(Québec) Il n’y a pas seulement la victoire en prolongation du Canadien qui a causé la surprise, samedi soir. La conclusion d’une entente globale entre le gouvernement Legault et la FTQ aussi.

C’est la première des trois grandes centrales syndicales à parvenir à un accord portant à la fois sur les salaires et les conditions de travail dans le cadre de ces négociations qui, à bien des égards, ne sont pas comme les autres. À commencer par le fait que, pour la première fois en au moins 20 ans, les syndicats n’ont pas formé un front commun en vue de renouveler les conventions collectives du demi-million d’employés de l’État.

À la table centrale, là où l’on discute des salaires, les négociateurs de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) et du gouvernement ont passé la nuit de jeudi à vendredi à ficeler un accord. Les derniers détails, sur le pourcentage des hausses salariales, ont été réglés entre le président de la FTQ, Daniel Boyer, et la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, vendredi après-midi.

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Sonia LeBel, présidente du Conseil du trésor, à l’issue d’une rencontre avec les dirigeants de plusieurs organisations syndicales

Ils se sont entendus sur des hausses de 2 % par année sur trois ans – la durée des prochaines conventions collectives.

Québec offrait au départ 5 % en trois ans et proposait une hausse supplémentaire de 1 % si l’inflation était supérieure à 5 % et si la croissance économique prévue était au rendez-vous. Bien des discussions ont eu lieu autour de cette augmentation conditionnelle de 1 %. Chez les syndicats, on a gardé un mauvais souvenir de ce genre de clause « croissance économique » qu’ils avaient accepté d’introduire dans les conventions collectives une première fois sous le gouvernement Charest.

Québec a finalement accepté de laisser tomber les conditions rattachées à cette augmentation. Le point de pourcentage a été réparti sur les trois années du contrat de travail.

La FTQ a réclamé que les plus bas salariés de l’État, ceux des rangements 1 à 11 comme les préposés à l’entretien ou au service alimentaire, obtiennent des hausses plus importantes. Ils y auront droit la troisième année en vertu d’une nouvelle structure salariale. Les autres centrales syndicales ont aussi exprimé le souhait, dès le début des négociations, que l’on arrive à accorder un peu plus aux métiers moins bien rémunérés. C’est une autre particularité de cette négociation.

Le gouvernement Legault a insisté dès le départ pour offrir des hausses salariales plus généreuses à certains employés. En particulier les préposés aux bénéficiaires en CHSLD. Il y parvient dans l’entente de la FTQ, alors qu’une « prime CHSLD » permettra aux préposés qui y travaillent de toucher un salaire de 26 $ l’heure, même lorsque les primes COVID vont disparaître.

Dans l’entente de la FTQ, des sommes forfaitaires équivalant à 1 % du salaire sont également prévues pour l’ensemble des employés, la première et la dernière année.

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Daniel Boyer, président de la FTQ

Une fois les salaires réglés entre Sonia LeBel et Daniel Boyer, il restait, samedi, à attacher les dernières ficelles aux tables sectorielles, où l’on négocie les conditions de travail. Les pourparlers y étaient déjà bien avancés. On créera des postes à temps complet en convertissant des postes à temps partiel, par exemple. L’accord global a finalement été scellé avant le souper samedi.

Le premier ministre François Legault avait convoqué les chefs syndicaux à une rencontre le 2 mai dernier, mais il n’est pas intervenu au cours des tout derniers pourparlers avec la FTQ, selon Daniel Boyer. M. Legault avait d’ailleurs signalé avant même le début des négociations, en septembre 2019, qu’il voulait mettre fin à cette « habitude qu’on a au Québec » de régler les conventions collectives « un grand soir, dans le bureau du premier ministre, à 2 h du matin », en offrant des hausses « de 2 ou 3 % à tout le monde ».

Le premier ministre n’a pas eu à vivre un « grand soir » dans son bureau avec la FTQ, mais son gouvernement lui donne quand même 2 %.

De telles hausses salariales, c’est déjà ce que le gouvernement prévoyait donner à ses employés en début de mandat. En novembre 2019, le ministre des Finances, Eric Girard, avait, pour ainsi dire, vendu la mèche en disant que son ministère avait bâti un cadre financier pour les prochaines années prévoyant des hausses salariales annuelles de 2 %, semblables au taux d’inflation. Le trou budgétaire causé par la pandémie n’a pas changé l’intention du gouvernement.

Inévitablement, l’entente de la FTQ trace la voie pour les prochains accords avec les autres syndicats. Après tout, on ne pourrait pas imaginer une hausse salariale différente entre un préposé à l’entretien syndiqué à la FTQ et un autre syndiqué à la CSN, n’est-ce pas ? La CSN attend de voir le contenu de l’accord de la FTQ pour se prononcer, mais elle affirme que les négociations avancent bien et que l’objectif demeure de les régler avant l’été.

Le gouvernement avait déjà une entente globale avec la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) et des ententes sur les conditions de travail avec la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) et les enseignants de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ). L’accord avec la FTQ représente un atout supplémentaire considérable en vue de tirer un trait sur le dossier des négociations. Mais la partie n’est pas encore gagnée.

C’est comme pour le Canadien et son septième match contre les Maple Leafs de Toronto, ce lundi.