Marie-Victorin. L’un des derniers châteaux forts du Parti québécois, élu depuis 1985. Avec le départ de Catherine Fournier à la mairie de Longueuil, une élection partielle sera déclenchée de façon imminente. Un moment de vérité pour les troupes péquistes, qui livrent un combat décisif pour leur relance face aux autres partis, en quête d’une percée, et de la Coalition avenir Québec, prête à tout pour ravir la circonscription.

Pierre Nantel franchit les portes de la Place Longueuil à l’heure du midi. Alors qu’à l’extérieur, une pluie abondante verse sur l’hiver un prélude du printemps, c’est le moment idéal pour rencontrer des électeurs à la foire alimentaire. Entre une poutine ou un quart-cuisse, il s’invite aux tables pour livrer un message : le Parti québécois n’est pas disparu, « et il est hors de question que ça se produise ici ».

Le candidat péquiste à l’élection partielle – qui n’est toujours pas déclenchée – est accompagné de l’ex-chef parlementaire Pascal Bérubé. « Je pense qu’il faut juger le Parti québécois sur ce qu’on dit présentement, pas sur les années où on était au gouvernement, ni en se demandant qu’est-ce que ça sera à la prochaine élection », affirme-t-il.

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Pierre Nantel (au fond) et Pascal Bérubé, du Parti québécois, à la rencontre d’électrices à la Place Longueuil

Attentif aux conversations autour de lui, Pierre Nantel est à la recherche d’un signal pour saluer un passant.

« Pierre veut surtout être un bon député. Et un bon député, tu n’as pas besoin d’être du côté du pouvoir. Tu es du côté du vouloir », dit le député Pascal Bérubé.

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Pierre Nantel, candidat du Parti québécois

Ce message est crucial pour le PQ, alors que le plus récent sondage Léger publié dans Le Journal de Québec estime que le parti est au coude-à-coude avec la CAQ avec 33 % d’appui dans la circonscription de Marie-Victorin. Au provincial, cette même firme place les troupes de Paul St-Pierre Plamondon au dernier rang des intentions de vote.

Pour les péquistes, remporter la partielle permettrait de faire oublier les déclarations de la nouvelle mairesse de Longueuil, Catherine Fournier. En 2019, lorsqu’elle a claqué la porte du parti pour siéger à titre de députée indépendante, elle martelait « qu’il ne sert à rien de vouloir désespérément sauver le tronc ou les branches d’un arbre en train de dépérir ».

Sur le terrain, beau temps, mauvais temps

Les rues de Longueuil ne sont pas (encore) tapissées de pancartes électorales. C’est le seul signe qui rappelle que François Legault n’a toujours pas annoncé la date de l’élection partielle. Lundi dernier, le premier ministre a lui aussi fait une tournée de la Place Longueuil avec sa candidate, Shirley Dorismond. Il avait préalablement promis en conférence de presse un « très beau » prolongement du Réseau express métropolitain (REM) sur la Rive-Sud.

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Shirley Dorismond, candidate de la CAQ, et le ministre Ian Lafrenière, faisant du porte-à-porte dans Marie-Victorin

Armés de bottes, d’imperméables et de parapluies, la candidate caquiste et ses bénévoles bravent la météo pour quelques heures de porte-à-porte. Le ministre Ian Lafrenière qui l’accompagne la présente comme une infirmière à l’écoute des citoyens. Dans un enchaînement bien orchestré, Shirley Dorismond précise qu’elle est la candidate de « l’équipe de M. Legault ».

Des citoyens sont attentifs à son message. Un homme, dont la femme en perte d’autonomie a récemment été placée en établissement, parle de soutien à domicile. À une autre adresse, d’où émanent les odeurs réconfortantes d’une soupe, une dame parle de son projet d’agrandir sa garderie en milieu familial. « Une autre élection ? Encore ! », s’étonne quelques maisons plus loin une citoyenne, quelque peu fatiguée de ces scrutins successifs.

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Shirley Dorismond, candidate de la Coalition avenir Québec

Je suis une infirmière de terrain. J’ai toujours travaillé dans la rue, en soutien à domicile, avec une clientèle en situation d’itinérance ou en santé mentale. Pour moi, aller à la rencontre des gens, c’est naturel.

