Incapable d’offrir à ses éducatrices les mêmes salaires qu’en CPE sans augmenter ses tarifs de façon exagérée pour les parents, une garderie privée de Laval fermera ses portes dans quelques mois.

Joëlle Saint-Laurent, propriétaire de la Garderie de la gare, dans le quartier Auteuil, a dû prendre cette difficile décision après qu’un projet de fusion avec un centre de la petite enfance (CPE) du secteur a été refusé par le ministère de la Famille. Ce projet aurait fait en sorte de transformer les 44 places non subventionnées de sa garderie en places subventionnées, à 8,70 $ par jour depuis le 1er janvier (ce montant était de 8,35 $ auparavant).

Actuellement, les parents dont les bambins fréquentent la Garderie de la gare paient 44 $ par jour. Ils reçoivent un crédit d’impôt de Québec qui les aide à payer ce tarif.

Il y a quelques semaines, le personnel des CPE a conclu une entente avec le gouvernement qui prévoit des augmentations salariales de 18 % pour les éducatrices qualifiées.

Pour éviter de perdre ses employées, qui seront tentées d’aller décrocher un emploi dans un CPE pour obtenir un meilleur revenu, Joëlle Saint-Laurent veut leur offrir le même salaire. Déjà, les éducatrices qualifiées sont rares et la garderie manque de personnel.

Or, elle devrait augmenter ses tarifs aux parents de près de 20 $ par jour pour y arriver.

Je ne peux pas dire aux parents que je vais leur charger 60 $ par jour, ce n’est pas raisonnable. La facture supplémentaire serait refilée directement aux parents, et ils n’auraient aucune aide pour combler la différence.

Joëlle Saint-Laurent, propriétaire de la Garderie de la gare

Plutôt que d’en arriver là, elle préfère mettre fin à ses activités, après 12 ans d’existence.

« Il nous est impossible de rivaliser avec le coût d’un CPE », explique-t-elle.

Ça signifie donc que les familles de 44 enfants se retrouveront sans service de garde en avril.

Lauriane Lefebvre, dont le fils de 3 ans fréquente la Garderie de la gare, est sous le choc depuis qu’elle a appris la nouvelle, lundi soir. « On savait qu’ils se battaient depuis longtemps pour devenir une garderie subventionnée, mais on ne l’avait pas vu venir », dit Mme Lefebvre.

« Les éducatrices sont des perles, elles sont comme des membres de notre famille. On se sentait en confiance. »

Trouver une nouvelle garderie

Comme plusieurs autres parents, Lauriane Lefebvre s’est déjà mise à la recherche d’une nouvelle place et a inscrit son enfant sur des listes d’attente. « Mais avec une quarantaine d’enfants dans le même secteur qui cherchent une place, ça ne sera pas facile », observe-t-elle, découragée.

Selon le président de l’Association des garderies non subventionnées en installation, David Haddaoui, la Garderie de la gare n’est pas la seule à se trouver dans une situation intenable.

« La réalité, c’est qu’il y a un fossé énorme entre le secteur subventionné et le secteur non subventionné », dit-il, ajoutant qu’on verra d’autres fermetures du genre si le gouvernement ne prend aucune mesure.

Il y a 70 000 enfants dans le réseau des garderies non subventionnées, le gouvernement ne peut pas nous ignorer.

David Haddaoui, président de l’Association des garderies non subventionnées en installation

En octobre 2020, le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, a annoncé que 3500 places dans des garderies non subventionnées seraient converties en places subventionnées.

M. Lacombe a précisé que le lancement de l’appel de projets pour convertir les places se déroulerait en deux phases : la première en 2020-2021, la deuxième en 2021-2022.

Seules les garderies non subventionnées ayant un permis depuis plus de cinq ans sont admissibles à l’appel de projets.

Par exemple, en août dernier, on a annoncé que 25 projets avaient été retenus, dans 5 régions, dans le cadre de ce programme.

« Ainsi, 1767 places seront converties. Ces places ont pour but de permettre à un plus grand nombre de familles du Québec d’avoir accès à une place subventionnée en services de garde éducatifs à l’enfance », expliquait le communiqué du Ministère.

Quatre projets ont été retenus à Laval, mais pas celui de la Garderie de la gare.

« À notre très grande surprise, nous avons su, quelques jours avant Noël, que le projet n’avait pas été retenu, en grande partie parce que cela ne créait pas de nouvelles places dans le secteur. Nous avons été extrêmement déçus », raconte Joëlle Saint-Laurent.