L’arrondissement d’Anjou souhaite donner un terrain municipal pour la construction d’une maison d’hébergement de deuxième étape pour femmes victimes de violence sur son territoire, mais son projet est contrecarré par la ville-centre, qui s’interpose en affirmant que les règles ne permettent pas un tel don.

Luis Miranda, maire de l’arrondissement d’Anjou, est furieux devant la situation.

« C’est un terrain qu’on a depuis 33 ans, ça ne coûte pas un sou à la Ville, s’insurge-t-il. On veut en faire don, parce qu’on sait que les organismes communautaires manquent de financement. »

Le conseil d’arrondissement d’Anjou a donc voté une résolution en ce sens il y a deux mois.

Financement compromis

En cette période où de nombreux féminicides secouent le Québec, M. Miranda dénonce l’intransigeance de la Ville.

L’organisme Transit 24 projette depuis huit ans la construction d’un immeuble de neuf logements à Anjou destiné à loger des femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants, qui seraient préalablement passés par des maisons d’hébergement de première étape.

C’est un projet de 4,3 millions. L’organisme s’attendait à recevoir du financement de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) pour le concrétiser.

Or, pour accorder une subvention, la SCHL demande qu’il y ait un partenariat avec le milieu. Le refus de la Ville de faire don du terrain pourrait donc compromettre tout le financement du projet.

Méandres administratifs

« Il manque de places en maison de deuxième étape », souligne Blandine Tongkalo, directrice de Transit 24, qui précise que 59 % des femmes qui ont besoin de ce type d’hébergement essuient actuellement un refus.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Maud Pontel, coordonnatrice de l’Alliance des maisons d’hébergement de deuxième étape

« Nous sommes pris dans des méandres administratifs, et il semble y avoir une incompréhension face au problème dont il est question », déplore Maud Pontel, coordonnatrice de l’Alliance des maisons d’hébergement de deuxième étape.

Mardi, lors de sa réunion mensuelle, le conseil municipal de Montréal a adopté une motion pour bonifier le soutien aux victimes de violence conjugale.

Luis Miranda est alors intervenu pour déplorer le fait que « quand c’est le temps de poser des gestes, on ne les fait pas ».

Pourquoi la Ville de Montréal refuse-t-elle que l’arrondissement d’Anjou cède ce terrain ? Parce que ce n’est pas de son ressort, a répondu le conseiller municipal Robert Beaudry, responsable de l’urbanisme au comité exécutif, au cours de la réunion du conseil municipal.

Ce n’est pas une compétence locale de céder ou non un terrain. Ça doit passer par un processus, et il faut suivre le processus.

Robert Beaudry, responsable de l’urbanisme au comité exécutif de la Ville de Montréal

« Le service de l’habitation va travailler sur le dossier avec le service de la gestion et de la planification immobilière », a-t-il expliqué.

« En cours d’analyse »

« La politique de cession des terrains prévoit la vente aux organismes à prix hautement préférentiel de 12 000 $ par logement afin de faciliter ce type de projet », précise Catherine Cadotte, attachée de presse de la mairesse Valérie Plante.

Est-ce à dire que la Ville pourrait vendre le terrain 108 000 $ à Transit 24, parce que leur projet comporte neuf logements ? « C’est en cours d’analyse », répond Mme Cadotte.

Le terrain en question fait 642 m⁠2 et a une valeur au rôle foncier de 200 000 $ maximum. Il est situé près d’une école et des principaux axes de transport en commun, souligne Luis Miranda. Nous ne pouvons révéler son endroit exact pour préserver la sécurité des femmes qui y logeront éventuellement.

Les maisons d’hébergement de deuxième étape permettent aux femmes d’avoir du soutien et de stabiliser leur situation, avant d’arriver à trouver leur propre appartement, explique Blandine Tongkalo. Elles paient un loyer modulé selon leur revenu.

En l’absence de ce genre de ressource, où elles peuvent vivre en sécurité avec leurs enfants, les femmes victimes de violence conjugale « risquent de retourner chez leur conjoint violent », souligne Maud Pontel.

Malheureusement, c’est souvent au cours de cette période, quand une femme a pris la décision de laisser son conjoint, que des féminicides surviennent, ajoute Mme Pontel.

En savoir plus
  • 44 jours
    Durée moyenne des séjours en maison d’hébergement de première étape
    Source : Transit 24
    8,5 mois
    Durée moyenne des séjours en maison d’hébergement de deuxième étape
    Source : Transit 24