Shirley Dorismond, candidate de la Coalition avenir Québec

Ce qui peut sembler moins naturel, toutefois, pour cette ancienne vice-présidente d’un syndicat d’infirmières, c’est son association avec la Coalition avenir Québec. Dès l’annonce de sa candidature, ses déclarations passées sur certains thèmes honnis du parti, comme sa reconnaissance du racisme systémique, ont refait surface.

« On l’oublie souvent, mais la CAQ, c’est une coalition avec des personnes de différents milieux, qui apportent différentes opinions sur différents sujets, avec différentes expertises », répond-elle.

Combattre la détresse

Dans leurs rencontres sur le terrain, les candidats à l’élection partielle sont tour à tour confrontés à la colère des citoyens. La directrice d’un organisme du Vieux-Longueuil, qui offre des services de répit et d’accompagnement pour des personnes handicapées, témoigne de la détresse de certains intervenants. Elle-même ne sait plus comment boucler ses budgets.

« Je suis à boutte. Je suis à boutte et je suis sur le bord de craquer. On veut tous s’en aller, on est prêtes à aller laver de la vaisselle », dit-elle.

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Le candidat Pierre Nantel (à droite) et le député Pascal Bérubé, du Parti québécois, avec la directrice d'un organisme du Vieux-Longueuil

Avec le secteur public de la santé et des services sociaux, qui cherche aussi des employés, les organismes communautaires peinent à mobiliser leur monde. « Ils ont siphonné la main-d’œuvre. Je manque de personnel et je vis sur un respirateur artificiel », déplore la directrice à Pierre Nantel, qui promet de passer son message en haut lieu.

Pour le PQ et la CAQ, l’élection partielle dans la circonscription de Marie-Victorin est un combat décisif. L’un souhaite l’emporter pour rappeler qu’il est toujours vivant, et l’autre, pour prouver qu’elle peut toujours faire tomber des châteaux forts.

« Si le Parti québécois gagne l’élection partielle, c’est une excellente nouvelle pour la suite des choses. Ça veut dire qu’il y a quelque chose qui séduit les électeurs. […] Pour la CAQ, c’est plus difficile. Les électeurs veulent souvent envoyer un message [dans une partielle] pour dire au gouvernement qu’il aurait pu faire mieux. Si le parti gagne, ça les met en bonne position pour la prochaine élection générale », affirme la professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa Geneviève Tellier.

Mais ces deux partis ne sont pas les seuls sur la ligne de départ (voir onglet 2). Au moment de réaliser ce reportage, le chef du Parti conservateur du Québec (PCQ), Éric Duhaime, faisait à son tour du porte-à-porte avec sa candidate, l’actrice Anne Casabonne. Un récent sondage Léger a même placé son parti, farouchement opposé aux mesures sanitaires, en deuxième position des intentions de vote auprès des électeurs francophones à l’échelle provinciale.

« Il faut toujours être très prudent quand on interprète des sondages, mais je suis content. Mon expérience m’apprend que le chiffre qui est pertinent, c’est la satisfaction envers le gouvernement qui baisse. Ça devient majeur », dit-il en promettant que rien dans cette élection ne peut être tenu pour acquis.

Les autres candidates sur la ligne de départ

Shophika Vaithyanathasarma

22 ans
Candidate de Québec solidaire

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Shophika Vaithyanathasarma, étudiante en didactique des mathématiques et candidate de Québec solidaire dans la prochaine élection partielle dans la circonscription de Marie-Victorin

Ex-candidate du Bloc québécois aux élections fédérales de l’automne 2021, actuellement aux études supérieures en didactique des mathématiques

« J’incarne une jeunesse indépendantiste qui a tout ce qu’il faut pour faire un vrai changement dans la circonscription. En tant que jeunes, nous avons un rôle à jouer. Avec cette course, j’ai la volonté de rassembler les gens et de m’assurer que personne ne soit laissé derrière. Je sens un désintérêt de la population et un manque de confiance envers les institutions. Je veux lutter contre ce cynisme en étant humaine et authentique. »

Anne Casabonne

52 ans
Candidate du Parti conservateur du Québec
Actrice

PHOTO FOURNIE PAR ANNE CASABONNE

Anne Casabonne, candidate du Parti conservateur du Québec pour la prochaine élection partielle dans la circonscription de Marie-Victorin

