(Ottawa) Deux organisateurs du « convoi de la liberté » sont toujours incarcérés quelques jours après leur arrestation. La cour a refusé mardi de libérer Tamara Lich dans l’attente de son procès. Patrick King, le leader le plus radical de la manifestation à Ottawa, devra rester en prison jusqu’à vendredi avant de savoir s’il pourra être libéré en attendant d’être jugé.

M. King avait été arrêté vendredi, lors de la première journée de l’opération policière pour libérer les rues d’Ottawa, et avait capté ce moment pour le diffuser sur les réseaux sociaux. Des camions paralysaient alors le centre-ville de la capitale canadienne depuis trois semaines afin de réclamer la fin de la vaccination obligatoire pour les camionneurs et la levée des mesures sanitaires pour vaincre la pandémie de COVID-19.

Il fait face à des accusations de méfait, d’avoir conseillé à autrui de commettre un méfait, d’avoir désobéi à un ordre de la cour et d’avoir conseillé d’entraver le travail de la police.

La Couronne estime que le fait de libérer M. King effriterait la confiance dans le système de justice, étant donné la gravité de ses gestes. Elle a présenté des vidéos diffusées par l’Albertain sur les réseaux sociaux où il incite les camionneurs à klaxonner pour déranger les résidants d’Ottawa et à mentir aux policiers pour revenir sur les lieux de la manifestation après le début de l’opération policière.

L’occupation de la ville d’Ottawa, c’est sérieux. Ce n’est jamais arrivé dans l’histoire du Canada.

Moiz Karimjee, procureur de la Couronne

Durant son audience, mardi, l’Albertain de 44 ans a enlevé son masque. Le juge l’a rappelé à l’ordre en lui expliquant qu’il était tenu de le porter en cour pour protéger les autres. Le prévenu s’est excusé, mais a ensuite porté son masque sous son nez durant presque l’entièreté de la procédure, qui a duré toute la journée.

Il a tenté de contester à deux reprises certaines affirmations de la Couronne, mais s’est fait couper la parole sèchement par son avocat, qui lui a conseillé de se taire.

ILLUSTRATION JANE ROSENBERG, REUTERS

La cour a refusé mardi de libérer Tamara Lich dans l’attente de son procès.

En début de journée, la juge Julie Bourgeois a refusé de libérer sous caution Tamara Lich, une autre organisatrice du convoi qui avait lancé la première collecte de fonds sur la plateforme de sociofinancement GoFundMe. Elle a conclu qu’il y avait un haut risque de récidive si Mme Lich recouvrait sa liberté en attendant son procès.

« Votre détention est nécessaire pour la protection et la sécurité du public », a-t-elle déclaré à l’accusée. L’Albertaine de 49 ans fait face à une accusation d’avoir conseillé à autrui de commettre un méfait.

Une manifestante à la rescousse de Patrick King

Kerry Komix, une femme qu’il a rencontrée durant la manifestation, a offert une caution de 50 000 $, soit environ la moitié de la valeur de sa maison. Elle connaît Patrick King depuis quatre semaines dans le cadre du « convoi de la liberté ».

La défense a tenté de démontrer que cette retraitée, également originaire de l’Alberta, était fiable et respectueuse de la cour. Elle s’est dite prête à payer pour le bracelet électronique – 200 $ par mois – si M. King en avait besoin, à l’héberger, à s’assurer qu’il n’aurait pas accès à l’internet et à rapporter tout manquement aux conditions de libération à la police.

« Il sera coincé dans la campagne albertaine en résidence surveillée avec Mme Komix », a plaidé l’avocat de la défense, Cal Rosemond.

Il a également souligné que le prévenu avait plus de risques de contracter la COVID-19 en prison qu’en habitant chez Mme Komix.

La Couronne a tenté de prouver que la femme n’était pas digne de confiance puisqu’elle a elle-même participé au blocage du centre-ville d’Ottawa.

C’est comme utiliser un voleur pour surveiller un cambrioleur.

Moiz Karimjee, procureur de la Couronne

La défense soutient que M. King devrait être libéré en attente de son procès parce qu’autrement, il risque de passer plus de temps en prison que s’il plaidait coupable. Son avocat a souligné que la cour, déjà débordée avant la pandémie, l’est encore davantage aujourd’hui. « Il n’y a aucune preuve qu’il a lui-même klaxonné », a fait valoir Cal Rosemond.

Juste après la pause pour le dîner, l’organisateur du « convoi de la liberté » s’est vu remettre les documents de l’action collective de plus de 300 millions lancée au nom des résidants du centre-ville d’Ottawa importunés par les klaxons et le blocage des camions. L’action vise les têtes dirigeantes de la manifestation.

Avec La Presse Canadienne

Réouverture du Centre Rideau

Le principal centre commercial du centre-ville d’Ottawa a rouvert ses portes à l’issue d’une intervention policière qui a forcé son évacuation pendant quelques heures, mardi après-midi. « La police d’Ottawa a terminé son [intervention] sur les lieux et le Centre Rideau est maintenant ouvert pour le reste de la journée », a déclaré dans un courriel vers 15 h 30 une porte-parole du groupe Cadillac Fairview. Le Service de police d’Ottawa a de son côté annoncé qu’un suspect avait été arrêté, mais que l’enquête se poursuivait. Le centre commercial avait été évacué en début d’après-midi, après que les policiers eurent été alertés pour un vol à l’étalage possiblement perpétré avec une arme. Le Centre Rideau venait juste de rouvrir ses portes après avoir été contraint de les fermer le 29 janvier dernier. L’endroit était devenu un refuge pour les manifestants qui affluaient, souvent en faisant fi de l’obligation d’y porter un masque, alors qu’il régnait un froid glacial dans les rues de la capitale.

Mélanie Marquis, La Presse