(Québec) Quelques centaines de manifestants du « convoi de la liberté » se sont réunis vendredi devant le siège de l’Assemblée nationale pour une deuxième soirée. Si tout était calme pour l’instant, les organisateurs se sont plaints de la sévérité des policiers et ils n’écartent pas des débordements samedi, moment où la plus importante manifestation est attendue.

« Avec les autorités, c’est de la marde. Ils ne tiennent pas parole. Un peu déçu », a lancé Bernard Gauthier.

Le coorganisateur du « convoi de la liberté » vers la capitale a finalement parlé aux médias vendredi soir. Dans sa courte déclaration, il a répondu à de rares questions et a accusé les quelques journalistes présents d’être « responsables de cette peur publique ».

« Vous êtes complices de cet ostie de tueur là », a-t-il hurlé aux représentants des médias, en pointant le parlement, sous les applaudissements de la foule. « Merdia ! », a crié un homme non loin.

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Bernard Gauthier, coorganisateur du « convoi de la liberté » vers Québec

Qui est-ce qui meurt ici ? Où est-ce que vous voyez une pandémie, vous autres ? Moi, une pandémie, c’est quand le monde meurt autour de nous autres.

Bernard Gauthier, coorganisateur du « convoi de la liberté » vers Québec

Selon les plus récents chiffres de l’Institut national de santé publique du Québec, la COVID-19 a entraîné la mort de 13 420 Québécois.

Seule une poignée de camions

Les manifestants s’étaient réunis à un jet de pierre du siège de l’Assemblée nationale en soirée vendredi. Plusieurs dansaient au son de haut-parleurs plantés en face. Seuls quatre camions étaient garés sur le boulevard René-Lévesque.

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Les agents du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) ne laissaient aucune voiture ou aucune camionnette s’arrêter. Les autorités craignent que ne se reproduise un scénario comme celui à Ottawa, avec de nombreux véhicules stationnés à demeure.

Vers 23 h vendredi, les policiers avaient donné 6 constats d’infraction en vertu d’un règlement municipal et 34 constats en vertu du Code de la sécurité routière. « Malgré ces infractions, le tout s’est déroulé sans débordement », précise le SPVQ.

Le SPVQ a aussi utilisé ses réseaux sociaux pour rappeler qu’« aucun campement ni abri ne sera toléré » à Québec. « Cela inclut également les roulottes et remorques pouvant être habitées », ajoute le corps de police.

« On a peut-être profité de l’expérience de ce qui s’est passé à Ottawa. Ce [dont] on a convenu avec [le maire de Québec] Bruno Marchand et les policiers, c’est de ne pas les laisser s’installer », a dit le premier ministre François Legault plus tôt en journée.

Certains conducteurs tournaient donc en rond autour de la colline Parlementaire en klaxonnant. Un camionneur présent s’est plaint qu’on lui avait imposé une amende de 1000 $ pour avoir donné des coups de klaxon, après avoir été averti par les policiers de ne pas le faire. D’autres participants du convoi ont affirmé avoir été délogés d’un stationnement par les policiers.

« Quand tout le monde va arriver de partout, ça va être jampack. Là, le monde ne sera pas content. S’il y a des débordements, ce sont eux qui les auront causés », a accusé Kevin Grenier, organisateur du convoi de la Côte-Nord, parlant des autorités.

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Kevin Grenier, organisateur du convoi de la Côte-Nord

La majorité des manifestants sont attendus ce samedi, avec notamment un important convoi de la Beauce. Les organisateurs réclament la fin des mesures sanitaires.

Bernard Gauthier estime que les autorités « ne tiennent pas parole », car elles auraient refusé qu’un semi-remorque sans son tracteur passe la nuit sur le boulevard René-Lévesque. Le véhicule devait contenir de la nourriture pour les manifestants. « On était supposés faire ça convivial avec de la nourriture pour aider tout le monde », se désole-t-il.

Des manifestants excédés

Plusieurs manifestants rencontrés en avaient, sans surprise, contre les mesures sanitaires instaurées par le gouvernement pour désengorger le système de santé.

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Pascal Dupuis

Pascal Dupuis passera la fin de semaine ici. Il a décidé l’automne dernier d’abandonner son métier de camionneur en raison des consignes sanitaires trop strictes. Il est doublement vacciné.

« J’ai fait [du camionnage] pendant 23 ans et j’ai arrêté en octobre », explique le résidant de Québec rencontré tout près du boulevard René-Lévesque, où les policiers tolèrent la présence des manifestants.

« J’ai arrêté de travailler à cause de ça. On ne pouvait plus prendre de douche, de café [lors des déplacements à bord de son camion]. J’ai mon passeport [vaccinal], mais tout était fermé », illustre M. Dupuis. Il réclame à tout le moins la levée du passeport vaccinal au Québec. Pour lui, la vaccination s’arrêtera à deux doses.

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Stéphane Bergeron

Stéphane Bergeron est venu de Victoriaville. « C’est important [d’être là] parce que je veux reprendre le contrôle de ma vie », a-t-il dit.

« Je ne suis pas vacciné », ajoute-t-il d’emblée. « Je l’ai pogné [le coronavirus] et je considère que j’ai autant peu de chances de le transmettre que ceux qui ont deux ou trois doses. Je me considère comme immunisé naturellement. Je suis un payeur de taxes, d’impôts comme chaque citoyen et je crois que j’ai droit aux mêmes avantages que les autres citoyens », a soutenu M. Bergeron.

Des restaurateurs peu inquiets

La Grande Allée était déserte sur l’heure du midi. Un secteur habituellement achalandé, notamment lors du Carnaval de Québec. « Je vous dirais qu’au tout début, ça avait un peu diminué, mais on a repris beaucoup de réservations au cours des derniers jours, donc pour l’instant, il y a peu d’impacts sur les réservations. Ça se passe relativement bien », a indiqué le copropriétaire du Bistro L’Atelier, Alexandre Grenier.

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Alexandre Grenier, copropriétaire du Bistro L’Atelier

On a senti un peu d’inquiétude au sein de la population, des gens qui appelaient pour demander si ça allait être accessible. […] Pour l’instant, on a les réservations d’un vendredi normal.

Alexandre Grenier, copropriétaire du Bistro L’Atelier

À deux pas de là, au restaurant Louis-Hébert, le copropriétaire, Ianny Xenopoulos, notait une baisse d’achalandage. « C’est plus tranquille au niveau des réservations, on a eu des annulations de nos clients habituels. Pour les hôtels, je comprends que les gens ont gardé leur réservation. On garde espoir que les gens viennent. C’est quand même le Carnaval », poursuit-il.

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Ianny Xenopoulos, copropriétaire du restaurant Louis-Hébert

« Du côté de la manifestation et du brouhaha, ce n’est pas ce à quoi on s’attendait. On est loin d’Ottawa, disons », ajoute le restaurateur qui exploite également une auberge sur le même site.