Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, trouve « inquiétants » les délais d’attente dans les centres de traitement spécialisés pour les délinquants sexuels.

Le ministre réagit ainsi aux révélations de La Presse voulant que faute de place en thérapie, des délinquants sexuels récidivent.

« Il est effectivement inquiétant de voir qu’il y a des délais d’attente. Nous sommes conscients des enjeux, malheureusement, nous faisons face à des défis de main-d’œuvre comme dans d’autres domaines de la santé », a indiqué le ministre Carmant, par la voix de son attachée de presse Sarah Bigras.

Au Québec, les centres de traitement spécialisés en délinquance sexuelle croulent sous la demande. Les listes d’attente sont aujourd’hui « très préoccupantes », de l’aveu même des dirigeants de ces centres de thérapie, a-t-on révélé plus tôt cette semaine.

Longtemps sous-financés, ces centres – qui ont le statut d’organismes communautaires – peinent à attirer des professionnels, notamment des psychologues et des sexologues psychothérapeutes, pour répondre à la demande qui ne cesse d’augmenter depuis la première vague #moiaussi en 2017.

« C’est une catastrophe »

« Affolant ». C’est le qualificatif qu’utilise pour sa part la députée du Parti libéral du Québec Christine St-Pierre.

Celle qui était vice-présidente de la Commission parlementaire sur l’exploitation sexuelle des mineurs l’an dernier presse le gouvernement de François Legault d’en faire davantage. « Il faut à la fois soigner les délinquants et réussir à couper l’offre des images. »

Ces hommes qui confiaient dans votre enquête journalistique la facilité avec laquelle ils trouvent des images ont un urgent besoin de services professionnels si on ne veut pas qu’ils récidivent.

Christine St-Pierre, députée du Parti libéral du Québec

« C’est une catastrophe », lâche de son côté le député de Québec solidaire Sol Zanetti.

Dans son rapport baptisé Rebâtir la confiance, le comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale a recommandé à l’État d’assurer un financement adéquat et récurrent aux ressources existantes pour auteurs de délits sexuels afin d’étendre l’offre de services aux régions où elle est inexistante ainsi que de réduire les délais d’accès, rappelle-t-il.

« C’est malheureux, mais avec la CAQ, c’est toujours la même chose : les intentions sont bonnes, les principes sont clairs, on en fait une grande priorité, mais on n’investit pas l’argent nécessaire », critique le député solidaire.

Financer adéquatement

Dans l’enquête de La Presse, les centres de traitement spécialisés pour les délinquants sexuels soulignaient leurs importantes difficultés de recrutement et de rétention de main-d’œuvre qualifiée, puisqu’ils ne parviennent pas à offrir d’aussi bonnes conditions de travail qu’au public.

« L’État ne peut pas et ne doit pas s’en laver les mains », affirme pour sa part la députée péquiste Véronique Hivon.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Véronique Hivon, députée péquiste

« À partir du moment où le système judiciaire inclut la thérapie dans les éléments de sentence et de probation du délinquant et que l’État confie le soin d’offrir cette thérapie aux organismes communautaires, ce dernier a la responsabilité de financer adéquatement et d’accompagner ces organismes-là », poursuit la députée, qui était l’une des quatre élues membres du comité transpartisan sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale.

Pour augmenter leurs effectifs alloués aux suivis thérapeutiques et ainsi s’attaquer à leurs listes d’attente, les organismes communautaires sont actuellement forcés de diminuer le nombre d’évaluations spécialisées en délinquance sexuelle destinées à éclairer le tribunal sur la peine appropriée, a-t-on également révélé dans notre enquête.

Au cabinet du ministre Carmant, on tient à rappeler que dans le budget de 2020-2021, une somme de 16 millions de dollars a été prévue dans le domaine des agressions sexuelles, dont 1,4 million de dollars récurrents pour les 10 organismes qui viennent en aide directement aux agresseurs sexuels.

Au Québec, actuellement, près de 400 adultes et une soixantaine d’adolescents sont en attente pour suivre une thérapie spécialisée, selon le Regroupement des intervenants en matière d’agression sexuelle, qui a compilé les chiffres des neuf centres qu’il représente.

Chez la clientèle adulte, le délai d’attente moyen pour intégrer une thérapie (individuelle ou de groupe) est passé de quatre mois en 2018-2019 à neuf mois en 2020-2021. Chez la clientèle adolescente, ce délai est passé d’un mois en 2018-2019 à quatre mois pour une thérapie de groupe et à sept mois pour une thérapie individuelle.

C’est dans Lanaudière et à Laval que les délinquants sexuels attendent le plus longtemps.