« Ostie que je me sens bien ! » Le soulagement était total pour Marie-Pier Houle, jeudi soir au cabaret du Casino de Montréal. La boxeuse de Terrebonne a remporté par décision unanime un premier combat depuis les évènements tragiques de l’été dernier au stade IGA.

« Je n’ai pas le droit de dire ça hein ? ajoute-t-elle en riant au début de son interlocution avec les médias. Je suis vraiment contente. »

Houle (5-0-1, 2 K. -O.) affrontait l’Argentine Yamila Esther Reynoso (12-10-3, 8 K. -O.), une adversaire coriace qui a bien répondu à ses assauts. Peut-être même un peu trop au goût de la Québécoise.

« J’ai hâte de regarder ce que ça a donné, parce que dans ma tête, ce n’était pas tout à fait exactement ce que je voulais comme combat. Mais l’important, c’est que je suis partie avec la victoire. »

Évidemment, au-delà de l’extase de la victoire, il y a le sentiment du devoir accompli. Marie-Pier Houle est satisfaite d’avoir « brisé la glace », d’avoir « tourné la page » sur le décès de son adversaire Jeannette Zacaria Zapatas en août dernier.

« Je pense qu’il y avait beaucoup de gens qui s’attendaient à ce que je flanche, à ce que je fige, que ça ne marche pas », lance-t-elle.

Ça faisait quand même six mois que je n’étais pas montée sur un ring. Là, le premier combat est fait. Les gens vont arrêter de m’en parler peut-être. On va pouvoir passer à la prochaine étape.

Marie-Pier Houle

Est-ce que c’était encore quelque chose qui la tracassait en début de combat ?

« Non, pas du tout, affirme-t-elle catégoriquement. J’ai vraiment réussi à mettre de côté ces évènements-là. […] J’ai répété plusieurs fois que ça allait rester dans ma vie, dans ma carrière à tout jamais. Je ne voulais pas que cet évènement-là me définisse. J’ai montré ce soir que je suis capable de me battre encore. »

« C’est un choix » de boxer

L’entraîneur Sébastien Gauthier, un ancien pugiliste professionnel, vante la force mentale de sa protégée qui lui a permis de se relever d’autant d’« adversité ».

« Je lui ai expliqué pourquoi j’avais pris ma retraite, a-t-il expliqué à La Presse après le combat. Moi, j’ai pris ma retraite parce que je n’étais plus prêt à mourir dans le ring. Parce que je n’étais pas prêt à être un fardeau pour mes amis et ma famille. C’est un choix qu’on a de boxer. Il n’y a personne qui nous force. On le fait parce qu’on aime ça. C’est la passion. »

Il s’est également dit « impressionné » par la performance et la préparation de sa protégée.

« Le travail a été incroyable. Je suis vraiment satisfait de Marie-Pier. La fille s’est battue contre une des meilleures boxeuses livre pour livre de la planète. […] Quand Marie-Pier l’a touchée avec ses premières mains droites, je me suis dit : “Elle va tomber.” Finalement, c’est plus que surprenant, mais c’est ça, l’élite mondiale. »

Marie-Pier Houle estime qu’elle n’a pas tout à fait suivi son plan de match.

« Je m’attendais à être capable d’imposer vraiment ce que je voulais faire, a-t-elle expliqué. Je voulais travailler en vitesse sur mes pieds. »

« Elle n’avait pas nécessairement une grosse puissance, mais elle avait un volume qui était fatigant. J’ai réussi à la frapper avec de meilleurs coups de puissance, mais par contre, elle ne bougeait pas du tout. C’est quand même la preuve que cette adversaire-là n’a jamais été envoyée au tapis. Ça montre qu’elle est quand même solide. »

Son entraîneur juge quant à lui que son athlète est peut-être trop critique envers son propre travail.

« Elle est dure avec elle, mais c’est ce que tu veux d’une athlète », explique-t-il.

À huis clos au Casino

Le gala de trois combats se déroulait à huis clos. Ce qui donnait notamment lieu à des communications claires et nettes des entraîneurs vers les combattants.

On entendait notamment Sébastien Gauthier dire poliment à Marie-Pier Houle de « changer d’angle, s’il te plaît », suivi d’un « merci ». « Fais tes petits pieds rapides. » « Prépare ton 3, le 8 a passé, on va chercher le 6. »

Dans le coin adverse, on pouvait distinguer des ¡Muy bien !, ou alors des ¡la cabeza, la cabeza !.

« Moi, j’adore ça ! se réjouit Sébastien Gauthier. Je trouve ça fabuleux. J’aimais ça, pendant la pandémie, écouter les galas de boxe des autres parce que j’entendais les entraîneurs. Et là, tu vois quels entraîneurs dirigent, lesquels observent. C’est un travail d’équipe. C’est ce que je regarde. »

Courte soirée

Seuls deux autres combats étaient présentés jeudi soir au cabaret du Casino de Montréal.

En finale, le Montréalais Mazlum Akdeniz (16-0-0) a conservé sa fiche immaculée en l’emportant face au Mexicain Erick Encinia (14-5-2, 5 K. -O.), par décision partagée.

« C’est sûr que j’aurais aimé avoir un combat plus unanime en ma faveur, a convenu le sympathique Akdeniz après son combat. Mais ce sont des trucs qui arrivent. J’ai perdu l’équilibre pendant le combat, j’ai pris des petits coups, ça m’a peut-être fait mal paraître, mais honnêtement, je me sens vraiment bien. Je suis content d’avoir gagné le combat. On va de l’avant. »

Le Canadien Eric Basran n’a quant à lui pas semblé intimidé lors de ses débuts professionnels. Le boxeur de Vancouver l’a emporté face au Mexicain Ariel Gonzalez Vazquez par décision unanime des juges.

« Ça fait du bien ! a lancé à La Presse celui qui ne s’était pas battu depuis deux ans à cause de la pandémie. Maintenant que j’ai mon premier combat professionnel derrière la cravate, ça ira mieux à l’avenir. »

Éric Lapointe en intro

Marie-Pier Houle est montée sur le ring accompagnée d’un extrait de la chanson Jusqu’au bout, d’Éric Lapointe. Une chanson qui illustre bien les épreuves qu’elle a traversées lors des six derniers mois.

Jusqu’au bout, j’ai choisi Le ciel de mes combats
Et quel qu’en soit le prix
Quitte à payer de ma vie

« Éric a remasterisé un bout de la chanson pour moi, a révélé Houle. Le bout en particulier qu’on faisait jouer, [c’était pour montrer] que je vais tout faire. Quand tu réécoutes les paroles, tu entends vraiment que jusqu’au bout, je vais rester moi-même. »

Son agent Yves Lévesque est devenu émotif en parlant à La Presse de la chanson.

« Les paroles le disent. Marie-Pier, c’est un fauve en liberté. C’est une athlète qui fonce droit devant, elle n’a peur de personne. Et c’est tellement lourd de signification. »