Au dixième jour des manifestations au centre-ville d’Ottawa, la police a serré la vis aux manifestants en les empêchant de s’approvisionner en carburant. Le maire a aussi déclaré l’état d’urgence.

Les bidons d’essence et les bonbonnes de gaz propane accumulés au centre de ravitaillement temporaire mis sur pied par les manifestants dans le stade de baseball de la rue Coventry, à Ottawa, ont été saisis par la police, selon plusieurs vidéos publiées en direct sur les réseaux sociaux dimanche. Patrick King, l’un des leaders du mouvement, a appelé tous les manifestants à s’opposer à cette mesure en se présentant à Ottawa lundi avec un « jerry can » (un bidon d’essence), dans une vidéo publiée en direct sur Facebook le même soir.

Le Service de police d’Ottawa (SPO) a durci le ton à l’endroit des protestataires dimanche après-midi en annonçant que le ravitaillement des manifestants était désormais interdit. « Toute personne tentant d’apporter du matériel de soutien (essence, etc.) aux manifestants sera passible d’arrestation », a gazouillé le SPO.

Juste après, le maire d’Ottawa, Jim Watson, a déclaré l’état d’urgence dans la capitale canadienne.

Selon la Ville, l’état d’urgence donnera plus de souplesse à la municipalité pour assurer les services essentiels aux résidants. La déclaration de l’état d’urgence permettra aussi d’acheter de l’équipement nécessaire aux policiers, ambulanciers et autres travailleurs de première ligne, grâce à un processus d’approvisionnement « plus flexible ».

« L’état d’urgence donne aux autorités beaucoup plus de pouvoir, allant de procéder à des arrestations à demander des assistances supplémentaires du côté de la province ou du fédéral », explique Michel Juneau-Katsuya, ancien cadre du Service canadien du renseignement de sécurité.

Les organisateurs du « convoi de la liberté » prévoient répliquer par d’autres stratégies. Ils envisagent notamment d’envoyer en masse des appels à la destitution du premier ministre Justin Trudeau à la gouverneure générale du Canada. Un regroupement travaille aussi à trouver de l’hébergement pour les camionneurs lorsqu’ils finiront par manquer de carburant.

  • PHOTO SIMON SÉGUIN-BERTRAND, LE DROIT

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Des centaines de contraventions

Le SPO a arrêté sept personnes dimanche, six pour méfait et une pour conduite interdite. La police a aussi procédé à la saisie de nombreux véhicules et de carburant, a indiqué le SPO par communiqué, dimanche soir.

Ce sont 450 contraventions qui ont été remises depuis samedi à des manifestants pour des raisons variées, allant du bruit excessif au non-respect de la signalisation et au permis de conduire suspendu, selon le dernier bilan du SPO publié à 11 h dimanche. Les policiers ont aussi donné suite à 650 appels en lien avec les manifestations depuis leurs débuts. Plus de 60 infractions criminelles, dont plusieurs pour des crimes haineux, font l’objet d’enquêtes.

Il s’agit d’un changement de ton dans les interventions du SPO, qui jusqu’à présent misait davantage sur la médiation. M. Juneau-Katsuya critique la stratégie de la police de la ville, qui a permis aux camions de se stationner en ville, entraînant une escalade dans la manifestation. « Cette escalade a donné du galon aux manifestants, croit-il. Ils se sont sentis investis d’une mission, et ça, c’est dangereux. »

Pertes financières

La plateforme de sociofinancement GoFundMe a annoncé samedi que les 10 millions de dollars amassés pour le « convoi de la liberté » ne seraient pas distribués aux organisateurs de l’évènement. Les fonds seront plutôt remboursés aux donateurs en 7 à 10 jours ouvrables, selon un communiqué.

L’une des organisatrices de la manifestation, Tamara Lich, a réagi dans une vidéo vendredi pour annoncer un nouveau site officiel de dons, le GiveSendGo, établi aux États-Unis.

Les manifestants pourraient aussi faire face à une première contestation judiciaire à leurs dépens. Un avocat d’Ottawa a présenté devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario une demande pour une action collective au nom de milliers de résidants de la ville demandant des millions de dollars en dommages-intérêts et une injonction « interdisant la continuité de la nuisance ». Le juge Hugh McLean a indiqué qu’il ne rendrait pas de décision avant lundi.

Des communautés autochtones en désaccord

Les communautés anichinabées de Pikwakanagan et de Kitigan Zibi ainsi que le Conseil tribal de la Nation algonquine Anishinabeg se sont positionnés en désaccord avec le convoi de camionneurs et leurs supporteurs dans un communiqué de presse publié mercredi.

« Pour ceux qui participent à ces actions, la nation [anichinabée] dénonce la mise sur pied d’un tipi, d’une cérémonie de pipes et d’un feu sacré dans le parc de la Confédération », précise le communiqué. « La nation [anichinabée] n’a pas donné son consentement pour ces pratiques cérémonielles. »

Sur sa page Facebook, le groupe « Canada Unity » a annoncé samedi avoir défait le camp du parc de la Confédération et a exprimé ses excuses aux Premières Nations. En soirée dimanche, le SPO a annoncé que le parc de la Confédération avait été complètement évacué et fermé.

Une effervescence sur les réseaux sociaux

Sur les réseaux sociaux, les partisans du mouvement se montrent toujours enthousiastes. « Les camionneurs, bénévoles, organisateurs, policiers, les gens TOUS SONT TOUT SIMPLEMENT INCROYABLES », a lancé samedi une manifestante qui revenait d’Ottawa sur le groupe Facebook « Convoi de la liberté 2022 ». « On s’est tellement bien occupé de nous, quand c’est nous qui y allions pour les supporter lolll DE L’AMOUR ET ENTRAIDE EN VEUX TU EN VLA, poursuit-elle. Ce matin j’en suis encore émue. »

« Tu as parfaitement raison, répond un autre internaute. Voir tous ces sourires sur le visage des gens… c’était tellement un boost d’énergie [in]croyable. BRAVO à tous ! »

Par ailleurs, un homme appelé @Maks_Charland sur Instagram a aussi choisi de courir de Chambly à Ottawa pour soutenir le mouvement. Parti mercredi, il est arrivé dimanche dans la capitale du Canada.

Avec La Presse Canadienne et Le Droit