Le gouvernement Legault a ouvert une enquête sur la « manière » dont Basketball Québec a géré la situation à l’école secondaire Saint-Laurent, où trois entraîneurs ont été accusés de crimes de nature sexuelle. De nouveaux doutes sont soulevés quant aux valeurs « erronées et malsaines » mises de l’avant par la fédération sportive ces dernières années.

« Cette culture de la victoire à tout prix, au détriment du bien-être de l’athlète, elle a été avant tout mise de l’avant par notre fédération depuis plusieurs années », assure l’entraîneur-chef en basketball féminin au cégep de Trois-Rivières, Louis Philippe Dugas, en entrevue.

Aussi coordonnateur de la Table intersectorielle régionale en saines habitudes de vie de la Mauricie et chargé de cours à l’Université du Québec à Trois-Rivières, M. Dugas affirme avoir lui-même observé à plusieurs reprises Daniel Lacasse avoir des propos déplacés. Il dénonce aujourd’hui l’attitude et le comportement de Basketball Québec à l’endroit des trois entraîneurs de l’école secondaire Saint-Laurent.

Daniel Lacasse, Robert Luu et Charles-Xavier Boislard font face à des accusations de nature sexuelle, mais ils se seraient également livrés à d’autres comportements inacceptables, ainsi que l’a rapporté La Presse. Jusqu’à présent, au moins trois plaignantes se seraient manifestées, mais Véronique Comtois, porte-parole du SPVM, confirme avoir « reçu plusieurs nouvelles informations depuis la médiatisation de l’évènement ».

« La majorité de la communauté de basket a déjà vu un match de Saint-Laurent et a entendu les abus verbaux », affirme M. Dugas.

PHOTO SYLVAIN MAYER, ARCHIVES LE NOUVELLISTE

Louis Philippe Dugas, entraîneur-chef en basketball féminin au cégep de Trois-Rivières

En mandatant M. Lacasse et M. Luu comme entraîneurs-chefs des équipes du Québec féminines U17 et U15, et en étant parfaitement consciente des abus verbaux répétés à l’égard des jeunes femmes […], la fédération est au minimum complice d’entretenir un schéma de valeurs complètement erroné et malsain pour toutes les jeunes basketteuses.

Louis Philippe Dugas, entraîneur-chef en basketball féminin au cégep de Trois-Rivières

En plus d’avoir entraîné l’équipe du Québec pendant plusieurs années, Daniel Lacasse faisait également partie du conseil d’administration de Basketball Québec.

En plaçant ces entraîneurs dans des positions d’autorité, mais aussi « comme modèles pour le reste du Québec », Basketball Québec a envoyé le message qu’ils étaient « des entraîneurs optimaux », ajoute l’entraîneur.

Faire la lumière

À Québec, la ministre responsable Isabelle Charest a annoncé mardi le déclenchement d’une seconde enquête gouvernementale, afin de « faire la lumière sur la manière dont Basketball Québec a géré la situation ».

Ce sont les propos du directeur général de la fédération, Daniel Grimard, qui auraient fait « sourciller » Québec. Sur QUB Radio, lundi, il laissait entendre avoir reçu « des signalements » contre Daniel Lacasse, révélant aussi avoir rencontré ce dernier pour parler de « comment se comporter avec les jeunes ».

« On a fait les premiers gestes en fonction des informations qu’on a reçues. Après, quand ça a continué dans son gymnase, dans son école, il n’y a personne qui nous est revenu », a alors dit M. Grimard, avouant qu’il allait devoir tisser des liens plus étroits avec les directions et les parents dans le futur.

Joint par La Presse mercredi, M. Grimard – qui vient d’embaucher une firme de relations publiques – est revenu sur ces propos.

Bien que Basketball Québec n’ait jamais reçu de plainte concernant l’un de ces entraîneurs, dans le passé, j’ai eu à intervenir une fois auprès de l’entraîneur Daniel Lacasse à la suite de commentaires de parents sur son style de coaching, lors d’un tournoi.

Daniel Grimard, directeur général de Basketball Québec

« Mon intervention auprès de Daniel Lacasse lors du tournoi était appropriée, compte tenu de ce qui m’avait été rapporté concernant son style de coaching ce jour-là », poursuit-il, en ajoutant que tous les entraîneurs doivent suivre des formations et des mises à niveau ponctuelles.

Pour la suite, « le Ministère a notre entière collaboration et nous [soutenons] leur implication dans ce dossier », ajoute M. Grimard. Il rappelle que sa fédération contactera « les athlètes et les intervenants du milieu pour dresser un portrait complet de la situation ».

« On ne peut plus tolérer ces comportements »

Chez Sports Québec, la directrice générale Isabelle Ducharme dit espérer que l’enquête puisse « aider le milieu à s’améliorer » en matière de dénonciations.

Tout ce qui peut aider à faire en sorte qu’on puisse éviter qu’un pervers narcissique, ou appelez-le comme vous voulez, puisse avoir une emprise ou un contrôle sur des joueurs, on va le faire.

Isabelle Ducharme, directrice générale de Sports Québec

Son groupe, qui promet de collaborer à l’enquête, invite les victimes à dénoncer tout comportement jugé problématique directement à la police ou par l’entremise de Je porte plainte. « On ne peut plus tolérer ces comportements dans le milieu sportif », conclut-elle.

M. Dugas, lui, affirme que la démission de Daniel Grimard serait de mise. « On ne souhaite de mal à personne, mais à mon sens, cette complicité lors des nombreuses dernières années, qui est au mieux inconsciente, se doit d’être rompue », dit-il. « Si on veut changer les valeurs, il faut que ça commence par en haut. Et je considère [que les responsables] ont échoué lamentablement dans leur rôle de fédération », conclut-il.

L’enquête sur la fédération sportive portera sur la gouvernance. La notion d’indépendance des membres du conseil d’administration de Basketball Québec pourrait donc être examinée, de même que la manière dont certaines plaintes, dont celles à l’égard de Daniel Lacasse, ont été traitées.

Décisions à venir pour Luu et Lacasse

L’enquête sur remise en liberté de Robert Luu a pris fin mercredi. La décision sera rendue vendredi. Celle de Daniel Lacasse aura lieu ce jeudi. Charles-Xavier Boislard a été remis en liberté jeudi dernier après s’être engagé à respecter plusieurs conditions. La police invite toute victime ou tout témoin d’actes sexuels commis par les accusés à joindre sa Section des agressions sexuelles, au 514 280-8502.

Isabelle Ducas, La Presse