C’est malheureusement une indignation qui arrive parfois assez tard dans la vie, quand on vieillit et que les changements hormonaux commencent à causer des problèmes. C’est-à-dire lorsqu’une femme entend des bruits de criquets dans un cabinet de médecin en racontant ses ennuis ou pire, quand elle se faire répondre que « c’est normal avec l’âge ».

Non, ce n’est pas normal de souffrir. Mais de ses premières menstruations jusqu’à sa ménopause, on dirait qu’une femme doit apprendre à vivre avec la souffrance, physique ou psychique, comme si c’était sa condition naturelle (ou sa punition divine), pendant qu’on est capable de créer des médicaments pour faire bander un homme jusqu’à 102 ans.

Le documentaire en trois parties Loto-Méno de Véronique Cloutier, qui sera lancé ce lundi sur Tou.tv Extra, jette la lumière sur l’énorme flou qui entoure les femmes quand il est question de la périménopause et de la ménopause, un processus qui peut durer jusqu’à une quinzaine d’années pour certaines. Et causer des ravages dans leur vie.

C’est que, comme le précise Véronique Cloutier au début du premier épisode, chaque femme vit différemment ses changements hormonaux. Certaines ont peu de symptômes, d’autres plus — car ce n’est pas qu’une histoire de bouffées de chaleur — et en ce qui la concerne, elle dit avoir gagné « le jackpot ». Autrement dit, elle l’a eu rough quand, au début de la quarantaine, rien n’allait plus. « Je plaide coupable, parce que quand j’avais 30 ans, les madames ménopausées, je les trouvais gossantes », avoue Véro en entrevue au téléphone.

Tu comprends le jour où ça t’arrive. Et la réponse, c’est souvent “arrange-toi pis endure”. Je n’en pouvais plus de me faire dire “fais du yoga, de la méditation, prends des oméga-3”… À un moment donné, j’étais en train de devenir folle et j’avais besoin d’aide.

Véronique Cloutier

Cette minisérie est excellente, même si elle m’a mise en colère en dévoilant des injustices flagrantes. D’abord, parce que c’est Véro, et qu’elle n’a pas de filtre. Peu de vedettes de son calibre oseraient parler aussi ouvertement de la ménopause, dans un milieu où vieillir est proscrit, et l’animatrice est généreuse en confidences. Avec son conjoint Louis Morissette, ainsi que leurs enfants, ils parlent sans gêne des tensions causées par les sautes d’humeur de Véro, qui ont failli mener à la rupture du couple deux ou trois fois. Elle va même jusqu’à parler de la sécheresse vaginale, ce qui fait dire à Louis qu’à un moment donné, il avait l’impression de ne plus avoir un pénis, mais un rabot ! « Et des fois, il pogne des échardes », réplique-t-elle en riant.

L’humour est nécessaire pour la survie de tous les couples, ménopause ou pas.

Elle a vraiment failli se heurter à un mur et c’est pourquoi elle en parle publiquement. « Ça fait déjà deux ou trois ans que j’en parlais partout en joke, me dit-elle. J’avais choisi la voie de l’humour et de l’autodérision. Depuis, je reçois des témoignages tous les jours. Pour ce documentaire, il n’était pas question que je ne me mouille pas moi-même, parce que j’aborde mon métier comme ça. Si tu demandes aux gens que tu interviewes de le faire, il faut que tu sois capable de le faire. Et comme tout ça partait de mon vécu et de ma ménopause cauchemardesque, je ne pouvais pas ne pas raconter d’où ça venait et pourquoi ce sujet me tenait tant à cœur. Je n’ai rien retouché au montage dans mes propos. C’est la vérité, c’est comme ça, et c’est cru. »

Le droit à de meilleurs soins

Et c’est franchement frustrant par moments. On apprend beaucoup de choses dans Loto-Méno. Entre autres que les femmes ont difficilement accès à l’hormonothérapie bio-identique, qui serait bien meilleure que l’hormonothérapie habituelle remboursée par la RAMQ. Et que les médecins ne sont pas formés pour comprendre le rôle des hormones dans la santé des femmes, qui consultent pour divers maux qui peuvent y être reliés. Combien sont-elles à être dirigées vers des médicaments et des soins sans tenir compte de ce qui pourrait être la source de leurs problèmes ? Et ce, sans compter toutes ces années gâchées à souffrir dans le vide sans comprendre pourquoi ? Véro me dit qu’elle a mis quatre ans avant de savoir ce qui lui arrivait. « Je suis certaine que si on faisait un mini-sondage dans notre entourage immédiat, on serait flabbergasté du pourcentage de femmes qui sont sur les antidépresseurs et que si on les passait dans l’entonnoir de la périménopause, on découvrirait que la moitié n’en avait pas tant besoin », note-t-elle.

La maladie mentale et la dépression, ça existe, je ne dis surtout pas le contraire et il faut être soigné pour ça, mais je pense qu’il y a une proportion de femmes de 35 à 55 ans qui prennent des antidépresseurs pour mettre un pansement sur le vrai bobo, qui est la périménopause.

Véronique Cloutier

Dans Loto-Méno, Véro fait partager ses expériences notamment à des collègues comme Marie-Soleil Michon, aux comédiennes Hélène Bourgeois Leclerc, Anne-Marie Cadieux et Guylaine Guay, ainsi qu’à sa cousine Isabelle, en plus de parler à de nombreux spécialistes, dont l’une se démarque tout particulièrement : la docteure Sylvie Demers, pionnière en dosage d’hormones bio-identiques, qui dit que le système médical est sourd à la souffrance des femmes et en faillite éthique par rapport à l’hormonothérapie. Elle est à l’origine d’une pétition pour que soient couverts universellement ces traitements et pour l’intégration d’une formation obligatoire chez les professionnels de la santé, pétition qui sera relancée avec la sortie du documentaire. « Elle est formidable, dit Véro. Elle a formé plein de médecins et sauvé à peu près 10 000 femmes. Sa pétition s’est rendue à l’Assemblée nationale il y a plus de 10 ans et a été pratiquement ridiculisée. » Vous pouvez être certains que je vais la signer.

« Sans être en périménopause, tu peux être en déséquilibre hormonal dans ta vingtaine ou ta trentaine, note Véronique Cloutier. On n’est pas obligées d’avoir des SPM monstrueux chaque mois pendant toute une vie. J’espère que les femmes qui vont regarder le documentaire, peu importe l’âge qu’elles ont, vont se sentir comprises et soutenues, et que les gens qui les accompagnent là-dedans, que ce soit un homme ou une femme, vont l’écouter. On est toujours bien la moitié de la population et c’est quand même nous autres qui l’avons peuplée, cette population. À un moment donné, il faut un peu de respect. »

Loto-Méno, dans la section Véro.tv d’ICI Tou.Tv Extra, dès le lundi 21 juin