Plusieurs compagnies aériennes refusent de ramener les fêtards du vol nolisé de Sunwing au pays, alors qu’une enquête du gouvernement fédéral est en cours sur les évènements. Certains experts se demandent par ailleurs comment l’équipage a pu laisser dégénérer la situation.

Des passagers qui vapotent à côté de gens qui dansent sans masque. D’autres qui s’abreuvent au goulot d’une grande bouteille de vodka. Ces images de débauche ont fait le tour des réseaux sociaux peu après la médiatisation de l’affaire.

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Le party préoccupant s’est déroulé à bord d’un vol nolisé en direction de Cancún le 30 décembre dernier. Des dizaines de voyageurs – plusieurs présentés comme des influenceurs ou des participants de téléréalité – ont fait fi des mesures sanitaires et des règles de sécurité.

« Ça a valu la peine », a écrit mercredi matin sur Twitter James William Awad, l’organisateur du voyage en question. Il a depuis effacé le gazouillis, indiquant qu’un communiqué serait diffusé jeudi.

« Je prends cette histoire très au sérieux. Un simple party dans un avion a créé toute cette commotion », a-t-il écrit dans une autre publication retirée ensuite.

Je vais prendre une pause pour repenser à tout ça et particulièrement à la façon dont je peux faire mieux la prochaine fois. Laissez-moi le temps de mieux comprendre cette situation.

James William Awad, organisateur du voyage, sur Twitter

L’organisateur a ensuite incité les voyageurs à acheter leur billet d’avion pour rentrer par la frontière terrestre. « Comme ça personne ne sera checké au retour et on évite tous les journalistes à l’aéroport », selon une publication diffusée sur les réseaux sociaux.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @DIARYOFISABELLE

Isabelle Labrecque, pilote d’avion et participante à l’émission de téléréalité L’île de l’amour

Isabelle Labrecque, pilote d’avion et participante à l’émission de téléréalité L’île de l’amour, était à bord de l’avion en direction du Mexique. Dans une vidéo publiée sur Instagram, elle assure être restée calmement sur son siège lors du vol et s’est dissociée des actes posés dans l’avion. « Je dormais. […] Ce n’est pas tout le monde qui a participé à ça. On ne pouvait pas s’attendre à ce que le vol dégénère comme ça », s’est-elle justifiée.

Regardez la vidéo de la passagère Isabelle Labrecque

Karl Sabourin, candidat à Occupation double – Afrique du Sud, apparaît sur les nombreuses vidéos festives relayées sur les réseaux sociaux.

Trudeau s'insurge

Le premier ministre du Canada Justin Trudeau a réagi mercredi aux frasques des voyageurs.

« C’est inacceptable que des gens soient en train de mettre à risque pas juste les autres passagers, pas juste les travailleurs des autres lignes aériennes, mais leurs concitoyens, a-t-il affirmé. En plus quand les gens sont en train de faire des sacrifices. Les gens ont réduit leurs contacts pendant le temps des Fêtes, n’ont pas vu des êtres chers. La vaste majorité des gens dans ce pays savent qu’il faut faire des sacrifices pour se protéger les uns les autres. »

PHOTO BLAIR GABLE, REUTERS

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Quand il y a une gang de sans-dessein qui décident de partir comme des Ostrogoths en vacances, c’est extrêmement frustrant.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

« C’est démoralisant, et je peux vous dire que Transports Canada et le gouvernement du Canada prennent ça très au sérieux. On va faire des suivis. »

Le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, a demandé à Transports Canada d’enquêter sur des informations faisant état de comportements « inacceptables » sur un récent vol.

« La santé et la sécurité du personnel de bord et des passagers pendant un vol sont une priorité absolue. Nous sommes au courant de comportements inacceptables et de cas de non-respect du port du masque et d’autres exigences en matière de sécurité aérienne qui se sont produits lors d’un vol affrété de Sunwing entre Montréal et Cancún le 30 décembre 2021 », peut-on lire dans une déclaration commune du ministre des Transports Omar Alghabra, du ministre de la Santé Jean-Yves Duclos et du ministre de la Sécurité publique Marco Mendicino publiée mardi soir par Transports Canada.

Persona non grata au Canada ?

Le refus de trois compagnies aériennes de les rapatrier donnera du fil à retordre aux voyageurs.

« Avec l’information que nous détenons à l’heure actuelle relative aux évènements du vol de Sunwing, et dans la mesure où nous pouvons identifier les passagers qui font partie du groupe concerné, Air Canada refuse l’embarquement afin d’assurer la sécurité des autres passagers et de notre personnel d’équipage », confirment les relations médias de l’entreprise.

La compagnie a emboîté le pas à Air Transat, qui avait fait une annonce similaire plus tôt dans la journée.

« Nous sommes au courant de la situation entourant des passagers perturbateurs ayant voyagé vers Cancún qui tentent maintenant de revenir au pays sur nos ailes. Nous confirmons que ceux-ci se verront refuser l’embarquement en vertu de nos obligations légales et réglementaires d’assurer la sécurité de nos passagers et des membres de l’équipage, qui est notre priorité absolue », a communiqué Air Transat via Twitter.

Sunwing ne permettra pas non plus au groupe de monter à bord pour retourner à Montréal.

Selon nos informations, les passagers ne sont pas visés par une interdiction de voyager. L’initiative revient aux transporteurs aériens, non au gouvernement.

Transports Canada a ouvert une enquête. Les contrevenants se verront imposer des amendes qui pourraient atteindre 5000 $ par infraction.

Responsabilité de Sunwing

Noliser un avion donne aux gens l’impression qu’ils sont dans un jet privé qui leur appartient. Les mesures de sécurité aériennes doivent être respectées, peu importe le contexte du vol, rappelle le directeur de l’Observatoire de l’aéronautique et de l’aviation civile, Mehran Ebrahimi. « Pour outrepasser ces règles-là, il faut vraiment se dire : je suis privilégié. »

Comment l’équipage a-t-il pu laisser la situation dégénérer ? se questionne l’expert.

C’est ahurissant qu’on continue le trajet sans interruption. Il y aura une enquête, donc pour l’instant, c’est [des hypothèses], mais des pilotes font demi-tour ou atterrissent d’urgence pour moins que ça.

Mehran Ebrahimi, directeur de l’Observatoire de l’aéronautique et de l’aviation civile

Voir un passager parler dans l’interphone réservé aux agents de bord l’a fait tomber de sa chaise. « Je ne comprends pas comment l’équipage a perdu le contrôle comme ça. Je me demande pourquoi le pilote n’est pas intervenu en s’adressant à tout le monde pour ramener les gens à l’ordre », dit-il, en rappelant que l’enquête arriverait peut-être à faire la lumière sur ces éléments.

« Ils ont mis en péril leur propre sécurité. Les turbulences existent, qu’il s’agisse d’un vol nolisé ou d’un vol commercial. »

La Presse n’a pas réussi à joindre Sunwing mercredi.