Un regroupement d’avocats spécialisés en immigration s’attaque aux délais « injustes » dans le traitement des demandes de résidence permanente des travailleurs qualifiés du Québec et envisage un recours contre Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.

Plus de deux ans : c’est le délai d’attente moyen pour les travailleurs qualifiés du Québec (TQQ), contre six mois ailleurs au Canada. Et ça, c’est si leur dossier avance.

« On a réalisé depuis un certain temps que de nombreux dossiers de travailleurs qualifiés du Québec sont vraiment en suspens, et ne sont pas traités par le gouvernement fédéral », explique MStéphanie Valois, présidente de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI).

Ce sont 25 000 dossiers de TQQ qui accusent un retard de traitement et un arriéré de la part d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), soit 18 000 en 2020 et 7000 en 2021, selon le plus récent Plan d’immigration du Québec. « Ce n’est pas anecdotique, observe MValois. Ça semble vraiment être une politique ou un point mort du gouvernement fédéral. »

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Or, le portrait, pour la même catégorie d’immigrants, est différent ailleurs au pays. « L’IRCC est capable de traiter les dossiers de travailleurs qualifiés fédéraux en six mois et d’ouvrir d’autres programmes, dénonce MGuillaume Cliche-Rivard, avocat spécialisé en immigration. Si vous faites ces nouveaux programmes-là, traitez les dossiers du Québec aussi ! »

Mise en demeure et mandamus

Pour faire bouger les choses, l’AQAADI a envoyé, le 23 février, une mise en demeure – que La Presse a pu consulter – à Sean Fraser, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, notamment. « L’AQAADI demande que les dossiers de 2018 soient finalisés dans un délai de trois mois et ceux de 2019 dans un délai de six mois, jusqu’à concurrence du rattrapage des cibles du Québec », détaille MGuillaume Cliche-Rivard.

Sans réponse, le regroupement envisage désormais un recours de type mandamus à la Cour fédérale du Canada. Un mandamus permet au tribunal d’ordonner qu’une décision soit rendue dans les dossiers pour cause de délai déraisonnable.

La Presse n’avait pas reçu de réponse à sa demande d’information de la part du ministre Fraser au moment où ces lignes étaient publiées.

Des visages derrière les délais

Ces travailleurs qualifiés sont pour la plupart déjà établis au Québec. Ils ont étudié ici, ils travaillent, paient des impôts et fondent une famille dans la province. Ils ont déjà traversé le processus de sélection du Québec, ce qui rend la lenteur administrative de l’IRCC d’autant plus inexplicable.

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« Un dossier se traite dans un délai de quelques semaines à quelques mois, normalement », explique MCliche-Rivard. Or, certains dossiers détaillés dans la mise en demeure accusent des retards allant jusqu’à 60 mois, et certains n’ont même pas dépassé la toute première étape de réception de la demande.

Sans compter que l’IRCC traite désormais des demandes beaucoup plus récentes, sans égard à ceux « qui attendent depuis 2018 et 2019 », ou même avant.

« Il y a là quelque chose de foncièrement injuste », souligne MCliche-Rivard.

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