Le complotiste Mario Roy, incarcéré depuis deux mois en attente de son procès pour harcèlement contre une avocate et non-respect des conditions, avait promis d’« enterrer la hache de guerre » avec le Barreau du Québec. Mais le naturel est vite revenu au galop, mardi, alors qu’il plaidait pour sa libération.

« C’est eux qui me harcèlent », a-t-il dit à la juge Johanne St-Gelais, en parlant du Barreau, alors qu’il demandait une révision d’une ordonnance le condamnant à rester en prison en attendant la tenue de son procès.

M. Roy est accusé d’avoir harcelé l’avocate du Barreau Éliane Hogue, contre qui il a tenu à maintes reprises des propos abjects dans ses vidéos, vues par plusieurs milliers de personnes sur Facebook. « Je reconnais avoir eu des propos déplacés, même orduriers », mais ce n’était « jamais pour lui faire du mal », a-t-il dit, présentant ses excuses à l’avocate.

Depuis le début de la pandémie, il est devenu un des principaux leaders du mouvement d’opposition aux mesures sanitaires, allant jusqu’à bloquer le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine en guise de moyen de contestation des décrets. Il a cependant juré devant la Cour qu’il n’est « à la tête d’aucun mouvement antimasque ».

Il reproche à La Presse d’avoir inventé cette histoire pour le forcer à « mordre à l’hameçon » qui le ferait dénigrer le Barreau et ses représentants dans des vidéos. « J’ai eu peur d’attraper la COVID [en prison], honnêtement », a-t-il reconnu, quelques minutes avant d’affirmer que, selon ses « recherches », les masques ne sont pas efficaces pour bloquer le virus, et qu’il n’est pas d’accord avec plusieurs des mesures sanitaires imposées par la Santé publique.

Ordonnance défiée

Avant d’être arrêté pour harcèlement à l’égard de MHogue, des conditions très sévères lui interdisaient de la contacter, et même de mentionner son nom sur les réseaux sociaux. Il a ouvertement défié cette ordonnance, ce qui a mené à son arrestation, en mars dernier, quelques heures avant qu’il soit reconnu coupable de trois chefs d’outrage au tribunal pour violation d’autres ordonnances rendues dans le cadre d’une longue et laborieuse saga judiciaire qui l’oppose au Barreau du Québec.

L’avocat Clemente Monterosso, embauché par M. Roy pour « régler son dossier » et lui permettre de reprendre son travail dans un verger d’ici son procès, a affirmé mardi que le juge Denis Lavergne, qui l’a condamné à demeurer en prison jusqu’à la fin de son procès, a rendu un jugement erroné.

« C’est une erreur qui a été provoquée à 100 % par l’inhabileté de M. Roy à présenter son plan de sortie [de prison] », a-t-il argumenté. M. Roy a soutenu mardi devant la juge St-Gelais qu’il n’avait pas été en mesure de se trouver un avocat pendant son enquête sur remise en liberté parce que le Barreau « les contrôle » et les empêche de le représenter.

« Mépris flagrant de la justice »

La Couronne, qui s’oppose à sa remise en liberté, affirme que les vidéos de M. Roy témoignent d’un « mépris flagrant de la justice ». « Il invite les gens à faire des arrestations citoyennes de membres du Barreau et de juges. Il a un véritable pouvoir de persuasion sur eux », a plaidé le procureur de la Couronne, MCharles Doucet.

Libérer M. Roy avant son procès enverrait, selon lui, un « message dangereux qu’on peut être au-dessus de la loi et mépriser l’autorité d’un tribunal ». La juge St-Gelais a mis la cause en délibéré jusqu’à mercredi. À la toute fin de l’audience, elle a demandé à M. Roy d’arrêter de lui couper la parole. « J’aimerais que vous respectiez ce que je dis à la Cour », lui a-t-elle lancé.