028, et sans coûts supplémentaires.

Il a salué le courage de Sylvain Lévesque, député caquiste de Chauveau, qui a fait une sortie pour le tramway plus tôt en journée « malgré les circonstances ». Son adversaire, le chef du Parti conservateur du Québec Éric Duhaime, fera campagne contre ce projet. « Ça mérite d’être souligné », a dit le maire de Québec. Il demande d’ailleurs au gouvernement Legault de continuer de porter bien haut le flambeau du transport collectif. « Je compte sur le gouvernement, et le premier ministre a été très clair, d’être du bon côté de la chaloupe, d’être capable de dire que c’est là qu’on s’en va […] d’en faire la promotion. Je pense que mes attentes sont claires et je souhaite que désormais, on soit unis et qu’on fasse corps et âme pour faire avancer ce projet-là. »

M. Duhaime n’a d’ailleurs pas perdu de temps pour afficher ses couleurs. Sur les réseaux sociaux, il a accusé la CAQ d’aller de l’avant « avec son mauvais projet de tramway, sans aucune acceptabilité sociale ». « Il donne le feu vert au plus cher projet de l’histoire de Québec malgré le fait que la majorité de la population de la Capitale-Nationale n’en veut pas », a-t-il dénoncé.