La députée Lise Thériault est fâchée. Elle m’a appelée pour me le faire savoir. Et son ton de voix était sans équivoque. À son avis, le gouvernement faillit à son devoir de protéger les Québécois dont le voyage a été annulé en raison de la pandémie. « On a laissé tomber le consommateur, c’est dommage. »

Pourtant, il ne manque pas d’outils pour le faire, assure la porte-parole de l’opposition officielle en matière de protection des consommateurs.

« C’est un manque de volonté politique. Ce n’est pas une priorité. C’est tout. Il y a 35 000 réclamations. Alors, tout brasser ça pour 35 000 réclamations quand on est 8 millions au Québec, savez-vous quoi ? Simon Jolin-Barrette [le ministre de la Justice] aime mieux brasser son projet de loi sur la langue française et un paquet d’autres affaires que de régler un petit projet de loi pour 35 000 réclamations. »

Lise Thériault a demandé à l’Office de la protection du consommateur (OPC) de déposer une injonction contre les transporteurs aériens pour que l’argent des Québécois soit conservé en fiducie. Par souci de précaution, notamment en cas de faillite. « Ils n’ont jamais voulu ! Ce n’est pas au FICAV [le Fonds d’indemnisation des clients des agents de voyages] de tout payer quand l’argent est là ! »

Simon Jolin-Barrette pourrait aussi modifier la règle selon laquelle le FICAV ne peut utiliser plus de 60 % de sa cagnotte pour un même évènement, soumet-elle. « Il aurait pu faire sauter ça par règlement. »

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La députée libérale Lise Thériault

À son avis, le ministre « se cache derrière la règle du 60 % pour ne pas payer les citoyens, alors que ce n’est même pas l’argent du gouvernement, c’est l’argent des Québécois qui ont contribué au FICAV ! ».

Le FICAV pourrait aussi emprunter les sommes qui lui manquent, propose l’élue. Un scénario que j’ai évoqué lundi. Cela peut se faire avec un « décret d’urgence », note la députée.

Relisez le dossier « L’OPC doit bouger »

Ironiquement, c’est Lise Thériault – alors ministre responsable de la Protection des consommateurs – qui avait décidé de réduire à néant les cotisations des consommateurs dans ce fonds. Une décision qu’elle ne regrette pas. « On ne peut pas laisser 140 millions dans les coffres. Ça générait beaucoup, beaucoup d’argent ! »

Personnellement, elle réactiverait la cotisation à 3,50 $ par tranche de 1000 $ de services touristiques achetés, comme c’était au début du FICAV. Cela permettrait un remboursement rapide de l’emprunt.

Le retour d’une cotisation de 3,50 $ n’empêcherait personne de voyager. Mais je comprendrais les Québécois de rechigner – par principe – à payer cette assurance qui n’a indemnisé personne depuis 15 mois. Disons que le FICAV (administré par l’OPC, constitué de contributions des voyageurs et qui protège les clients des agences de voyages quand un service n’est pas rendu) aura besoin d’une sérieuse campagne de relations publiques.

Évidemment, ce ne sont pas les patrons à l’OPC qui vont entendre les récriminations des voyageurs, mais les agents de voyages… qui doivent déjà composer avec l’incompréhension et la frustration des clients dans le processus de remboursement.

D’ailleurs, la présidente de l’Association des tour-opérateurs du Québec et de Skylink, Joane Tétreault, déplore que le FICAV et ses administrateurs soient « totalement absents du débat entourant les demandes de remboursement des voyageurs ». L’industrie aurait aimé, ajoute-t-elle, une campagne de communication expliquant « les raisons de l’absence de règlement et le pourquoi de l’inaction ».

Rappelons qu’une demande d’action collective a été déposée contre l’OPC parce qu’il tarde à traiter les réclamations transmises au FICAV.

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Lise Thériault croit aussi que le ministre des Finances, responsable « moral » des compagnies d’assurance et des émetteurs de cartes de crédit, pourrait agir.

« Heille, les assureurs assurent le risque ! Ils se sont tous désistés de leurs responsabilités. Ben voyons donc ! En attendant, c’est environ 100 millions que les consommateurs n’ont pas dans leurs poches. Les compagnies d’assurance auraient dû payer. Elles l’ont, l’argent, elles font des milliards de profits. Mais le ministre n’a pas voulu prendre ses responsabilités. Il peut faire une loi rétroactive pour obliger les assurances et les cartes de crédit à rembourser. C’est ça qui est désolant. »

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice

J’ai contacté la présidente de l’Association canadienne des compagnies d’​assurances de personnes (ACCAP), Lyne Duhaime, pour connaître la position de son industrie. Les assureurs ont déjà versé 100 millions aux voyageurs du Québec, m’a-t-elle dit.

Elle convient qu’il y a eu « un flottement » au printemps 2020. Et que les assureurs dirigeaient alors leurs clients vers le FICAV. Mais après quelques semaines, « les assureurs ont décidé de payer pour ne pas prendre le consommateur en otage et certains ont demandé à leurs clients de signer une subrogation ». Ainsi, quand on aura déterminé qui est le premier et le deuxième payeur, il se pourrait que des assureurs réclament des sommes au FICAV. À ce stade-ci, aucune négociation entre l’ACCAP et le FICAV n’a eu lieu.

Le hic, comme me l’a écrit Claire L. qui était assurée avec la SSQ (devenue Beneva), c’est que la compagnie d’assurance ne l’a jamais prévenue qu’elle avait finalement décidé de payer. Elle l’a appris en appelant la compagnie en mars 2021.

« Mon instinct me dit qu’il y a sûrement d’autres personnes comme moi qui ont de l’assurance, mais qui attendent après le FICAV et ne savent pas que certaines compagnies d’assurance font leur job et remboursent », m’écrit-elle.

C’est bien possible. Alors, à vos téléphones si vous aviez souscrit une assurance annulation ou si votre carte de crédit vous en offre une.