« Mes enfants n’auront plus de place pour vivre. » Des militants mohawks ont protesté samedi, à Kanesatake, pour bloquer un « projet résidentiel » dans la Pinède qui, selon eux, engendrera une coupe d’arbres importante. Le propriétaire du terrain, lui, rétorque qu’il n’y a aucun développement prévu, et appelle au dialogue.

« On est exactement là où l’on était il y a 30 ans, avec le golf d’Oka et le début de la crise », lance Alan Harrington, l’un des organisateurs de la manifestation. Pour ce résidant natif de Kanesatake, qui avait fait une grève de la faim de 15 jours en 2019 pour exiger d’Ottawa un moratoire sur la construction d’habitations, la communauté « n’est jamais impliquée ».

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Une centaine de voitures ont défilé en klaxonnant dans les rues d’Oka, samedi avant-midi.

Une centaine de voitures ont défilé dans les rues en avant-midi, en klaxonnant. « Nous n’avons jamais été amenés dans les discussions. On ne nous parle jamais des enjeux. On découvre par nous-mêmes que des contrats ont été signés, que des terrains ont été vendus, et que des promoteurs ont des plans de construction », dénonce M. Harrington.

Notre communauté devient de plus en plus petite, chaque jour, parce que la Ville et les promoteurs achètent les terres, les transforment en grosses maisons. Mes enfants n’auront plus de place pour vivre si ça continue. C’est pour eux que je me lève.

Alan Harrington, co-organisateur de la manifestation

Trop souvent, ces dossiers sont « politisés », déplore M. Harrington. « Si on ne s’était pas mobilisés dans les dernières années pour stopper les ambitions qu’il y avait dans le parc d’Oka, ce serait déjà très développé là aussi. Les gens sont tannés que les espaces verts soient aspirés », soupire-t-il.

La militante mohawk Ellen Gabriel, bien connue dans la communauté, était aussi présente samedi. « Nous nous battons pour protéger l’une des dernières traces de nos patries contre l’empiétement et la fraude foncière pure et simple. Ce n’est pas un problème nouveau ; c’est un conflit qui dure depuis trois siècles et qui persiste à cause du racisme systémique, de l’ignorance et de la cruauté de la colonisation », a-t-elle martelé.

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La militante mohawk Ellen Gabriel était sur place, samedi.

Contexte de vives tensions

En décembre, la municipalité d’Oka a changé le zonage de la Pinède afin d’« assurer sa sauvegarde et sa mise en valeur dans l’intérêt public ». Le lieu a alors été déclaré « patrimonial » et « en conservation environnementale », empêchant ainsi tout ensemble résidentiel sur ces terres.

La décision a toutefois rapidement engendré des tensions. Elle a notamment été critiquée par le Conseil mohawk de Kanesatake, qui a d’ailleurs lancé une poursuite contre la Ville il y a quelques mois.

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De son côté, le propriétaire du terrain, Grégoire Gollin, se dit estomaqué par les attaques dont il fait l’objet. « Il n’y a aucun développement en cours. Tous les terrains vacants sont même mis à la disposition de la communauté, dans ses négociations avec le fédéral. En ce moment, on crie au loup, et rien ne s’y passe ! Tout ça fait l’affaire des militants et de la Ville », se défend-il.

Je ne conteste pas que la Ville veuille conserver ce terrain. Ce que je conteste, c’est de me placer dans une situation d’expropriation déguisée. La loi prévoit que dans un contexte comme celui-là, on s’assoit et l’on négocie une compensation. Et si l’on ne s’entend pas, il y a le Tribunal administratif.

Le promoteur Grégoire Gollin

Joint par La Presse samedi, le maire d’Oka, Pascal Quevillon, s’est défendu d’être de mauvaise foi. « Il y a deux ans, il a fait un don écologique à la Pinède, et maintenant, il menace de poursuivre parce qu’il ne peut plus développer ! C’est un peu incohérent. En fin de compte, je pense que c’est vraiment une question financière », tranche l’élu municipal.

« À la Ville, on va tenir notre bout dans ce dossier. Si M. Gollin décide d’aller plus loin et de nous envoyer une mise en demeure, on l’évaluera, mais on tient à conserver cette forêt et, du même coup, la paix entre les deux communautés. Cette forêt a une histoire précieuse, et on veut la préserver », conclut le maire Quevillon au bout du fil.

« Ce qui se passe, je le vois comme une punition pour m’être entendu avec le Conseil de bande et lui avoir offert la Pinède comme un don écologique. C’est un manque de respect face aux droits », répond quant à lui Grégoire Gollin.