La Ville d’Ottawa n’a toujours pas trouvé d’entreprise de remorquage qui accepte de procéder à l’enlèvement des poids lourds bloquant ses rues, a confirmé l’administration municipale mercredi. L’Association des professionnels du dépannage du Québec déconseille d’ailleurs à ses membres d’y aller.

« On essaie d’obtenir de l’aide, mais on n’a pas eu beaucoup de chance », a reconnu le directeur municipal d’Ottawa, Steve Kanellakos, en point de presse mercredi.

M. Kanellakos avait révélé lundi que les fournisseurs de services de remorquage sous contrat avec la municipalité avaient tous refusé de déplacer les poids lourds des protestataires qui occupent illégalement la capitale. Les demandes faites à d’autres villes ontariennes, dont Toronto et Brampton, ainsi qu’à l’extérieur de la province ont été vaines, a précisé la municipalité mercredi.

« Nous, on recommande aux entreprises de dépannage de ne pas faire ça », indique Réjean Breton, PDG de l’Association des professionnels du dépannage du Québec (APDQ), qui représente 84 % du parc de dépanneuses de la province, dont beaucoup d’entreprises qui remorquent des poids lourds.

PHOTO FOURNIE PAR L'APDQ

Réjean Breton, PDG de l’Association des professionnels du dépannage du Québec

Notre travail à nous, c’est de remorquer un camion en difficulté technique, par exemple en raison d’une panne, d’une collision. Notre mandat n’est pas de remorquer un camion qui est une difficulté politique.

Réjean Breton, PDG de l’Association des professionnels du dépannage du Québec

Des entreprises ayant remorqué des véhicules lourds qui bloquaient des routes au Québec ont subi « des représailles » dans le passé, fait valoir M. Breton.

Remorquer un poids lourd dans de telles circonstances « expose les opérateurs de dépanneuses à un certain stress », souligne-t-il. « Il va y avoir des jurons qui vont être lancés, peut-être des objets. » Le véhicule de dépannage aussi peut être pris pour cible, note M. Breton.

Employés à risque

« On aurait peur d’avoir des dommages », a confié un responsable d’une entreprise de remorquage québécoise qui a demandé à ne pas être nommé. La firme qui délogerait les camions des manifestants à Ottawa mettrait ses employés à risque au moment de l’intervention, et s’exposerait à du vandalisme par la suite, résume l’employé.

PHOTO BLAIR GABLE, REUTERS

Des gens continuaient de manifester mercredi devant la colline du Parlement, à Ottawa.

Remorquer un poids lourd sans en avoir les clés demande plus de travail et de temps. Le chauffeur de la dépanneuse doit s’allonger sous le camion pour accomplir une série d’opérations et, « s’il y a du monde qui n’est pas content contre lui, il est vulnérable », explique l’employé.

« Si le chauffeur ne veut pas collaborer et qu’il y a une foule aux alentours, vous avez besoin de ressources pour protéger les environs et pour pouvoir accéder au véhicule », a également affirmé le directeur municipal d’Ottawa en citant son service de police.

Le fait que les camions sont stationnés « pare-chocs à pare-chocs » complique la tâche.

L’armée écartée

Les dépanneuses de l’armée pourraient être utilisées, suggère pour sa part M. Breton. « Les citoyens ne vont pas venir incommoder des militaires qui font un travail. »

La Ville d’Ottawa a cependant écarté ce scénario mercredi.

« Si on demande à l’armée son équipement, c’est la même chose que de demander à l’armée de venir nous aider, et la Ville n’en est pas à cette position en ce moment », a expliqué le directeur général des services de protection et d’urgence, Kim Ayotte, en point de presse.

PHOTO LARS HAGBERG, REUTERS

Policiers patrouillant mercredi dans la rue Wellington, au centre-ville d’Ottawa

« Il y a beaucoup d’autres solutions » dont la police discute, mais il ne serait pas « tactique » de les dévoiler, a dit M. Ayotte, réitérant une déclaration faite lundi.

Les autres options à l’étude « sont peut-être un peu moins pratiques, car on aurait pu tout simplement utiliser de grosses remorqueuses », a toutefois indiqué M. Kanellakos.

La police durcit le ton

« Nous vous prévenons que quiconque bloquera des rues, ou en aidera d’autres à le faire, pourrait de ce fait commettre une infraction criminelle », a souligné le Service de police d’Ottawa dans un communiqué mercredi. Les « manifestants » s’exposent à « être arrêtés sans mandat » et « tout bien lié à l’infraction, y compris des véhicules, peut être saisi », a détaillé le corps policier. Une interdiction de franchir la frontière américaine pouvant découler d’accusations ou de condamnations liées à la manifestation est aussi évoquée.

Le maire d’Ottawa, Jim Watson, avait cependant affirmé en début de semaine que la Ville avait besoin de 1800 agents supplémentaires « pour réprimer l’insurrection que la police est incapable de contenir ».

La Ville a aussi demandé aux provinces d’où sont venus les camionneurs et leurs véhicules « de vérifier leurs mécanismes réglementaires, tous les outils dont elles disposent pour vérifier les permis, l’assurance », a indiqué M. Kanellakos au conseil municipal mercredi. « Ça aura un impact à long terme lors du renouvellement des assurances. »

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  • 25 %
    Proportion des véhicules lourds des manifestants qui hébergeraient des familles avec enfants
    SOURCE : SERVICE DE POLICE D’OTTAWA