Comme un souper malaisant au Robbie’s de Kahnawake entre Brigitte et Sylvain, la docuréalité Si on s’aimait a pris fin jeudi soir sur les ondes de TVA, au bonheur des détracteurs de Louise Sigouin (des solitaires rationnels !) et au malheur des admirateurs de sa secte des dualités (des dépendants émotifs !).

Et comment Guillaume, le prince médiéval aux cheveux raidis, qualifierait-il ces neuf semaines de thérapie intense à nommer ses inconforts et à verbaliser ses émotions ? C’était nice. Ouin, j’pense que c’était chill. C’était nice chill, genre. Merci, Guillaume, pour ces paroles aussi savantes qu’éclairantes. Amélie a grandi à ton contact (ironie).

Maintenant, qui nous offrira des séances gratuites du lundi au jeudi pour guérir nos blessures de rejet, hein ? Parce qu’il y a deux principaux pôles d’attraction à Si on s’aimait, qui reviendra en septembre pour une troisième saison. Le premier consiste à critiquer et à suranalyser les comportements des cobayes, principalement ceux de Brigitte, la reine des remarques plates sur les hommes roses de 54 ans – et leurs petites peaux mortes – qui aiment prendre des bains. Au. Secours. Et se limer les ongles au resto, c’est non, Brigitte.

Le deuxième, c’est d’apprendre des choses sur soi-même pendant les séances dans le bureau de la sexologue Louise Sigouin. Les téléspectateurs qui n’ont jamais consulté un professionnel découvrent à quel point c’est possible de progresser avec une aide adéquate.

Le parcours d’Amélie le représente parfaitement. Au fil des épisodes, nous l’avons vue s’ouvrir, se respecter davantage, dire ce qui la dérangeait et calmer ses insécurités, malgré la présence d’un partenaire (Guillaume, urgh) peu réceptif à ses besoins.

Elle a été bonne, Amélie, de rendre hommage à Guillaume cette semaine, car il n’a pas été super gentil ou attentionné avec elle. « Ç’a juste pas poppé », a avancé Guillaume en guise d’explication à l’effritement de sa relation avec Amélie. Heureusement que Louise Sigouin a pu rattraper Amélie lors de sa descente en vrille dans l’anxiété. Complètement absent du dernier épisode, Guillaume n’a été d’aucune utilité, même pour abaisser la lunette de la toilette.

Les quatre derniers épisodes bilan de Si on s’aimait n’ont pas été particulièrement épicés ou savoureux.

À Charlevoix, Sylvain a encaissé, encore et encore, chanterait Laurence Jalbert, les commentaires désobligeants de Brigitte, incapable de décrocher des affaires les plus banales. Voir : les oreillers de gars, les casquettes à l’envers, les mots mademoiselle et beauté, l’expression « ciao, ciao, Mickey Mouse », les bijoux masculins, l’orientation sexuelle de Sylvain, le pourcentage de blagues dans une conversation (c’est 30 % maximum, O.K. ?), tout ça épuiserait le plus résistant des prétendants.

« Pauvre Carlos. Il a enduré ça cinq semaines. Cinq semaines. Il va au ciel direct », a timidement marmonné Sylvain dans une boutique de savons artisanaux, où Brigitte le picossait de nouveau. Pauvre Sylvain également. Incapable de déplaire ou d’exprimer son mécontentement. Lui aussi a du travail à faire.

Comme Sébastien, je trouve que son parcours s’est rapidement muté en « Gabriel Show ». Il n’y en avait que pour Gabriel, les limites de Gabriel, les blessures d’enfance de Gabriel, l’asexualité de Gabriel. Sébastien a été tassé sur la voie de desserte.

N’oublions pas que l’un des trois personnages pivots de Si on s’aimait était Sébastien et non Gabriel. C’est devenu très compliqué entre ces deux-là. « Ça commence à être laborieux », a d’ailleurs fait remarquer Émily Bégin mercredi soir, faisant écho à l’opinion de nombreux fans, dont moi.

Je veux que tu fasses les premiers pas, mais je vais sûrement te rejeter ! Ne le prends pas personnel ! Euh, d’accord. On va rester chacun sur notre coussin de sofa, d’abord.

Par contre, nous avons eu droit à un échange vraiment émouvant entre Sébastien et Louise à la fin de l’épisode de mercredi. Les larmes aux yeux, la sexologue a remercié Sébastien de son ouverture et de son courage à parler de séropositivité dans une quotidienne suivie par plus de 800 000 personnes à TVA, troisième émission pour les cotes d’écoute au Québec, à la fin de mai, derrière le hockey à TVA Sports et Infoman à Radio-Canada.

Le segment où Gabriel a rencontré la médecin de Sébastien pour discuter du VIH a été super éclairant et bien vulgarisé. De la télé populaire qui fait œuvre utile, amenez-en et mettez-en, ce n’est pas de l’onguent.

Pour revenir à Émily Bégin et Guillaume Lemay-Thivierge, leurs réactions ont été parfaites tout au long de la saison. Ils soupiraient quand Brigitte retombait dans ses habitudes de chialage. Ils imitaient Guillaume qui baragouinait sa langue inventée de style Game of Thrones. Ils s’impatientaient quand rien ne se passait entre Sébastien et Gabriel. Bref, ils représentaient le public, qui râlait contre les mêmes trucs dans son salon.

Évidemment, les fidèles auraient aimé que des couples se forment après autant de travail pour atteindre l’autonomie affective. Mais bon. Les célibataires repartent mieux outillés pour « gérer les non-dits » et se « sentir choisis ».

L’approche Sigouin, malgré son aspect nouvel-âgeux, est intéressante. Au point de se faire tatouer un fauteuil sur la cuisse ? Non, quand même. Il y a une limite entre « garder contact avec son monde émotif » et déclamer « je suis parole, je suis moi » sur une scène.