(Québec) Les premiers poids lourds du convoi contre les mesures sanitaires se sont frayé un chemin jusque dans la capitale, jeudi. Accueillis par une forte présence policière, les manifestants ont été circonscrits sur une partie du boulevard René-Lévesque, ce qui n’a pas freiné leurs ardeurs, promettant d’être au poste vendredi.

Les sympathisants s’étaient massés sur quelques dizaines de mètres à l’intersection de l’avenue Honoré-Mercier, les forces policières ne leur laissant pas beaucoup de marge de manœuvre. Mais sur le terrain, la colère était tangible. La plupart des manifestants, hostiles aux journalistes, ont refusé d’expliquer leurs motivations.

« Tout ça, c’est pour permettre un monde meilleur pour nos enfants et les femmes qui les portent. Comme homme, c’est pour les protéger », a expliqué brièvement Jean, avant d’être entouré par d’autres manifestants qui agitaient un mégaphone pour s’assurer que la conversation soit inintelligible.

PHOTO YAN DOUBLET, LE SOLEIL

« Je veux supporter les truckers. Les mesures que Justin Trudeau a mises en place contre eux à la frontière, c’est injuste. Les truckers sont importants », a tenté d’expliquer Steeve, alors que des sympathisants faisaient de plus en plus de bruit ou s’interposaient pour nuire à l’entretien.

« Ça s’annonce très, très bien »

Le convoi contre les mesures sanitaires s’est mis en branle de Sept-Îles, tôt jeudi matin. Menées par le syndicaliste bien connu Bernard Gauthier, des dizaines de voitures se sont greffées au groupe, qui a fait plusieurs arrêts sur la Côte-Nord et jusqu’au Saguenay–Lac-Saint-Jean avant de s’arrêter à Stoneham-et-Tewkesbury.

Joint par La Presse, le syndicaliste de la Côte-Nord a expliqué que lui et les organisateurs n’accorderaient d’entrevues qu’« à des médias alternatifs » pour l’instant. Dans des vidéos publiées sur les réseaux sociaux, il s’est réjoui de la réponse des manifestants venus en grand nombre appuyer la cause.

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Bernard Gauthier, organisateur et syndicaliste

Le monde sur le bord de la route, c’est beau, c’est touchant. On le sent que vous êtes en arrière de nous autres.

Bernard Gauthier, organisateur et syndicaliste

« C’est le fun au boutte, ça s’annonce très, très bien », a lancé Bernard « Rambo » Gauthier au volant de sa camionnette. « On va pas là pour décrisser rien ou pour décrisser leur fameux carnaval. »

Forte présence policière

Autour de l’hôtel du Parlement, les policiers veillaient au grain. Plusieurs rues avaient par ailleurs été bouclées en raison du Carnaval de Québec, qui doit s’ouvrir ce vendredi. Les participants au convoi ont été forcés de faire le tour des lieux, empruntant le boulevard René-Lévesque et remontant l’avenue Honoré-Mercier pour passer en boucle devant la manifestation.

Quelques camions seulement ont pu se garer le long du boulevard. À aucun moment la circulation sur cette artère principale n’a été interrompue. Le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) a permis à un poids lourd de pénétrer un peu à l’intérieur du périmètre pour se stationner.

Selon nos informations, les forces de l’ordre auraient convenu de ce compromis avec les organisateurs du convoi pour servir en quelque sorte de symbole. « Fuck Trudeau, Fuck Legault » était bien en vue sur la portière du camion lourd de couleur rouge, drapeaux des États-Unis, du Canada et du Québec flottant derrière.

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Le Service de police de la Ville de Québec a permis à un poids lourd de pénétrer un peu à l’intérieur du périmètre pour se stationner.

Le SPVQ n’a d’ailleurs rapporté aucun incident lors de la manifestation. Une dizaine de constats d’infraction au Code de la sécurité routière ont été remis. « Malgré ces infractions, le tout s’est déroulé sans débordement », a fait savoir le corps policier, qui se dit en communication avec les organisateurs du convoi.

De l’autre côté de la rue, des passants regardaient la scène. « Je trouve ça dégradant. Ils n’ont même pas de masque et la plupart de ceux qui viennent ici ne sont pas vaccinés. C’est un danger pour Québec », a dénoncé Isaac Monrand-Maciel, qui habite non loin de là. Il craint que la manifestation ne devienne un siège comme à Ottawa.

« Il y a tout le quartier Saint-Jean-Baptiste à côté, c’est rempli de petites familles », dit-il.

Leur cause, oui, c’est quelque chose de bien, mais fais ça de manière respectueuse, d’une manière pacifique. Il y a des messages comme Fuck Trudeau. Tu peux pas être respectueux [avec des messages comme ça].

Isaac Monrand-Maciel, résidant

« On vit dans une démocratie, c’est juste stupide », lâche M. Monrand-Maciel.

Les manifestants sur le boulevard René-Lévesque se sont dispersés vers 22 h.

« Je ne lâcherai jamais mon boutte »

L’ambiance était beaucoup plus calme et festive du côté de Stoneham. « On perd toutte à cause de ce niaisage-là. Il y a tout le temps eu des grippes. » Yvon Rhéaume est bien installé dans l’habitacle de sa camionnette rouge. « Moi, c’est dur comme fer. Je ne lâcherai jamais mon boutte»

L’homme de 47 ans, venu apporter son soutien aux camionneurs, est en colère. Les mesures sanitaires vont trop loin. Il refuse de retrousser sa manche. Et il le refusera jusqu’au bout. « Si vous voulez me donner un vaccin, euthanasiez-moi, ça va faire la même affaire. Ça m’intéresse pas de passer pour un rat de laboratoire. »

« J’ai pus le droit d’aller dans les restaurants, dans les bars… J’ai pus le droit d’aller nulle part, mais c’est pas grave. Je vais continuer mon bout de même s’il faut que je crève tout seul dans mon trou. Je vais mourir tout seul dans mon trou. Y a rien qui va me faire changer d’idée », tranche l’homme.

Sur le terrain adjacent à une station-service, Donald Cloutier descend la vitre de son camion.

On est à l’envers du courant. Quelque part, ce n’est pas normal.

Donald Cloutier, camionneur

Le camionneur devait repartir vers Roberval en soirée. Mais il tenait à manifester son appui à ses camarades avant de repartir. Il appuie à « 100 % » la levée des mesures sanitaires.

« Il y a des places où il n’a pas de vaccination ou presque et la pandémie est déjà finie. Nous autres, on est pognés avec ça jusque par-dessus les oreilles et on est parmi les plus vaccinés au monde. Il y a quelque chose qui ne marche pas », a-t-il ajouté.

M. Cloutier a refusé de dire s’il avait accepté pour sa part de retrousser sa manche. « C’est mon médecin qui pourrait vous dire ça. »