(Québec) Québec ne va pas assez loin dans son projet de loi 15, qui vise à réformer la Loi sur la protection de la jeunesse, déplore l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS). Selon le syndicat, les modifications proposées par le gouvernement Legault sont « encore trop frileuses » et « n’apportent pas de changements concrets ».

Les modifications prévues dans le projet de loi 15 sont « encore trop frileuses » aux yeux de l’APTS, qui représente 10 000 intervenants des services jeunesse. « Nos consultations ont mené à un consensus clair : les nouveaux articles tels que rédigés dans le projet de loi constituent une demi-mesure et n’apportent pas de changements concrets », écrit le syndicat dans son mémoire qui sera présenté mardi.

Les parlementaires amorcent mardi les consultations sur le texte législatif déposé en décembre par le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant. Québec veut placer « l’intérêt de l’enfant » au cœur de sa réforme attendue de la Loi sur la protection de la jeunesse.

Le projet de loi 15 vient notamment éclaircir « une confusion » dans la loi de 1984 qui « tend à maintenir l’enfant dans son milieu familial ». Ce principe a fait l’objet de plusieurs critiques lors de la commission Laurent. Selon l’APTS, les modifications législatives du projet de loi 15 « ne clarifieront pas » cette confusion. L’Alliance craint ainsi « un glissement vers un autre critère que celui de l’intérêt de l’enfant ».

L’article 4 du texte législatif indique notamment que « lorsque, dans l’intérêt de l’enfant, un tel maintien dans son milieu familial n’est pas possible, la décision doit tendre à confier l’enfant à des personnes qui lui sont les plus significatives, notamment les grands-parents et les autres membres de la famille élargie ».

L’APTS recommande de retirer complètement la mention « n’est pas possible » – qui revient à trois reprises dans l’article de loi – pour s’assurer que Québec atteint son objectif « d’ancrer plus solidement » le principe de primauté de l’enfant, qui doit guider le travail des intervenants sur le terrain, à toutes les étapes.

Selon le syndicat, le projet de loi 15 « pourrait, à plusieurs égards, aller plus loin pour assurer le bien-être des enfants et camper la primauté de leurs intérêts dans toutes les décisions les concernant ». L’APTS cite l’introduction de nouvelles procédures judiciaires « difficiles à appliquer et préjudiciables à l’enfant ». L’Alliance présentera une dizaine de recommandations au gouvernement Legault, mardi.

Augmentation des ressources

Le syndicat salue les visées du ministre Carmant dans sa réforme et écrit que « la législation est un levier d’action nécessaire pour améliorer le bien-être des enfants de la province ». Mais l’APTS rappelle que les lois « demeurent à l’état de symbole tant et aussi longtemps qu’elles ne sont pas appliquées » et qu’en ce qui concerne le projet de loi 15, « ce travail d’application reviendra en écrasante majorité au personnel des centres jeunesse et particulièrement aux intervenantes ».

« Or, nous connaissons les conditions de plus en plus difficiles dans lesquelles ils et elles exercent, l’épuisement et l’exode que ces conditions de travail et de pratique produisent et les impacts délétères que ce manque de considération pour la mission a ultimement sur le bien-être des enfants », peut-on lire dans le mémoire. L’APTS demande en ce sens que Québec établisse « un bouclier de protection budgétaire pour les services de protection de la jeunesse ».

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Régine Laurent

Le projet de loi 15 découle des recommandations de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (commission Laurent), ordonnée dans la foulée de la mort tragique de la fillette de Granby, au printemps 2019. C’est d’ailleurs la présidente de cette commission, Régine Laurent, qui sera la première participante à prendre la parole dans le cadre des consultations, mardi.