Deux adversaires politiques qui se mettent dans de beaux draps le même week-end. On dirait un scénario de film.

Valérie Plante avait tellement hâte de se prélasser sur une terrasse qu’elle a oublié pendant quelques minutes les mesures sanitaires. Elle a été vue vendredi soir en compagnie de quatre personnes. Tout ce beau monde était installé à la même table.

Pour ce qui est de Denis Coderre, il a été photographié au volant de sa voiture penché au-dessus de son téléphone cellulaire alors qu’il patientait à un feu rouge. L’image donne à croire que le politicien était en train de texter.

La mairesse Valérie Plante a rapidement fait son mea culpa. Elle n’avait pas vraiment le choix. Dans son cas, la faute est flagrante. La nier ou chercher des excuses aurait été une erreur.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

« Les choses ne vont pas rondement pour Denis Coderre. Même s’il continue d’obtenir de bons scores dans les sondages, il ne doit pas apprécier ces petits dérapages à répétition », écrit notre chroniqueur.

Denis Coderre a attendu 48 heures avant de s’expliquer. Il l’a fait lundi après-midi, sur LCN, devant un Paul Larocque perplexe. Il l’a fait de façon véhémente, faisant même taire l’animateur à un certain moment. À vrai dire, l’ancien maire de Montréal avait l’air d’être en beau joual vert.

Selon sa version des faits, le téléphone serait tombé de son socle et il l’a récupéré. C’est à ce moment que la photo aurait été prise par une personne anonyme qui se trouvait dans une voiture voisine.

Cette explication ne m’a pas du tout convaincu. Mais bon, je donne le bénéfice du doute à l’ancien maire de Montréal.

Reste que je ne comprends pas comment un politicien d’expérience comme lui a pu penser qu’entretenir le mystère ou tenter de contourner le sujet pendant deux jours était la chose à faire.

C’était la pire chose à faire. N’importe quel conseiller politique vous le dira.

Si ce qui s’est vraiment passé est aussi banal que Denis Coderre l’affirme, pourquoi ne l’a-t-il pas dit dès dimanche ?

L’attitude qu’a eue Denis Coderre va procurer une occasion de plus à ses détracteurs de se demander si l’homme a vraiment changé. Cette « transformation » mise exagérément de l’avant est un caillou dans le soulier de Denis Coderre. On le lui rappelle constamment.

Ce « cellulairegate » s’ajoute à d’autres incidents qui font vivre à Denis Coderre un curieux début de campagne. Il y a d’abord eu l’annonce concernant Ali Nestor à qui Denis Coderre aurait souhaité confier le rôle de conseiller spécial en matière de sécurité publique, jeunesse et diversité au sein de son parti.

Mais sitôt nommé, Ali Nestor a été éjecté d’Ensemble Montréal. Quelques heures après le point de presse, les leaders du parti ont découvert que des allégations de voies de fait et d’agressions sexuelles visaient le boxeur.

Et puis, il y a eu cette photo prise avec les rappeurs Jordan et Brandon Buissereth. Voulant se la jouer cool, Denis Coderre a pris la pose avec les deux hommes de même que Luka Hollinger, fils de la nouvelle recrue d’Ensemble Montréal, Heidi Hollinger.

Le hic, c’est que les frères Buissereth traînent derrière eux un passé criminel, le premier au sujet d’une histoire de trafic d’armes volées et le second pour trafic de drogue.

Bref, les choses ne vont pas rondement pour Denis Coderre. Même s’il continue d’obtenir de bons scores dans les sondages, il ne doit pas apprécier ces petits dérapages à répétition.

Ces deux affaires rappellent à quel point les politiciens sont sous haute surveillance. Et que les exigences des citoyens envers eux sont énormes. On les veut exemplaires, bienveillants, sincères, crédibles, authentiques et inspirants. Tout cela dans la même journée.

Mais ils n’y arrivent pas toujours. Comme nous d’ailleurs.

Les politiciens sont des leaders. Du moins, c’est ce qu’on aime voir en eux, surtout durant des moments éprouvants comme la pandémie que nous vivons. Ils ne peuvent se permettre de perdre la confiance du public.

J’avoue que samedi, lorsque Valérie Plante a présenté ses excuses et qu’elle nous a ensuite demandé de continuer à suivre les règles sanitaires, ses paroles n’avaient plus le même poids qu’auparavant.

Ces deux incidents nous disent également qu’avec le monde des technologies et des médias dans lequel nous vivons, le moindre écart des personnalités publiques peut être étalé au grand jour en une fraction de seconde.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER DE FREDERICK CARLE

La mairesse de Montréal, Valérie Plante (à droite), attablée avec quatre autres personnes sur une terrasse de Montréal vendredi dernier

Valérie Plante n’avait pas terminé son verre de vin que la photo d’elle et des quatre autres personnes qui étaient à sa table s’est retrouvée sur Twitter. C’est le prix à payer pour la médiatisation que les politiciens recherchent souvent.

À ce sujet, le passage le plus surprenant de l’entrevue de Denis Coderre avec Paul Larocque est celui où le candidat à la mairie de Montréal parle de l’intrusion des « anonymes » dans la vie privée des gens et cette obsession à vouloir soumettre des photos compromettantes au tribunal populaire.

Il a raison quand il dit qu’on assiste à une perte de contrôle et qu’il faut resserrer les choses. Mais ces paroles sages sont tout de même étonnantes de la part de quelqu’un qui nourrit grassement la bête que sont les réseaux sociaux depuis de nombreuses années.