(Québec) Des groupes de protection des femmes applaudissent l’utilisation prochaine au Québec de bracelets antirapprochement, mais réclament du même coup une approche plus globale.

En commission parlementaire mercredi, au premier jour des consultations publiques sur le projet de loi 24, ils ont demandé à ce que le problème de la violence conjugale soit considéré dans son ensemble.

D’autres mesures complémentaires doivent également être envisagées, selon Femmes autochtones du Québec.

« Le projet de loi doit être davantage adapté à la réalité autochtone concernant les concepts de guérison et de justice réparatrice », illustre le groupe dans son mémoire.

En outre, l’intervention policière en cas de violence conjugale « doit s’effectuer par une équipe multidisciplinaire de policiers, d’intervenants autochtones, […] des aînés ainsi que des guérisseurs traditionnels ».

Femmes autochtones du Québec se demande par ailleurs comment des bracelets qui utilisent la géolocalisation protégeront les femmes vivant dans des milieux où il n’y a pas de réseau cellulaire.

« Cela fait donc en sorte que l’utilisation de cette mesure dans les communautés ne permet pas d’assurer une réelle sécurité aux femmes et aux filles autochtones victimes de violence », s’inquiète-t-on.

Le groupe soulève également le fait que « la superficie de (la communauté autochtone) peut très possiblement être trop petite pour permettre une distanciation appréciable à la sécurité des femmes ».

Le bracelet antirapprochement se compose de deux parties, soit un bracelet, porté par le contrevenant, et un dispositif remis à la victime.

Lorsque l’auteur de violence conjugale se rapproche de la victime, le dispositif envoie un signal d’alerte à la police, qui s’assure alors de sécuriser la victime.

Encore faut-il que les policiers répondent dans un délai « rapide », souligne pour sa part l’Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale.

« Il n’est pas rare actuellement qu’un évènement survienne en même temps qu’un accident routier ou un incendie. Les temps de réaction peuvent être très longs », a déploré Gaëlle Fedida devant la commission.

Ce ne sera pas mieux avec un bracelet si la police n’a pas les moyens d’intervenir.

Gaëlle Fedida, coordonnatrice aux dossiers politiques de l'Alliance des maisons de deuxième étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale

Mme Fedida demande également à ce que les victimes soient mieux accompagnées. Elle souligne au passage que les maisons d’urgence « débordent ».

« Il manque des places ; il manque des maisons un peu partout. […] On attend des choses du prochain budget. »

Résultats encourageants

Le 2 février dernier, la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a déposé le projet de loi 24 modifiant la Loi sur le système correctionnel du Québec.

Ce projet de loi fait suite à l’engagement qui avait été pris par la ministre de doter le Québec d’un système de bracelets électroniques dès ce printemps.

S’il est adopté, le projet de loi 24 fera du Québec la septième juridiction au monde à mettre en place un tel programme, selon Mme Guilbault, qui vise l’utilisation à terme de 500 bracelets.

Le bracelet pourra être imposé aux criminels par des juges, mais aussi par la Commission québécoise des libérations conditionnelles ou des directeurs d’établissements de détention.

Cependant, il ne pourra être utilisé dans le cas d’un contrevenant condamné à purger une peine dans un pénitencier fédéral (plus de deux ans).

À ce sujet, Mme Guilbault a dit souhaiter qu’Ottawa emboîte le pas au gouvernement du Québec. Elle compte aborder le sujet avec son homologue fédéral lors de leur prochaine rencontre.

Geneviève Guilbault évoque des résultats encourageants dans les pays qui ont adopté le bracelet antirapprochement, comme l’Australie et l’Espagne.

Selon elle, ces pays sont témoins d’une réduction « considérable » des méfaits. Les consultations se poursuivent jeudi avec le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.