(Ottawa) Le major-général responsable de la région canadienne au NORAD, chargé de protéger l’espace aérien nord-américain, affirme que la Russie aurait la capacité, si elle le voulait, de frapper le continent, ce qui renforce selon lui la nécessité d’améliorer les systèmes de défense.

La Russie investit depuis des années dans ses forces armées, notamment en se dotant de missiles de croisière et en développant une variété d’armes non nucléaires.

La mission de protéger l’Amérique du Nord contre la menace d’une attaque de missiles de croisière a été confiée au Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, mieux connu sous l’acronyme NORAD.

Le commandant de la région canadienne du NORAD, le major-général Eric Kenny, ne s’attend pas à une attaque imminente de la Russie, mais il admet que Moscou aurait la capacité de frapper l’Amérique du Nord par différents moyens.

M. Kenny a fait ces commentaires dans une entrevue accordée depuis Yellowknife, alors que le NORAD mène dans le Grand Nord un exercice, déjà prévu, qui implique des avions de chasse CF-18 canadiens.

Le major-général précise que l’exercice vise à donner aux nouveaux militaires et aux vétérans des Forces armées une occasion d’expérimenter des opérations dans le Grand Nord et, idéalement, à donner au NORAD une longueur d’avance sur des adversaires.

« Mais la réalité, c’est que nous ne pouvons pas faire grand-chose avec la force dont nous disposons actuellement, a déclaré M. Kenny. Nous prenons donc des décisions très conscientes et délibérées sur ce que ça implique dans le contexte actuel du NORAD. »

Investir pour moderniser le NORAD

Les gouvernements canadiens et américains successifs se sont engagés à moderniser les systèmes dans le cadre d’une mise à jour radicale du NORAD, qui a été créé pour la première fois pendant la guerre froide pour se protéger contre une attaque soviétique.

Dans le budget de l’an dernier, le gouvernement libéral a prévu un montant initial de 163 millions sur cinq ans « pour appuyer la modernisation du NORAD ».

Le plan prospectif du ministère de la Défense pour l’exercice qui commence en avril a noté qu’un certain nombre d’initiatives de modernisation « n’ont pas encore été entièrement définies et financées ». Le rapport mentionne spécifiquement le Système d’alerte du Nord, une chaîne de radars installés dans l’Arctique canadien pendant les années 1980.

Le major-général Kenny a indiqué jeudi que les responsables examinaient de près l’infrastructure nécessaire, s’assurant qu’elle était de la bonne ampleur et au bon endroit, et il a aussi noté le remplacement prévu des CF-18 vieillissants.

Le commandant Kenny s’attend à une annonce l’année prochaine sur l’approvisionnement longtemps reporté, avec une livraison de nouveaux chasseurs d’ici le milieu de cette décennie.

Les principales estimations des dépenses du gouvernement publiées plus tôt ce mois-ci prévoyaient un budget de 25,9 milliards pour le ministère de la Défense nationale, soit un peu plus que les 25,7 milliards autorisés pour le ministère jusqu’à présent au cours de cet exercice. L’allocation de l’année prochaine pour les acquisitions s’élevait à près de 4,8 milliards.

Un prochain budget plus généreux ?

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a laissé entendre que son prochain budget pourrait prévoir plus d’argent pour l’armée, alors que le Canada voit bon nombre de ses alliés augmenter leurs dépenses militaires.

L’objectif au sein de l’OTAN est de porter les dépenses militaires à au moins 2 % de la taille de l’économie (PIB) des pays membres. Les derniers chiffres de l’Alliance atlantique plaçaient les dépenses militaires du Canada à 1,39 % de son PIB en 2021.

La ministre de la Défense, Anita Anand, a rencontré ses homologues de l’OTAN cette semaine, à Bruxelles. Elle a eu notamment un tête-à-tête jeudi avec le secrétaire américain de la Défense, Lloyd Austin, alors que l’alliance militaire débat de la suite des choses en Ukraine.

« Les discussions auxquelles j’ai participé […] renforcent l’engagement commun de nos alliés et partenaires à aider l’Ukraine, ainsi que la nécessité d’adapter la posture de dissuasion et de défense de l’Alliance », a indiqué Mme Anand dans un communiqué.

Le premier ministre, Justin Trudeau, devrait se joindre à d’autres leaders des pays membres de l’OTAN au cours d’un sommet extraordinaire la semaine prochaine.

Certains des militaires qui ont participé à l’exercice du NORAD dans le Grand Nord faisaient partie de la mission canadienne de formation des forces de sécurité ukrainiennes avant l’invasion russe, il y a trois semaines.

Le major-général Kenny a déclaré que les combats en Ukraine touchaient une corde sensible chez eux. Il a soutenu que les militaires canadiens étaient fiers de la formation qu’ils ont dispensée et qu’ils voient les fruits de certaines de ces formations aujourd’hui. Mais ils sont également troublés par l’impact de l’invasion russe sur les Ukrainiens.

« Le monde n’est pas sûr, contrairement à ce que certains pourraient penser, a déclaré M. Kenny. Lorsque des acteurs, en particulier des États pairs, décident d’engager des forces militaires, on assiste à ce que l’on voit aujourd’hui. »