(Ottawa) L’Association des femmes autochtones du Canada se dissocie de ce qu’elle décrit comme un processus « fondamentalement biaisé » et motivé par des intérêts politiques en dévoilant son propre plan d’action en lien avec les recommandations de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Lors d’une conférence de presse chargée en émotions, mardi, l’organisation a tracé une ligne claire entre le travail du gouvernement fédéral, d’un côté, et les efforts des femmes autochtones elles-mêmes sur le terrain, de l’autre côté.

« Nos femmes sont résilientes et nous allons reprendre le contrôle de nos vies et nous allons prendre soin de nos enfants et nous allons survivre en tant que peuple », a déclaré la militante de longue date pour la défense des droits des autochtones Gladys Radek.

« Parce qu’on ne va pas continuer d’endurer ça plus longtemps. »

L’organisation dit avoir perdu confiance envers le gouvernement fédéral et en avoir fini avec ce processus « toxique et dysfonctionnel ». Elle a donc pris l’initiative de le remplacer par sa propre démarche qui, selon sa présidente Lorraine Whitman, « place les familles en premier, et non la politique ».

« Ça fait deux ans depuis que les commissaires ont publié leurs 231 appels à la justice. Puis… très peu de choses ont changé », déplore Mme Whitman.

« Nous ne sommes pas plus en sécurité maintenant que nous l’étions il y a deux ans, alors on va prendre les choses en main nous-mêmes », a-t-elle martelé.

L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a été lancée en août 2016 et a entendu plus de 2300 personnes en plus de deux ans d’audiences.

Dans son rapport final, l’enquête propose des recommandations qui traitent de santé, de justice, de sécurité et de culture, incluant plusieurs appels envers de meilleures actions pour lutter contre la traite de personnes, l’exploitation sexuelle et la violence sexuelle, incluant dans l’industrie du sexe.

La confection d’un plan d’action national trônait au sommet de la liste des recommandations, mais malgré la promesse d’Ottawa, dès le départ, qu’un plan serait prêt pour le premier anniversaire du rapport, l’an dernier, rien de concret n’a encore vu le jour.

La ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, s’est défendue en citant la pandémie comme principale cause expliquant le retard dans le dévoilement du plan d’action.

Le gouvernement fédéral a créé de nombreux comités composés de représentants autochtones afin d’entendre leurs idées sur le plan d’action, mais Mme Whitman affirme que l’Association des femmes autochtones du Canada s’est vu refuser une place aux comités où les principaux éléments du plan d’action sont abordés.

À titre d’exemple, elle n’a pas été invitée ni au groupe de travail-cadre ni au Cercle national des familles et des survivants. Pourtant, l’association plaide que ces comités abordent des enjeux majeurs pour ses membres.

Et en plus d’être tenue à l’écart des grandes décisions, l’association confie que ses représentantes ont été accueillies avec « hostilité » dans les groupes de travail conjoints avec le gouvernement.

Si d’autres organismes ont reçu une compensation financière pour leur contribution aux travaux, ce n’est pas le cas de l’Association des femmes autochtones du Canada.

« Nous étions clairement un ajout après coup et peut-être même des intruses indésirables dans le processus du gouvernement », croit Lorraine Whitman.

L’association a été l’une des voix les plus critiques envers le gouvernement qu’elle accuse de ne pas avoir suffisamment agi pour implanter les 231 appels à la justice.

Les conclusions de l’enquête nationale avaient déterminé que des décennies de racisme systémique et de violation des droits de la personne ont contribué à la mort et à la disparition de centaines de femmes et de filles autochtones au point de constituer un génocide.

Dans son plan dévoilé mardi matin, intitulé « Nos appels, nos actions », l’association énumère 65 étapes qu’elle entend entreprendre pour arriver à la mise en place des recommandations de l’enquête nationale.