Certains diront qu’il enfonce une porte ouverte. Moi, je trouve que la prise de position de Guy LeBlanc sur GNL Québec marque un changement.

Le PDG d’Investissement Québec n’a aucune intention d’injecter de l’argent dans le projet de gaz naturel liquéfié du Saguenay, nous a-t-il expliqué. Ni comme prêteur ni comme investisseur.

Sa position pourrait être jugée paradoxale, en tant que patron du bras investisseur du gouvernement, la stimulation des investissements privés étant précisément la mission d’Investissement Québec. Et sachant que le projet GNL, justement, est un investissement de 14 milliards de dollars, ce qui serait le plus gros de l’histoire du Québec.

Guy LeBlanc n’aurait pas le choix d’obtempérer si François Legault choisissait d’aller de l’avant, bien sûr. L’organisme devrait alors gérer les injections de fonds du gouvernement, en tant que son mandataire.

Mais en rencontre éditoriale, Guy LeBlanc a essentiellement expliqué qu’il déconseillerait au gouvernement de le faire. « Ce genre de projets n’est pas dans notre ADN », a-t-il dit à La Presse.

Et c’est bien tant mieux.

Guy LeBlanc nous a même dit que lorsqu’il est entré en fonction, l’environnement « faisait partie des éléments qui étaient fondamentaux » pour lui, « pour qu’on s’entende en termes de stratégie et d’orientation ».

Et l’ADN d’Investissement Québec, c’est quoi ? C’est un fort penchant pour les investissements dans les projets verts, dans les technologies propres et dans le développement durable, si l’on se fie au plan stratégique 2020-2023 de la société.

L’organisation a du pain sur la planche. Sur les 14 objectifs de développement durable du plan 2018-2020, 7 n’avaient pas été atteints au 31 mars 2021, selon le rapport annuel. Et parmi les cibles non atteintes se trouve l’augmentation des interventions financières en vertu de la politique d’investissement responsable et de finance durable.

Le dossier des batteries sera un bon test pour mesurer la capacité de l’organisation à faire du Québec un leader des solutions vertes. Investissement Québec veut inciter des entreprises privées, notamment internationales, à injecter de 4 à 6 milliards de dollars dans la chaîne de production. Elle-même ajouterait 1 à 2 milliards à cette somme comme partenaire.

Des annonces sont prévues dans possiblement 6 mois, mais plus probablement dans 12 mois. En lice dans cette filière des batteries (lithium, cathodes, cellules, etc.) se trouvent des firmes américaines, européennes, coréennes et même un possible partenaire chinois.

Environ 80 % des produits de cette filière seraient exportés d’ici 5 ans dans un rayon de 1500 kilomètres de Montréal. Une telle réussite permettrait d’atteindre l’objectif du gouvernement Legault de faire passer de 47 % à 50 % la part du PIB du Québec qui est attribuable aux exportations (vers le reste du Canada et ailleurs à l’étranger).

Traduits en chiffre, ce serait de 10 à 15 milliards d’exportations de plus, un objectif qui se réaliserait surtout par l’entremise des 1000 grandes entreprises du Québec, dont les exportations représentent 80 % du total.

Controverse autour de Lion

La bataille des batteries et de l’électrification des transports ne se fera pas sans heurts. Le Tout-Québec inc. et même le fédéral ont mis leurs œufs dans le panier du constructeur d’autobus électrique Lion Électrique, ce qui fait rager les concurrents Autobus Girardin et Autobus Thomas.

Les deux entreprises ont exprimé la semaine dernière, dans La Presse, leur inquiétude de voir Lion se transformer en monopole, en quelque sorte, vu les subventions du gouvernement pour l’achat d’autobus électriques au Québec, où le seul constructeur de grands véhicules est Lion. Elles ont réitéré leurs craintes mardi, dans une sortie publique.

Lisez « Québec accusé de favoritisme envers Lion »

Investissement Québec est indirectement impliquée dans cette affaire, ayant prêté 20 millions à Lion Électrique, en plus de gérer le « prêt pardonnable » (prêt à remboursement conditionnel) de 50 millions du gouvernement du Québec.

De plus, le PDG Guy Leblanc a déjà été actionnaire et membre du conseil d’administration de Lion avant d’entrer en poste chez Investissement Québec. Était-ce par conviction verte ?

Aujourd’hui, nous assure l’organisme, le gestionnaire garde ses distances concernant les décisions d’Investissement Québec visant Lion, nous assure l’organisme.

Autre élément fondamental abordé lors de la rencontre éditoriale : l’incontournable besoin de notre économie à augmenter sa productivité et donc de nos entreprises à automatiser leur production.

Guy LeBlanc a rappelé que depuis 10 ans, la productivité du Québec a augmenté de 9,6 %, contre 12,1 % pour le Canada, qui est déjà à la traîne des États-Unis à ce chapitre. Sans cette nécessaire hausse de la productivité, faut-il rappeler, c’est notre niveau de vie qui reculera.

La croissance de la productivité est d’ailleurs le tout premier objectif de la stratégie d’Investissement Québec. L’an dernier, l’organisation a atteint sa cible, qui est d’avoir au moins 25 % de ses projets de financement liés à une hausse de la productivité des entreprises.

Pour le Québec, ces efforts prioritaires sur la productivité constituent un gros changement de paradigme par rapport à il y a 10 ans, lorsque nous misions encore sur la création d’emplois.

Avec le boom de l’économie et le vieillissement de la population, l’emploi n’est plus un objectif, au contraire. La création d’emplois ne figure d’ailleurs dans aucun des 18 objectifs stratégiques d’Investissement Québec pour la période 2020-2023.

Pour Investissement Québec, la productivité et l’automatisation peuvent même être une solution aux problèmes de pénurie de main-d’œuvre. Ce fut le cas, notamment, du fabricant de conduits de ventilation Plastique G Plus, de l’Abitibi.

Avant l’investissement, la PME avait besoin de 7 employés pour fabriquer 250 conduits par semaine. Depuis, une seule ressource est nécessaire, et les six autres sont réaffectés à d’autres tâches.

Le monde change.