Le commissaire au développement durable déplore que l’organisme Aliments du Québec ne soit pas en mesure de garantir que les produits qui portent ses logos « proviennent vraiment du Québec ». Dans son plus récent rapport, déposé jeudi, il blâme aussi le ministère de l’Environnement pour sa gestion de la neige usée. Des lacunes qui contribuent à détériorer la qualité des cours d’eau.

Peu de surveillance

En contexte pandémique, la consommation locale n’a jamais été autant valorisée. Pourtant, le commissaire au développement durable, Paul Lanoie, conteste la fiabilité des étiquettes « Aliments du Québec » ou « Aliments préparés au Québec », très visibles dans les épiceries.

L’organisme, qui a reçu un financement de plus de 26 millions du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) au cours des quatre dernières années pour faire la promotion des produits québécois, « ne peut garantir que les produits qui portent ses logos proviennent du Québec ou y sont préparés », déplore-t-il.

« Aliments du Québec ne s’assure pas que les renseignements essentiels pour confirmer la provenance des produits ainsi que les lieux de transformation sont fournis par les entreprises. […] Enfin, peu de produits affichant un des logos d’Aliments du Québec font l’objet de surveillance dans le but de déceler des cas de non-conformité ou d’utilisation illégale des marques, et le suivi manque de rigueur », estime M. Lanoie.

La directrice générale d’Aliments du Québec, Marie Beaudry, confirme que les processus de vérification seront améliorés et que l’organisme, en activité depuis 1996, répondra favorablement aux recommandations du commissaire. « On veut que les consommateurs puissent continuer de se fier à nos marques », dit-elle.

En janvier dernier, la base de données de l’organisme indiquait 1453 entreprises inscrites et 18 433 produits affichant l’un de ses logos.

Des étiquettes fiables ?

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Dans son rapport, le commissaire blâme aussi le MAPAQ qui ne « surveille pas adéquatement la fiabilité de l’information qui figure sur les étiquettes des aliments afin de protéger les consommateurs des indications fausses ». Pourtant, note-t-il, il en a la responsabilité.

« Le MAPAQ effectue une surveillance partielle des étiquettes : sa vérification est centrée sur les indications nécessaires à la consommation sécuritaire des aliments, comme la présence d’allergènes », déplore M. Lanoie.

Le commissaire déplore également que le Ministère diffuse peu d’information sur les contrôles qui sont menés afin de vérifier si les informations présentées sur les étiquettes alimentaires — comme le tableau de la valeur nutritive et les allégations promotionnelles, entre autres — sont véridiques.

« [Le MAPAQ] ne connaît ni le nombre ni la catégorie de produit qui ont fait l’objet d’une inspection annuelle », dénonce-t-il.

Neige usée, neige toxique

PHOTO ANDRE PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

« Sans surprise », rappelle Paul Lanoie dans son rapport, « le Québec méridional reçoit annuellement de 200 à 350 cm de neige et les neiges usées qui doivent être retirées des voies de circulation contiennent plusieurs contaminants ». Mais ce qui peut causer la surprise, c’est que le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques tolère depuis près de 25 ans « le refoulement de la neige en bordure des routes […] malgré l’impact des contaminants sur les milieux sensibles ».

« De même, depuis près de 10 ans, les directions régionales du ministère n’interviennent pas lorsque la neige est poussée ou soufflée sur la rive ou le littoral d’un cours d’eau lors d’opérations de déneigement réalisées par les municipalités ou par le ministère des Transports du Québec. Pourtant, le ministère de l’Environnement lui-même affirme qu’il s’agit d’une pratique inacceptable et constituant une infraction à la Loi sur la qualité de l’environnement », poursuit le commissaire au développement durable.

M. Lanoie rappelle que les contaminants que l’on retrouve dans la neige usée proviennent essentiellement de l’épandage de sels et d’abrasifs sur les routes, ainsi que de la circulation automobile. Lorsque cette neige se retrouve dans des milieux sensibles, elle peut augmenter la salinité de l’eau, contaminer l’eau potable et contribuer à l’érosion des bandes riveraines.

Le commissaire déplore que les lieux « d’élimination de neige autorisés [n’aient] fait l’objet d’aucune activité de contrôle » et que le Ministère ne soit « pas toujours en mesure de confirmer un retour à la conformité pour les manquements qu’il a relevés ».

Le troisième lien va-t-il augmenter les GES ?

PHOTO PATRICE LAROCHE, ARCHIVES LE SOLEIL

Le premier ministre du Québec, François Legault, lors de la présentation des détails du projet de troisième lien routier entre Québec et Lévis.

Le commissaire au développement durable n’a pas étudié l’imposant projet de troisième lien routier entre Québec et Lévis que le gouvernement Legault a baptisé le « Réseau express de la capitale ». Mais Paul Lanoie pose déjà une question, qui pourrait être débattue concernant ce projet dénoncé par tous les partis de l’opposition.

« Ma préoccupation par rapport au troisième lien, ça serait de savoir [si] ça va augmenter les émissions de gaz à effet de serre. Il faudrait être capable d’avoir accès à des études qui sont plausibles », demande-t-il.

M. Lanoie rappelle que le transport routier est « un de nos talons d’Achille en matière d’émissions de gaz à effet de serre » au Québec. « Le transport routier, en 2018, ça représente 36 % de nos émissions, donc plus du tiers de nos émissions, et ces émissions-là, elles ont augmenté de 59 % entre 1990 et 2018 », affirme-t-il.

Dans son rapport, le commissaire met en lumière les « bonnes pratiques adoptées par cinq pays ayant réussi à réduire leurs émissions de GES de façon marquée au cours des dernières années ».

« Considérant que […] le Québec n’atteindra possiblement pas la cible de réduction des émissions de GES de 2020, ce qui ne le place pas dans une trajectoire optimale pour atteindre son objectif de 2030 », M. Lanoie espère inspirer les parlementaires à suivre l’exemple de ce qui se fait mieux ailleurs.