J’avais besoin de lampes. Une pour la table de chevet et une autre sur pied pour le salon. J’ai trouvé mon bonheur dans un magasin qui se spécialise dans le domaine. Rendu à la maison, j’ai monté et installé le tout.

Avant de jeter les boîtes et les feuillets d’instructions, j’ai voulu vérifier de quel type d’ampoule j’aurai besoin à l’avenir. C’est là que j’ai constaté avec horreur que je venais d’acheter deux lampes avec des ampoules DEL intégrées.

En d’autres mots, ce sont des luminaires qui ne permettent pas de changement d’ampoule. Ils ont une durée de vie programmée (dans ce cas-ci, 10 000 heures), et après ça, c’est fini, kapout, pouet, pouet, pouet… Vous devez mettre l’objet aux poubelles.

Ces lampes à durée de vie déterminée sont un véritable scandale. Il faut empêcher ce fléau de prendre de l’ampleur. Il faut mettre un terme à ce phénomène avant qu’il ne soit trop tard.

Voyez l’ironie de la chose. On impose les ampoules DEL qui ont une durée de vie plus longue que celles à incandescence et qui sont moins énergivores. On nous dit que c’est pour le bien de l’environnement.

Puis, des fabricants du monde de l’éclairage se disent : « Comme on va faire moins d’argent avec les ampoules, on va se rattraper avec des luminaires jetables. »

Les ampoules remplissaient déjà bien les dépotoirs, imaginez les millions de lampes et de plafonniers qui vont maintenant s’y ajouter.

Un scandale que je vous dis !

Ce n’est pas la première fois que je vous parle d’obsolescence programmée, cette pratique qui consiste à donner une date de péremption aux objets ou à empêcher leur réparabilité.

Même si le débat fait rage depuis des années, le Québec tarde sérieusement à agir dans ce dossier. Pourtant, les sources d’inspiration sont nombreuses. En France, un système d’indices de réparabilité a été mis en place le 1er janvier dernier.

Sur des produits électroménagers ou électroniques (téléphones intelligents, ordinateurs portables, lave-linge à chargement frontal, tondeuses à gazon et téléviseurs), on doit maintenant afficher une note sur 10 qui indique aux consommateurs quelles sont les possibilités qui s’offrent à eux quand viendra le temps de les réparer.

C’est sûr que lorsque tu vois que le produit a un indice de réparabilité de 1,5 sur 10, tu réfléchis quelques minutes avant de l’acheter.

Cet indice est la nouvelle arme contre l’obsolescence programmée. On songe maintenant à l’étendre à la grandeur de l’Europe.

L’indice est établi en fonction de facteurs qu’utilise déjà le magazine Protégez-vous dans ses grilles d’évaluation : la documentation offerte, la facilité de démontage du produit, le type d’outils nécessaires, la disponibilité des pièces détachées, le rapport entre le prix de vente des pièces détachées, le prix du produit, etc.

La loi française oblige les fabricants à établir cet indice. Cela ouvre bien sûr la porte à la publicité trompeuse. Mais les groupes qui se portent à la défense des droits des consommateurs demandent au public d’évaluer les indices et de faire part de leur expérience sur le web.

Alors, qu’attendons-nous pour agir ?

En 2019, le député indépendant Guy Ouellette a déposé le projet de loi 197 sur l’obsolescence programmée. Ce document, corédigé par des étudiants de la faculté de droit de l’Université de Sherbrooke et leur professeur, Jonathan Mayer, visait à modifier la Loi sur la protection du consommateur pour favoriser une durée de vie plus longue des produits de consommation.

Alors qu’on croyait que ce projet de loi dormait à poings fermés sur une tablette, il est réapparu à l’Assemblée nationale, en avril dernier, lors d’une adoption de principe. Le gouvernement démontre un intérêt certain pour cette loi qui aurait de nombreuses ramifications (droit du consommateur, respect de l’environnement, promotion de l’économie circulaire, etc.).

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Guy Ouellette, député de Chomedey

Simon Jolin-Barrette, responsable de l’Office de la protection du consommateur, travaille actuellement à un projet de loi qu’il veut mettre à sa main. « On avait une incroyable longueur d’avance et on est en train de rater le bateau, m’a dit Guy Ouellette. J’ai offert ma collaboration au ministre, mais il fait la sourde oreille. »

Quelle ampleur aura cette loi ? Quel pouvoir donnera-t-elle au Québec, qui se trouve au cœur de l’immense marché commercial nord-américain ? Pourrons-nous jouer à David contre Goliath ?

Une chose est certaine, le contrôle exercé par les fabricants a atteint un niveau inacceptable. Cette attitude est hautement dommageable pour le sort de notre planète. Depuis des décennies, nous fermons les yeux là-dessus.

Avec le temps, nous nous sommes habitués à ce que les produits que nous achetons meurent de plus en plus rapidement. C’est devenu une norme.

Et cela a nourri au fil du temps notre envie effrénée de consommer, d’acheter, de renouveler sans cesse. Tout cela pour s’offrir ce petit plaisir qui fait du bien, qui remonte le moral.

Pendant longtemps, la publicité et le marketing ont fait de nous des pantins. Les personnages de Mad Men jouaient avec nous comme avec des marionnettes. Nous nous sommes réveillés et avons montré que nous n’étions pas des naïfs contrôlables.

Aujourd’hui, la publicité n’a plus besoin de nous dire d’aller acheter un gadget. Le produit fait le travail lui-même en mourant entre nos mains.