(Ottawa) Des élus de tous les ordres de gouvernement exhortent les manifestants qui paralysent la capitale fédérale à lever le siège, alors que les organisateurs se préparent à s’installer plus longtemps encore, en distribuant du carburant et des fournitures aux camions qui bloquent les rues d’Ottawa depuis la fin de semaine.

Les foules se sont considérablement réduites, mardi, sur la colline du Parlement et aux alentours, où des manifestants anti-COVID-19 protestent depuis des jours contre les mesures sanitaires.

Mais Ottawa reste paralysé par les camions qui encombrent les rues principales du centre-ville et de nombreux commerces sont restés fermés depuis vendredi pour des raisons de sécurité.

Dans une vidéo publiée en ligne tôt mardi, l’organisateur du convoi, Pat King, se réjouissait de voir Ottawa bloqué. Les manifestants qui sont encore sur place soutiennent qu’ils ne bougeront pas tant que toutes les restrictions sanitaires ne seront pas levées. Le président de l’Association des hôtels d’Ottawa-Gatineau confirme que certains manifestants prolongent leur séjour dans les hôtels ou demandent de réserver à nouveau pour la fin de semaine prochaine.

Les résidants du centre-ville d’Ottawa disent que les klaxons des camions retentissent à toute heure en soirée et recommencent tôt le matin. Gary Banham soutient qu’il a été harcelé dans la rue par des manifestants parce qu’il portait un masque lors d’une promenade. « C’est difficile parce qu’on n’ose même plus sortir de chez soi », dit-il.

Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a déclaré mardi que les manifestants avaient été entendus et qu’il était maintenant temps de rentrer chez eux.

« Ces commerces qui sont fermés depuis, vous savez, depuis un certain temps, les restaurants, veulent rouvrir. Alors, vous savez, je comprends, je vous entends. Mais il faut laisser les gens d’Ottawa vivre leur vie », a déclaré M. Ford.

Les ministres fédéraux offraient à peu près le même message, mardi matin, en arrivant sur la colline du Parlement pour une réunion du cabinet.

« Vous avez été entendus, mais maintenant laissez les gens d’Ottawa reprendre une vie normale. C’est ce que veulent les citoyens d’Ottawa. Ils veulent retrouver leur centre-ville, et nous devons revenir à la normalité », a déclaré le ministre François-Philippe Champagne.

La conseillère municipale et le député provincial qui représentent la région ont demandé à M. Ford une aide financière pour nettoyer les dégâts laissés par les manifestants. Ils demandent également un soutien pour les entreprises déjà en difficulté qui ont été fermées depuis l’arrivée du convoi.

« De plus, pour les manifestants du convoi qui sont encore là, nous demandons le soutien de la province pour enquêter et infliger des amendes à tous les manifestants du convoi impliqués dans des infractions de stationnement, des infractions à la santé publique et à la sécurité au travail », ont écrit mardi la conseillère municipale Catherine McKenney et le député provincial Joel Harden.

« Plus une manifestation légitime »

Alors que cette grogne est clairement dirigée vers les gouvernements fédéral et provinciaux chargés d’imposer la vaccination obligatoire et les mesures sanitaires, les résidants d’Ottawa ont subi le plus gros de l’impact, a plaidé lundi le maire Jim Watson.

La police estime avoir dépensé environ 800 000 $ par jour pour surveiller les manifestants et répondre aux urgences.

Le maire Watson a déjà évoqué la question du recouvrement des coûts avec le premier ministre et le député fédéral d’Ottawa-Centre, Yasir Naqvi. Le bureau du maire a déclaré dans un communiqué que ces demandes d’assistance avaient été bien reçues.

Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré lundi qu’il ne rencontrerait aucun représentant de la manifestation, soulignant des incidents de harcèlement, de drapeaux nazis et de profanation du Monument commémoratif de guerre du Canada. Le ministre fédéral de la Justice, David Lametti, a déclaré mardi que ce qui se passe à Ottawa n’est plus une « manifestation légitime ».

« Nous devons réfléchir au fait que tous les droits (individuels) sont limités par les limites que nous trouvons dans les sociétés libres et démocratiques, et c’est ce que fait notre Charte. »

La « Private Motor Truck Council of Canada », qui représente les flottes privées de camionnage, a reconnu que la manifestation était allée « trop loin », en portant atteinte aux droits, à la sécurité et à la capacité des autres citoyens de se déplacer librement et de se rendre au travail.

L’association suggère aux manifestants d’utiliser une partie des millions de dollars collectés afin de réparer les dommages causés par certains participants. L’association cite la profanation du Monument commémoratif de guerre et de la statue de Terry Fox au centre-ville, ainsi que le harcèlement des serveurs et des clients du refuge pour sans-abri des Bergers de l’espoir.

« Ce serait un très beau geste si vous preniez une partie des fonds et faisiez un don à la Fondation Terry-Fox, à la Légion royale canadienne ainsi qu’aux Bergers de l’espoir », a déclaré le président de l’association, Mike Millian, dans un communiqué mardi.

Canada Unity, le groupe derrière la manifestation, est né lors du convoi propipeline de 2019 à Ottawa, mais s’est transformé en groupe contre les restrictions visant à contenir la COVID-19 après le début de la pandémie.

L’obligation vaccinale pour les camionneurs, entrée en vigueur des deux côtés de la frontière canado-américaine le mois dernier, a contribué à déclencher le plus gros convoi, qui a convergé de l’Ouest et de l’Est vers Ottawa la semaine dernière.