Une Québécoise d’origine algérienne lance un cri du cœur, après que son conjoint a été arrêté il y a une semaine en Algérie, alors qu’il s’apprêtait à prendre un vol vers Montréal pour rentrer chez lui.

Le 29 janvier dernier, Lazhar Zouaïmia, un Québécois d’origine algérienne, s’est rendu dans son pays natal. Le technicien expert chez Hydro-Québec avait cumulé ses congés, afin de rendre visite à ses proches pour la première fois depuis le début de la pandémie.

« Il a passé tout le séjour sans aucune histoire. Il s’est ressourcé auprès de sa famille », raconte sa conjointe Fatima Benzerara. Le 19 février, quelques heures avant son vol de retour, elle tente de le joindre sans succès. Il était convenu qu’elle irait le chercher à son arrivée à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal.

« Je l’ai appelé des dizaines de fois et il ne répondait pas. Il n’a pas pris l’avion », dit la femme. Elle se faisait toutes sortes de scénarios. « Je pensais qu’il avait été victime d’un accident de la route ou qu’il avait été kidnappé. »

« Sous le choc »

Dans les heures qui ont suivi, elle a reçu un appel de sa belle-famille qui réside en Algérie. Elle a appris que son conjoint avait été arrêté par des agents en civil à l’aéroport de Constantine, dans l’est du pays, et qu’il n’avait eu droit qu’à un appel local. « Il a appelé son frère. Il lui a dit qu’il avait été arrêté et qu’il ne savait pas pourquoi. Ils ont confisqué toutes ses affaires », raconte-t-elle.

Mme Benzerara a engagé un avocat du barreau de Constantine pour s’informer des motifs de son arrestation. Quelques jours plus tard, la nouvelle est tombée : Lazhar Zouaïmia est formellement accusé d’avoir soutenu et appuyé un groupe terroriste et d’avoir fait l’éloge des actes terroristes sur les réseaux sociaux. Il est incarcéré depuis dans une prison de Constantine.

Sa femme est sous le choc. « C’est vraiment incompréhensible », dit-elle. Sa fille et leurs proches sont tout aussi bouleversés.

Tout le monde qui le connaît n’arrive pas à comprendre.

Fatima Benzerara, femme de Lazhar Zouaïmia

Mme Benzerara assure que son conjoint n’a commis aucun acte répréhensible et qu’il n’est en aucun cas lié à un groupe terroriste. « Nous sommes des citoyens canadiens. Nous sommes installés ici depuis plus de 18 ans. On travaille tous les deux pour le gouvernement. On rentre tous les deux ou trois ans en Algérie pour voir notre famille. Je ne comprends pas pourquoi ça nous arrive à nous. Je ne comprends pas », se désole la professeure de mathématiques au secondaire.

Appel au gouvernement canadien

Mme Benzerara lance un appel au gouvernement canadien pour qu’il intervienne rapidement afin que son mari rentre au plus vite chez lui. « Mon mari est en danger. C’est terrible », dit-elle.

De son côté, Affaires mondiales Canada a indiqué être informé qu’un citoyen canadien était détenu en Algérie et dit demeurer en contact avec les autorités locales afin de recueillir d’autres renseignements.

Ces accusations n’ont aucun sens et aucun fondement, soutient-elle.

Au cours des dernières années, M. Zouaïmia, comme des milliers d’Algériens au Canada, a participé à des rassemblements pour des changements démocratiques et sans violence dans ce pays d’Afrique du Nord, explique sa femme.

En février 2019, des milliers d’Algériens ont protesté contre la candidature à un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika et un changement radical du système politique en place depuis l’indépendance du pays en 1962. De nombreux Algériens, dont M. Zouaïmia, se rassemblaient régulièrement dans les rues de Montréal pour réclamer une démocratisation du pays.

Mme Benzerara craint que l’implication de son mari n’ait mené à son arrestation. « Je ne trouve pas d’autres raisons qui pourraient l’expliquer », dit-elle.

« Une situation catastrophique »

Au début de la pandémie, leur fils Mehdi, alors âgé de 21 ans, est décédé. M. Zouaïmia avait profité de son passage en Algérie pour inaugurer une fontaine qu’il avait fait construire dans sa ville natale pour honorer la mémoire de son enfant.

« Il était tellement content de son voyage. On attendait juste de se retrouver tous ensemble », dit Mme Benzerara. Leurs retrouvailles n’ont jamais eu lieu. « Ça ne fait pas longtemps qu’on a perdu notre fils. On arrive à peine à sortir notre tête de l’eau et ça nous arrive. C’est inimaginable. »

Depuis l’arrestation, la famille est ébranlée. « C’est vraiment une situation catastrophique », conclut Mme Benzerara.