Les Québécois ne devraient pas se retrouver les pieds dans l’eau ce printemps, selon Environnement Canada. Tant mieux pour Caroline Bérubé et Yves Bernier, qui attendent toujours un dédommagement du ministère de la Sécurité publique du Québec, cinq ans après les inondations de 2017.

Cette année, aucune région du Québec ne fait face au cocktail météo dangereux qui provoque les inondations printanières. « On reste à la merci des embâcles des rivières, mais on n’anticipe pas de problèmes majeurs au Québec pour les deux à trois prochaines semaines », souligne André Cantin, météorologue à Environnement Canada. Une combinaison entre des températures très douces, qui accélèrent la fonte du couvert de neige, et de la pluie récurrente en quantité importante provoque généralement la montée des eaux, explique M. Cantin.

Il s’agit d’une bonne nouvelle dans la mesure où un récent sondage de la firme Ipsos révèle que seulement 4 % des Québécois ont pris des mesures pour protéger leur maison des risques climatiques comme les inondations, comparativement à 11 % dans le reste du Canada.

Lisez l’article « Les Canadiens ne sont pas préparés aux risques d’inondations »

En 2017, la famille de Caroline Bérubé, qui vit à Sainte-Geneviève, dans l’ouest de Montréal, se croyait à l’abri. Seule une partie du terrain de la maison, sur la rive de la rivière des Prairies, était considérée comme inondable, explique la mère de trois enfants. Et encore, c’était tous les 100 ans, précise-t-elle en assurant avoir fait « ses devoirs » avant d’acheter. Construite en 1967, la maison n’avait jamais eu de problème avec la crue printanière. « Pendant 15 ans, on n’a pas eu une goutte d’eau, aucun problème, c’était le paradis terrestre », a témoigné Mme Bérubé, lors d’une visite de La Presse.

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Caroline Bérubé et Yves Bernier se battent depuis cinq ans pour être dédommagés par le ministère de la Sécurité publique.

Quand la rivière est sortie de son lit et a atteint les fondations de la maison, en avril 2017 – malgré la protection des sacs de sable –, la famille de cinq s’est retrouvée à l’hôtel. Pendant un an.

Cinq ans plus tard, elle se bat toujours pour obtenir un dédommagement du ministère de la Sécurité publique du Québec, afin de stabiliser les fondations du domicile par pieutage.

Changements climatiques

Les inondations touchent 80 % des municipalités riveraines du Québec, selon un rapport de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) publié en mars 2021. À l’avenir, les effets des changements climatiques pourraient nous surprendre. « L’intensité des crues printanières, comme celles subies en 2011, en 2017 et en 2019, devrait diminuer à long terme, précise le rapport, c’est-à-dire au cours de la deuxième moitié du siècle. »

Consultez le rapport de l’INSPQ

À l’été et à l’automne, au contraire, les inondations pourraient aller en s’intensifiant, prévient l’INSPQ. D’autres facteurs, comme les aménagements apportés au territoire par les humains, pourraient aussi influer sur « l’occurrence et l’intensité des inondations », précise le rapport.

L’effet net des changements climatiques sur le nombre d’inondations reste difficile à estimer.

Extrait du rapport de l’INSPQ

Ces catastrophes ont des coûts financiers et humains importants au Québec. Elles augmentent la mortalité de façon « significative », de même que l’incidence de certaines maladies cardiaques et du diabète, indique le rapport de l’INSPQ, en plus de coûter des millions de dollars aux contribuables.

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Maison de Caroline Bérubé et Yves Bernier à Sainte-Geneviève, dans l’ouest de Montréal

Les inondations ont aussi un effet notable sur la santé mentale de la population touchée, précise l’INSPQ. « Il y a eu deux suicides dans notre quartier et une crise de cœur fatale, mais personne ne parle de ça ! », s’indigne Mme Bérubé.

Le gouvernement se prépare

Un nouveau programme national d’assurance contre les inondations est en cours d’élaboration par les provinces et la Protection civile, pour aider à protéger les propriétaires qui vivent dans des zones inondables à haut risque, a annoncé le gouvernement canadien mardi.

Une telle protection pourrait bénéficier à la famille Bérubé, dont le domicile est désormais considéré en zone inondable, même si la famille a fait de nombreux aménagements pour prévenir une future catastrophe.

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Yves Bernier

Mardi, le ministre fédéral de la Protection civile, Bill Blair, a aussi annoncé la formation d’un groupe consultatif pour actualiser le programme d’Accords d’aide financière en cas de catastrophe (AAFCC) du Canada. Fondé en 1970, l’AAFCC permet d’aider les gouvernements provinciaux si les coûts d’une catastrophe naturelle dépassent leur capacité à payer. « À cause du nombre croissant d’évènements, le coût du programme est monté en flèche », indique le communiqué de presse de l’annonce.

« Toute notre vie, on a travaillé, on a bâti, pour pouvoir acheter. Et maintenant, qui va racheter notre maison [qui a perdu sa valeur] ? », déplore Caroline Bérubé.

En savoir plus
  • 2,8 milliards
    Nombre de personnes dans le monde touchées par des inondations de 1983 à 2013
    SOURCE : ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ
  • 390 millions
    Somme dépensée par le gouvernement du Québec en pertes non assurées pour les inondations de 2017 et 2019
    Source : Bureau d’assurance du Canada