Craignant d’importants « bris de service » et des fermetures de laboratoires, des orthésistes et prothésistes appellent la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) au dialogue, alors que l’organisme doit adopter au début d’avril une nouvelle grille tarifaire qui « fragiliserait durement » leurs activités.

« Je ne vois pas comment on va fonctionner avec un procédé tel quel. Ça va mettre en péril des entreprises. C’est vraiment fait rapidement, à la dernière minute. On a été consultés, mais pas vraiment écoutés. Bref, ç’a été fait de façon cavalière », lance l’orthésiste Martin Hudon, qui pratique dans la région de Sherbrooke pour le compte d’Orthèses et Prothèses Rive-Sud.

Il déplore que la nouvelle méthode de calcul sur le point d’être appliquée par Québec « fera payer les patients ». « Cette lourdeur-là qu’on nous rajoute, c’est du temps patient qu’on ne pourra plus donner. On a besoin d’être flexibles sur les horaires. Il faut être rapides après une chirurgie. Tout ça doit être pris en considération. Moi, si ça passe, c’est un bris de service », fustige-t-il.

La RAMQ compte mettre en application dès le 1er avril des modifications importantes à son règlement de tarification des appareils suppléant à une déficience motrice. Des discussions ont lieu depuis 2013 au sujet de cette réforme, mais ont été accélérées récemment. Le hic : les nouveaux tarifs imposés ne tiennent pas compte des coûts d’achats ou du temps nécessaire à la conception d’un appareil, déplorent les professionnels.

Il y a des bas de silicone que la moitié des patients amputés portent qui ne seront plus couverts parce que le gouvernement dit que ça coûte 500 $, mais dans les faits, ça en coûte 780 $. C’est un non-sens parmi tant d’autres.

Jacinte Bleau, présidente de l’Association des orthésistes et prothésistes du Québec (AOPQ)

Mme Bleau soutient que plusieurs laboratoires fabricant des prothèses pourraient tout simplement « arrêter de rendre les services » si la réforme se concrétise. « C’est ça qui s’en vient. Pour eux, c’est trop aberrant. On perd sur toute la ligne. Tout a été fixé à des minimums incroyables et non viables », soutient Mme Bleau.

Québec réfute les critiques

À la RAMQ, la directrice des communications, Caroline Dupont, affirme que l’objectif de cette réforme est plutôt de simplifier le tarif « pour permettre une plus grande latitude aux professionnels de manière à mieux répondre à la clientèle ». Québec dit ainsi viser une « scission des prix autrefois combinés ». « Dorénavant, il y aura deux portions, soit une portion matériaux et une autre portion main-d’œuvre », dit Mme Dupont.

Elle affirme que son groupe n’a « jamais été mis au fait des préoccupations » de l’industrie « quant à d’éventuels bris de service, et ce, malgré que des échanges aient eu lieu après la rencontre du 16 février » dernier. « Nous ne partageons pas ces préoccupations. En effet, les modifications apportées prévoient toujours le temps de main-d’œuvre nécessaire à la conception de même que le temps clinique nécessaire à l’attribution de l’aide. Les professionnels continueront donc de recevoir une rémunération pour ces actes. Ils devront toutefois les facturer différemment », précise la porte-parole de la Régie.

« Il sera désormais possible de facturer les réparations à la minute plutôt qu’avec des montants forfaitaires convenus. Les laboratoires pourront donc être assurés de recevoir une compensation équivalente au temps réellement consacré aux opérations de réparation », soutient-elle encore.

Une rencontre doit se tenir dans les prochains jours entre l’AOPQ et la RAMQ, mais celle-ci assure qu’elle ne remettra pas en question l’entrée en vigueur de son règlement. Se disant « consciente que les changements auront un impact important » sur la facturation, la RAMQ promet toutefois qu’un accompagnement sera donné aux professionnels.

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    Nombre de laboratoires québécois fabriquant des orthèses ou des prothèses au Québec, tant dans le milieu privé que public, qui sont représentés par l’AOPQ
    Association des orthésistes et prothésistes du Québec