(Ottawa) Aux grands maux, les grands moyens. Le gouvernement Trudeau double pratiquement le nombre d’agents chez Service Canada qui sont affectés au traitement des demandes de prestations d’assurance-emploi de personnes ayant été victimes de vol d’identité et qui ont vu des fraudeurs soumettre une demande en leur nom.

L’objectif est de réduire les délais qui se sont allongés et qui dépassent les trois mois dans certains cas, poussant des travailleurs ayant perdu leur emploi à s’endetter et à accumuler les factures impayées.

La ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Karina Gould, qui est responsable de Service Canada, a indiqué à La Presse que le nombre d’agents affectés à ces dossiers passe de 130 à 235, soit une augmentation de près de 80 %.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Karina Gould, ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social

La ministre a confirmé cette mesure après que La Presse eut rapporté vendredi le cas de trois Québécois qui ont été victimes d’usurpation d’identité et qui peinent aujourd’hui à joindre les deux bouts parce que leur demande de prestations d’assurance-emploi a été suspendue et que Service Canada tarde à tirer leur cas au clair.

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« Nous sommes en train de réallouer les ressources chez Service Canada justement pour nous assurer que nous répondons aux demandes dans les délais », a indiqué la ministre Gould, soulignant que le délai normal ne devrait pas dépasser 28 jours.

Ce dossier me tient à cœur. L’assurance-emploi est justement là pour soutenir les Canadiens qui en ont besoin. Nous voulons nous assurer que les services sont disponibles pour tous les Canadiens partout au pays et partout au Québec.

Karina Gould, ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social

Quatre sources gouvernementales – deux sources à l’Agence du revenu du Canada et deux sources chez Service Canada – ont confirmé à La Presse qu’une part importante des fraudes ont un lien direct avec la fuite massive de renseignements personnels survenue en 2019 chez Mouvement Desjardins. D’ailleurs, l’épicentre des demandes frauduleuses se trouve au Québec.

La Presse a accepté de taire l’identité de ces sources gouvernementales parce qu’elles n’étaient pas autorisées à discuter publiquement de ce dossier.

Davantage de victimes

En entrevue, la ministre Karina Gould n’a pas voulu divulguer de détails précis sur les cas au Québec, comme la loi l’oblige à respecter la confidentialité des demandeurs de prestations d’assurance-emploi.

Elle a toutefois indiqué que Service Canada reçoit un plus grand volume de demandes depuis quelques semaines, comparativement à la même période l’an dernier. « Mais au Québec, il y a aussi un plus grand nombre de personnes qui ont été victimes d’une atteinte à la vie privée. Cela a bien sûr des impacts. Cela a des répercussions sur les gens qui font des demandes légitimes. C’est pour cela que nous sommes en train de déployer plus d’agents qui font des vérifications dans les cas des gens qui ont eu un arrêt de paiement », a expliqué la ministre.

Mme Gould a aussi indiqué que Service Canada travaillera plus étroitement avec les députés dans les différentes régions du Québec, entre autres, pour s’assurer que les personnes qui présentent des demandes légitimes reçoivent plus rapidement leurs prestations.

« Mais il faut savoir que c’est un équilibre délicat. Nous savons qu’il y a des personnes qui tentent de faire des fraudes. »

Mais pour moi, c’est très important que les personnes qui présentent des demandes légitimes, qui ont besoin de leurs prestations, les reçoivent dans un délai acceptable, tout en protégeant l’intégrité du système.

Karina Gould

Elle a souligné que le délai de quatre semaines est respecté dans 83 % des cas.

Victime de vol d’identité comme bon nombre de Québécois, Maude souhaite que l’embauche de nouveaux agents accélère le traitement de sa demande.

Cette résidante de la région de Montréal, qui préfère taire son nom de famille, affirme s’être rendu compte en décembre qu’elle avait été victime d’un fraudeur. « Depuis la mi-décembre, je n’ai donc reçu aucune prestation d’assurance-emploi et j’attends au-delà de 3000 $ en prestations. J’ai fait de nombreuses démarches, des douzaines d’appels à Service Canada, des plaintes au Bureau de la satisfaction des clients, une plainte enregistrée à la police, un appel à l’ARC […], une lettre à mon député. J’ai communiqué avec la banque où avait été ouvert le compte frauduleux. Je n’ai jamais eu de retour d’appel des enquêteurs de l’assurance-emploi », a expliqué Maude.

« On m’a promis des délais de 48 heures, puis de 24 heures, en mentionnant que mon dossier serait traité en urgence. […] Je vis présentement sur ma carte de crédit pour payer les épiceries et les dépenses pour mes trois enfants », a-t-elle ajouté.