(Québec) Un comité d’élus à l’Assemblée nationale a entamé vendredi de nouveaux travaux en vue de possiblement élargir l’aide médicale à mourir (AMM).

Québec a légiféré en 2014 pour offrir l’AMM aux personnes majeures, atteintes d’une maladie grave et incurable, en fin de vie, avec des souffrances jugées intolérables.

Le critère de fin de vie a été éliminé en 2020 en réponse à un jugement de la Cour supérieure donnant raison à Nicole Gladu et Jean Truchon, qui éprouvaient de graves problèmes de santé sans être à l’agonie.

La loi québécoise n’a pas changé en ce qui a trait au consentement éclairé de la personne souffrante, qui doit être donné jusqu’au moment de recevoir le traitement létal.

Or, « maintenant la société nous demande de prendre compte » des personnes en situation d’inaptitude ou souffrant de troubles mentaux, a indiqué vendredi la présidente de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, la caquiste Nancy Guillemette.

Elle a averti que le débat serait difficile et sensible, et qu’il risquait de confronter les députés à leurs propres valeurs et « finitude ».

La pertinence d’autoriser ou non la demande anticipée d’AMM quand il s’agit de personnes atteintes d’Alzheimer fait partie des enjeux abordés.

La Commission, dont fait partie Marie Montpetit (PLQ), Gabriel Nadeau-Dubois (QS) et Véronique Hivon (PQ), tiendra sept jours de consultations avec des experts, suivies d’audiences publiques à la fin de l’été.

Elle doit déposer son rapport au plus tard le 19 novembre 2021.

Vendredi, le Groupe d’experts sur la question de l’inaptitude et de l’aide médicale à mourir a recommandé que seules les personnes ayant reçu un diagnostic de maladie grave et incurable puissent faire une demande anticipée pour recevoir l’AMM.

Il recommande que la personne nomme un tiers, qui agirait comme « porte-voix » et initierait le traitement au moment jugé opportun.

Répondant à une question de Mme Hivon, les coprésidents Jocelyn Maclure et Nicole Filion ont affirmé que selon eux, il serait impossible pour une personne qui a anticipé des souffrances, mais qui finalement vit une « démence heureuse », d’obtenir l’AMM.

À leurs yeux, la demande anticipée serait justement cela, une demande, qui n’aurait pas un caractère exécutoire.

« Une personne qui est en situation de démence, mais qui a une certaine qualité de vie, est-ce qu’on veut vraiment demander à des professionnels de la santé de venir pratiquer l’AMM ? Les professionnels de la santé nous ont dit : « On s’imagine mal faire ça » », a déclaré M. Maclure.

« L’esprit de nos recommandations, c’est d’attendre qu’il y ait un déclin irrémédiable et irréversible des capacités et de la qualité de vie. »

Par ailleurs, la Dre Mona Gupta, professeure agrégée de clinique au Département de psychiatrie et d’addictologie de l’Université de Montréal, a recommandé qu’un psychiatre participe au processus d’évaluation des demandes venant de personnes souffrant de troubles mentaux.

Selon elle, une personne qui vit une crise aiguë de santé mentale, ou qui n’aurait pas un accès adéquat aux soins, ne devrait pas être admissible pour recevoir l’AMM.

Il est difficile de dresser une liste des maladies mentales qui pourraient être considérées comme graves et incurables, a-t-elle poursuivi. Il faut plutôt considérer « l’ensemble des circonstances cliniques ».

Elle a donné l’exemple d’un homme qui se lave « 20 heures sur 24 », jusqu’à avoir les « mains couvertes de sang », qui ne se nourrit plus et ne dort plus, et qui lave sa toilette 400 fois par jour « parce qu’il perçoit que c’est contaminé ».

« On parle d’un très petit groupe de personnes, a expliqué la Dre Gupta. (Ce n’est pas) le voisin qui a vécu une dépression après son divorce. […] On n’est pas dans le jeune de 17 ans qui vient d’avoir une rupture avec sa blonde. »

La Commission sur les soins de fin de vie ouvre d’autres portes

Depuis l’entrée en vigueur de la loi, 7000 Québécois ont reçu l’AMM, ce qui représente environ 3 % des décès annuels, a rapporté vendredi la Commission sur les soins de fin de vie.

Cette commission, qui a été instituée par l’Assemblée nationale, a notamment le mandat d’examiner toute question relative aux soins de fin de vie et de surveiller l’application des exigences relatives à l’AMM.

Son président, le Dr Michel A. Bureau, a ouvert d’autres portes vendredi, en demandant à l’équipe de Mme Guillemette de se pencher sur l’élargissement de l’AMM aux personnes handicapées ainsi qu’aux mineurs.

Il a reconnu qu’avec tous ces ajouts possibles, le Québec entrait dans une « zone de turbulences ». Un mal nécessaire, selon lui.

« Un adolescent de 15 ans qui fait le cancer et qui a une situation incontrôlable, pourquoi n’aurait-il pas lui aussi accès à l’AMM si ses douleurs sont inapaisables ? » a-t-il relevé.

D’ici là, le Dr Bureau exhorte l’Assemblée nationale à modifier de toute urgence la loi afin de renoncer au consentement final, tel que l’a fait le gouvernement fédéral.

À l’heure actuelle, des gens arrêtent de prendre leurs médicaments, ce qui les fait souffrir davantage, de peur de perdre leur aptitude avant de recevoir l’AMM.