« Je veux promouvoir notre programme politique, qui est un très beau programme. On veut abolir les mesures sanitaires le plus rapidement possible, mais on veut aussi reconstruire le système de santé. C’est vraiment une reconstruction totale du système de santé [qu’il faut faire], il ne faut pas se gêner. Il faut arrêter de penser que notre système est le meilleur au monde, alors qu’il nous a prouvé toutes ses failles. »

Émilie Nollet

35 ans
Candidate du Parti libéral du Québec
Chercheuse à l’Université Saint-Paul sur le leadership inclusif

PHOTO PATRICE LAROCHE, ARCHIVES LE SOLEIL

Émilie Nollet, candidate du Parti libéral du Québec pour la prochaine élection partielle dans Marie-Victorin

« La manière que je me distingue en tant que candidate, c’est que j’ai une approche pratique. Mon cheval de bataille, c’est la sécurité alimentaire, mais aussi la diversité et l’inclusion. Ce sont des sujets qui me sont chers. Je veux rencontrer les gens en personne, parce que ce n’est pas qu’une question de parti politique. Quand les gens me rencontrent, ils réalisent que je suis une candidate à l’écoute. »

Martine Ouellet

52 ans
Candidate et cheffe de Climat Québec
Ex-ministre du gouvernement péquiste de Pauline Marois et ex-cheffe du Bloc québécois

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Martine Ouellet, cheffe et candidate du parti politique Climat Québec pour la prochaine élection partielle dans Marie-Victorin

« Il y a clairement un vide politique au Québec avec 35 % des électeurs qui ne sont pas allés voter en 2018. Ici, dans Marie-Victorin, la situation a beaucoup changé depuis quelques années. Les certitudes d’antan ne tiennent plus. Nous misons sur des mesures concrètes comme la gratuité des transports en commun et le renforcement de la ceinture verte qui entraîneront des effets bénéfiques significatifs à la fois pour l’environnement et pour la communauté. Les citoyens en ont soupé de la langue de bois et des fausses promesses. »

Marie-Victorin, en bref

Région

Montérégie

Âge moyen

Marie-Victorin : 42 ans
Québec : 41,4 ans

Répartition des hommes et des femmes

Hommes

Marie-Victorin : 49 %
Québec : 49,2 %

Femmes

Marie-Victorin : 51 %
Québec : 50,8 %

Familles

En couple sans enfant : 41,3 %
En couple avec enfants : 34,2 %
Monoparentales : 24,4 %

Population totale selon la langue le plus souvent parlée à la maison

Français : 83,4 %
(comparativement à 79 % pour l’ensemble du Québec)

Anglais : 3,3 %
(comparativement à 9,7 % pour l’ensemble du Québec)

Autres : 13,3 %
(comparativement à 11,3 % pour l’ensemble du Québec)

Répartition des minorités visibles dans les ménages privés

Ne fait pas partie d’une minorité visible : 80,5 %
(comparativement à 87 % pour l’ensemble du Québec)

Fait partie d’une minorité visible : 19,5 %
(comparativement à 13 % pour l’ensemble du Québec)

Population totale âgée de 15 ans et plus selon le plus haut diplôme ou grade obtenu

Aucun : 22,9 % (Québec : 19,9 %)
Études secondaires : 21,9 % (Québec : 21,5 %)
Apprenti ou école de métiers : 16,4 % (Québec : 16,9 %)
Cégep : 15,4 % (Québec : 17,6 %)
Certificat universitaire : 3,8 % (Québec : 3,6 %)
Baccalauréat : 12,1 % (Québec : 13,1 %)
Maîtrise ou doctorat : 7,6 % (Québec : 7,4 %)

Revenu des ménages

Ménages privés comptant une personne 

Revenu moyen : 36 590 $ (Québec : 40 042 $)
Revenu médian : 30 380 $ (Québec : 31 574 $)

Ménages privés comptant deux personnes ou plus 

Revenu moyen : 75 655 $ (Québec : 95 878 $)
Revenu médian : 64 204 $ (Québec : 78 645 $)

Ces données proviennent d’une compilation du recensement du Canada de 2016 de Statistique Canada.

Source : Élections Québec