Un employé de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), décrit comme le « kingpin » (pilier) de la syndicalisation par un patron de la centrale syndicale, a échoué à faire invalider son congédiement, après avoir fraudé son employeur.

Éric Morin a été congédié en février 2019 pour avoir utilisé sans autorisation une carte de crédit de la CSN et s’en être servi pour payer des dépenses personnelles. Il aurait aussi inscrit des renseignements inexacts sur ses notes de frais.

Le conseiller syndical, qui avait 18 ans d’ancienneté, contestait son congédiement devant le tribunal d’arbitrage du ministère du Travail, qui a toutefois donné raison à l’employeur.

« L’employeur a prouvé chacune des fautes reprochées au plaignant. Les motifs d’insubordination et de fraude sont fondés », écrit l’arbitre de griefs Serge Rochon dans sa sentence arbitrale rendue le 1er février. « La preuve est prépondérante quant à la nature des gestes posés et à leur répétitivité. Les explications fournies par le plaignant n’offrent pas une apparence de raisonnabilité, elles sont invraisemblables à plusieurs égards. »

Carrière « impressionnante »

L’arbitre note que M. Morin menait une carrière « impressionnante » au sein de la CSN, où il se voyait confier des mandats stratégiques. Le directeur général, de la CSN, Patrick Brunet, qualifiait même son ex-employé de kingpin de la syndicalisation, souligne M. Rochon.

Il est difficile de comprendre ce qui a motivé le plaignant à s’engager dans une telle voie. Je n’ai aucun doute de l’engagement du plaignant à l’égard de la CSN et de l’énergie qu’il a déployée à la promotion du droit à la syndicalisation des travailleuses et travailleurs au Québec et au Canada.

Serge Rochon, arbitre de griefs

De son côté, Éric Morin admet certains manquements, mais allègue que l’employeur n’a pas prouvé qu’il y avait eu fraude de sa part. Il reconnaît seulement avoir fait preuve de négligence ou de manque de jugement.

Il reproche à ses patrons de ne pas avoir respecté le principe de la gradation des sanctions et estime que son congédiement est une mesure disproportionnée eu égard à ce qu’on lui reproche.

Floride, Genève, Newark…

Dans la décision de l’arbitre, on apprend que M. Morin aurait utilisé la carte de crédit de la CSN pour payer des dépenses de 2055 $ lors d’un voyage en Floride, vers la fin de l’année 2016. Même si des appels ont été faits avec son cellulaire à partir de cet endroit, le conseiller syndical nie d’abord être allé en Floride, avant de rembourser ces dépenses, plusieurs mois plus tard.

Malgré des questions de la part de ses supérieurs et des responsables de la comptabilité, Éric Morin aurait fait d’autres dépenses personnelles avec la carte de crédit de l’organisation à l’automne 2017. Il aurait fait des dépenses totales de 6865 $, dont 3653 $ chez Travelbrands et 2866 $ au Centre Porsche.

Le 11 décembre 2017, le directeur général de la centrale envoie une mise en garde formelle à son employé et menace de lui retirer la carte de crédit de l’organisation s’il continue de s’en servir pour des achats personnels. À ce moment, « il manque toujours plus de 150 factures [justificatives] pour la période de janvier à octobre 2017 », indique la sentence arbitrale.

Certaines de ces dépenses seront remboursées, mais quelques jours plus tard, Éric Morin utilise à nouveau la carte de crédit de l’employeur pour sept transactions personnelles, principalement pour l’achat de trois billets d’avion pour la Floride, pour un total de 3832,98 $.

Un nouvel avis disciplinaire est transmis le 6 mars 2018, qui retire à l’employé sa carte de crédit de la CSN, puisque le lien de confiance est fragilisé avec la direction.

Malgré cette décision, M. Morin aurait fait d’autres dépenses personnelles par la suite, en utilisant le numéro de la carte de crédit de l’employeur. La décision de l’arbitre évoque un billet d’avion pour Genève pour la conjointe d’Éric Morin, trois billets d’avion pour Newark, des chambres d’hôtel, des locations de voitures, des soins dans un spa et les frais pour un test d’admission dans une école américaine pour le fils de M. Morin.

Le 7 février 2019, l’employeur congédie M. Morin pour des motifs d’insubordination et de fraude, alléguant que l’employé a obtenu, sans autorisation, des informations permettant l’utilisation de la carte de crédit du Service de syndicalisation, alors qu’il avait été avisé que toutes les dépenses devaient passer par la secrétaire.

Avec la collaboration de Philippe Teisceira-Lessard, La Presse