Être ministre des Transports n’est pas reposant au Québec.

Parlez-en à Sam Hamad, malmené après l’effondrement d’une poutre dans le tunnel Ville-Marie. Ou à Laurent Lessard, qui roupillait pendant que des automobilistes étaient prisonniers de leur voiture toute une nuit sur une autoroute 13 bloquée par la neige.

PHOTO PATRICE LAROCHE, LE SOLEIL

François Bonnardel, ministre des Transports

François Bonnardel a dû gérer quelques tempêtes cette semaine, à commencer par la fermeture imprévue du pont de l’Île-aux-Tourtes. Qu’a-t-il fait de mal ? Rien, à ma connaissance. Deux voies ont été rouvertes, et les travaux avancent vite. C’est déjà une petite victoire pour le ministre.

N’empêche que le dossier sert de révélateur des problèmes à venir pour son gouvernement et lui.

Nos routes sont dans un état lamentable, tout comme une partie des transports collectifs. Leur déficit d’entretien dépasse 16 milliards de dollars. Et dans le métro de Montréal, des travaux de 10 milliards seront requis d’ici la prochaine décennie.

Or, le gouvernement caquiste n’a pas budgété assez d’argent à cet effet dans son plan des infrastructures. Et il continue de promettre de nouvelles routes, comme le très coûteux tunnel Québec-Lévis. Pourtant, je n’ai pas trouvé un seul expert qui le juge nécessaire. Surtout pas à un tel prix.

Les caquistes tentent d’en faire une guerre culturelle, en opposant Montréal à la Capitale-Nationale. Or, certains critiques du tunnel habitent plus loin à l’est…

En matière de liens fluviaux, le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie et la Côte-Nord sont imparfaitement servis. À sa décharge, M. Bonnardel a commandé un rapport sur les traversiers. Il devrait le recevoir dans les prochaines semaines.

Et ce qui l’occupera encore plus jusqu’à la fin de son mandat, c’est bien sûr le Réseau express métropolitain (REM) de l’Est, à Montréal.

Des gens crédibles, comme les présidents de l’Ordre des architectes du Québec et de l’Ordre des urbanistes du Québec, craignent que la structure en hauteur enlaidisse le centre-ville.

Cela se comprend. Dans la première phase du REM, la Caisse de dépôt et placement du Québec (par l’entremise de sa filiale CDPQ Infra) a agi comme un bulldozer. Les ingénieurs avaient le contrôle. Leur but : trouver la solution technique optimale en matière de coût et de déplacement de passagers. Qu’en pensaient les gens ? La Caisse s’en souciait peu. Tout comme de la beauté.

Mais cette fois, la démarche semble différente.

Le REM I longeait l’autoroute et s’intégrait à des structures déjà existantes, comme le pont Samuel-De Champlain. La deuxième phase passera dans des secteurs urbains et habités, comme le boulevard René-Lévesque.

C’est plus délicat. En contrepartie, la démarche est plus collaborative. CDPQ Infra a mené des consultations, et Québec lui a adjoint un comité d’experts indépendants. La société d’architecture Lemay travaille aussi sur le projet.

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Une caricature vaut mille maux, et le gouvernement caquiste a été embêté par celle de mon collègue Serge Chapleau.

Le REM au centre-ville par Serge Chapleau
  • SERGE CHAPLEAU, LA PRESSE

  • SERGE CHAPLEAU, LA PRESSE

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Elle a le grand mérite de montrer tout ce qu’on ne veut pas. Mais tant à Québec qu’à CDPQ Infra, on assure que le résultat sera différent.

Pour les pylônes, la décision est prise. Il y en aura. Construire en souterrain serait impossible pour des raisons techniques, assure la Caisse. Et un wagon roulant sur le sol serait plus lent, assez pour réduire le nombre de passagers et l’utilité du réseau.

Reste à voir à quoi ressembleront ces pylônes…

Même s’il est normal d’être sceptique, il est encore tôt pour dénoncer le projet. La moindre des choses serait de lire le plan avant. Cela devrait arriver avant la fin de l’année.

On y trouvera des croquis et des précisions sur la structure en hauteur, sur l’emplacement des stations et sur leur intégration à la rue (édicule et traverse piétonnière). Il faudra également surveiller comment le réseau s’arrimera aux lignes verte et bleue du métro ainsi qu’au service rapide par bus du boulevard Pie-IX.

Ces informations serviront ensuite à l’analyse du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement. Le dernier mot reviendra au politique.

À Montréal, la mairesse Valérie Plante et son opposant Denis Coderre sont à la fois favorables au projet et soucieux de son intégration urbaine. Et aussi de la facture qui sera refilée à la Ville, comme pour le réaménagement des feux de circulation et des égouts.

Montréal a toutefois un pouvoir limité. La décision revient à Québec. Et le premier ministre, François Legault, s’est déjà prononcé. Il pèse de tout son poids en faveur du projet. Il milite pour la relance de l’est de la métropole depuis son retour en politique. Pour lui, c’est aussi une façon peu coûteuse d’agir pour l’environnement et la mobilité.

Reste que les caquistes manquent de cohérence en la matière. Dans d’autres dossiers, ils promeuvent l’étalement urbain. Et je ne parle pas seulement du tunnel Québec-Lévis ou du dézonage de la MRC de Montcalm. C’est aussi le cas pour leur promesse de prolonger le REM en banlieue.

Comme des maires de la Rive-Sud, le gouvernement caquiste voulait ajouter un nouveau tronçon du REM entre Chambly et Saint-Jean-sur-Richelieu. Heureusement, CDPQ Infra leur a dit non. Pas rentable, et pas pertinent non plus à cause de la faible densité habitée du territoire.

Le gouvernement caquiste a demandé à CDPQ Infra d’étudier l’extension du REM à Laval ainsi que le long du boulevard Taschereau. Ces tracés sont plus crédibles. La réponse viendra dans les prochains mois, alors que commence la précampagne électorale. Cela adonne bien, on y trouve plusieurs circonscriptions clés…

MM. Legault et Bonnardel seraient heureux de promettre à ces électeurs un service de transport en commun. Mais ils ne devraient pas oublier d’entretenir le réseau existant, et de concrétiser les projets déjà annoncés comme la ligne bleue du métro. Et se souvenir aussi que l’ajout de chantiers comme celui du tunnel Québec-Lévis gruge le budget pour ces travaux essentiels.