(Montréal) Il n’y aura plus d’abus — sexuels ou autres — cachés sous la soutane dans les instances qui relèvent de l’Archevêché de Montréal.

« Personne ne pourra fermer les yeux et se dégager de sa responsabilité pour quelque motif que ce soit », a affirmé d’entrée de jeu l’archevêque de Montréal, Christian Lépine, en présentant, mercredi en conférence virtuelle, le nouveau protocole pour le traitement des plaintes d’abus de l’Archidiocèse de Montréal.

Ce protocole très élaboré comprend de nombreuses provisions, pour traiter des abuseurs et accompagner les victimes dans la foulée du rapport Capriolo qui, en novembre dernier, avait sévèrement blâmé les pratiques de l’Église catholique.

M. Lépine a rappelé quelques constats très durs de ce rapport : « absence d’imputabilité des membres du clergé qui avaient été témoins ou mis au courant de situations problématiques, la culture du secret et des lacunes importantes dans la tenue des dossiers. […] Les personnes impliquées se souciaient davantage de protéger la réputation de l’agresseur plutôt que de faire la lumière sur ses agissements. »

Une ombudsman indépendante

La création d’un poste d’ombudsman, autonome et indépendant de l’archidiocèse, s’accompagne d’une foule d’obligations de dévoilement et de documentation des plaintes d’abus, incluant une obligation de référer les cas d’abus sexuels ou physiques à la Direction de la protection de la jeunesse.

L’ombudsman, un poste qui sera occupé par l’avocate Marie-Christine Kirouack, a également l’obligation d’accompagner les plaignants tout au long de la démarche et de leur fournir un soutien financier tant pour d’éventuelles thérapies que pour l’accompagnement par un avocat. Interrogée sur ses liens avec l’Église, Me Kirouack a fourni une réponse courte et claire : « Je suis juive. Donc je n’ai pas de lien avec l’Église catholique. »

À la réception d’une plainte, l’ombudsman devra en transmettre les éléments dans les 24 heures à un comité consultatif composé de membres extérieurs à l’Église comprenant obligatoirement un psychologue ou un travailleur social, un avocat, un professionnel de la santé, un ancien policier ou procureur de la Couronne et un survivant d’abus. Ce comité sera présidé par un délégué de l’Archevêché, mais celui-ci n’aura pas droit de vote.

Des conséquences lourdes

Ce comité doit lui-même traiter la plainte rapidement et confier l’enquête à une firme spécialisée indépendante si la situation l’exige. Il a le pouvoir de suspendre ou de demander le retrait d’une personne visée de son milieu jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue. Il a lui aussi l’obligation d’offrir son soutien aux plaignants.

Une fois l’enquête terminée, il fera ses recommandations à l’Archevêque, recommandations qui peuvent aller jusqu’au congédiement de la personne faisant l’objet d’une plainte.

Les suites peuvent varier selon les cas, allant d’un procès devant les tribunaux à un procès canonique en passant par des sanctions disciplinaires.

Un mandat très large

Fait à noter, l’ombudsman peut être saisi non seulement de plaintes d’abus sexuel ou physique, mais aussi de plaintes d’abus psychologique, spirituel ou financier, tous des dossiers qui seront transmis au comité consultatif.

La juge Pepita Capriolo, qui avait rédigé le rapport et qui a participé à l’élaboration de ce protocole, a ajouté que d’autres types de plaintes pourront être reçues et transmises à une autre instance le cas échéant.

« Les comportements inappropriés, telles une présence en état d’ébriété, une homélie raciste ou misogyne, des crises de colère, seront suivis par le directeur de l’Office du personnel pastoral pour les membres du clergé et par le vicaire général pour les employés, le personnel non mandaté et les bénévoles », a-t-elle précisé.

Le pouvoir de l’ombudsman et du comité consultatif s’étend aux membres du clergé, au personnel laïque et bénévole, de même qu’aux communautés religieuses. Il n’y a aucune limite sur le temps écoulé entre la commission d’un acte répréhensible et le dépôt d’une plainte.

Le rapport de la juge Capriolo faisait suite à la cause impliquant le prêtre Brian Boucher, condamné à huit ans de pénitencier en mars 2019pour avoir agressé sexuellement deux mineurs. La juge Capriolo avait émis 31 recommandations dans son rapport qui faisait état d’une culture du secret, d’absence d’imputabilité et d’une Église qui était surtout préoccupée par la protection de la réputation des abuseurs que de traiter les plaintes comme il se doit.